Les mots sont simples mais le message est clair. À l’occasion du Jubilé des familles, des grands-parents et des personnes âgées, célébré le 2 juin 2025, le pape Léon XIV a offert à l’Église une première indication de son orientation doctrinale. Au cœur de son homélie, cette phrase : « Le mariage n’est pas un idéal, mais la norme du véritable amour entre l’homme et la femme : un amour total, fidèle, fécond » (cf. Paul VI, Humanae vitae, n. 9).
Cette déclaration, en apparence modeste, constitue pourtant une première inflexion notable par rapport à l’approche développée dans l’exhortation apostolique Amoris laetitia (2016), où le mariage chrétien était souvent décrit comme un idéal à atteindre, et non comme une norme objective.Dans Amoris laetitia, le pape François adoptait une lecture graduelle de la vie morale, invitant à accompagner avec miséricorde les personnes en situation dite « irrégulière » notamment les couples vivant hors mariage ou après un divorce. Ces situations étaient perçues comme des réponses imparfaites à l’appel évangélique, mais potentiellement positives si elles s’inscrivaient dans une dynamique de croissance.
Léon XIV, sans contester cette dynamique d’accompagnement pastoral, rappelle avec une » douce fermeté » le caractère normatif du mariage chrétien, tel que défini par le magistère antérieur, notamment par Jean-Paul II dans Veritatis splendor. Il ne s’agit plus de viser un idéal lointain, mais de reconnaître une vérité à vivre, aujourd’hui, dans sa plénitude.
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Cette formulation ramène la question du mariage à des repères clairs, et semble également répondre, sans les nommer, aux fameuses Dubia formulées en 2016 par quatre cardinaux qui demandaient des éclaircissements sur la portée morale de certaines expressions d’Amoris laetitia, restées ambigües.L’exhortation affirmait par exemple, au paragraphe 303, que la conscience peut reconnaître « avec sincérité et honnêteté » qu’une situation objectivement contraire à la loi morale peut être « ce que Dieu lui-même demande », dans les limites concrètes de la vie. Une formulation qui avait suscité de vives réactions chez de nombreux théologiens et pasteurs.
En recentrant le discours ecclésial sur la dimension objective de la loi morale, Léon XIV s’inscrit dans l’héritage de Jean-Paul II, qui rappelait dans Veritatis splendor qu’il existe des actes « intrinsèquement mauvais » et que certaines normes morales ne dépendent ni des intentions ni des circonstances.Sans rupture formelle avec son prédécesseur, Léon XIV engage donc l’Église dans une clarification doctrinale, dans une fidélité explicite aux fondements classiques de la morale catholique. Le ton demeure pastoral, mais la direction est théologiquement claire : la vérité du mariage n’est pas une finalité à atteindre, mais une exigence présente, offerte et possible.
Ce recentrage ne se veut ni polémique ni accusateur, mais il trace une ligne : celle d’un pontificat qui veut conjuguer la charité pastorale avec la clarté doctrinale. Un premier pas, peut-être, vers une lecture renouvelée du magistère récent à la lumière de l’Évangile et de la tradition vivante de l’Église.