Dans un monde occidental où les repères se brouillent et où la famille subit une pression idéologique croissante, le pape Léon XIV n’a pas hésité à rappeler l’importance fondamentale de l’évangélisation familiale. « Ce qui pousse l’Église dans sa mission pastorale et missionnaire, c’est précisément le désir de sortir comme “pêcheur” d’humanité, pour la sauver des eaux du mal et de la mort par la rencontre avec le Christ », affirme-t-il avec clarté.
Dans ce message transmis le 2 juin aux participants du séminaire organisé par le Dicastère pour les Laïcs, la Famille et la Vie, le Saint-Père pose un diagnostic lucide : « Beaucoup finissent par s’appuyer sur de faux appuis, incapables de soutenir le poids de leurs besoins profonds, et retombent, éloignés de Dieu, naufragés dans une mer de préoccupations mondaines. ».
Les familles sont en première ligne de ce naufrage spirituel, souvent isolées, désorientées, exposées aux messages trompeurs diffusés par les réseaux sociaux et à des modèles de vie incompatibles avec la foi chrétienne.Face à ce constat, le pape invite l’Église à ne pas baisser les bras. Il lance un appel appuyé aux pasteurs, mais aussi à tous les fidèles : « C’est la responsabilité des évêques, en tant que successeurs des apôtres et pasteurs du troupeau du Christ, d’être les premiers à jeter leurs filets en mer et à devenir des “pêcheurs de familles”. » Une formule qui souligne à la fois l’urgence et la noblesse de la mission évangélisatrice auprès des foyers.
Car, comme le rappelle Léon XIV, la famille reste « le premier noyau de l’Église » et les parents ont « le devoir de faire connaître à leurs enfants la paternité de Dieu ». Reprenant saint Augustin, il souligne : « Puisque c’est de toi que vient la vie, Seigneur, dans ta lumière nous verrons la lumière. »Le Pape déplore que trop souvent, dans un passé récent, la foi ait été réduite à une morale décourageante : « Nous avons présenté la vie chrétienne surtout comme un ensemble de règles à respecter, remplaçant la merveilleuse expérience de la rencontre avec Jésus – Dieu qui se donne à nous – par une religion moralisante, pesante et peu attrayante. »
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Mais la solution n’est pas dans la dilution du message : elle est dans un engagement renouvelé des fidèles, appelés à « devenir, aux côtés des ministres ordonnés, des “pêcheurs” de couples, de jeunes, d’enfants, de femmes et d’hommes de tout âge et condition, afin que tous puissent rencontrer l’unique Sauveur ».Le Saint-Père exhorte également à la proximité avec les familles éloignées : « Il ne s’agit pas de donner des réponses hâtives à des questions complexes, mais de s’approcher des personnes, de les écouter et de chercher à comprendre avec elles comment affronter leurs difficultés. »
Enfin, le pape Léon XIV enracine cette action dans une foi vive et missionnaire : « Si nous voulons aider les familles à vivre des chemins joyeux de communion et à être des semences de foi les unes pour les autres, nous devons d’abord cultiver et renouveler notre propre identité de croyants. »
Ce message s’inscrit dans la continuité de la tradition magistérielle, dans un esprit fidèle de Familiaris Consortio de saint Jean-Paul II. Il invite à redécouvrir la vocation missionnaire de chaque baptisé, dans un monde en quête de sens. Un monde qui, malgré ses égarements, attend encore souvent sans le savoir , la lumière du Christ.
INTEGRALITE du Message du Saint-Père
« Chers frères et sœurs,
Je me réjouis qu’à la veille de la célébration du Jubilé des Familles, des Enfants, des Grands-parents et des Personnes âgées, un groupe d’experts se soit réuni au Dicastère pour les Laïcs, la Famille et la Vie pour réfléchir sur le thème : *« Évangéliser avec les familles d’aujourd’hui et de demain : défis ecclésiologiques et pastoraux ». *
Ce thème exprime clairement l’attention maternelle de l’Église envers les familles chrétiennes du monde entier, membres vivants du Corps mystique du Christ et premier noyau de l’Église, à qui le Seigneur confie la transmission de la foi et de l’Évangile, en particulier aux nouvelles générations.
La soif profonde d’infini présente dans le cœur de tout être humain implique que les parents ont le devoir de faire connaître à leurs enfants la paternité de Dieu. Comme le dit saint Augustin : « Puisque c’est de toi que vient la vie, Seigneur, dans ta lumière nous verrons la lumière » (Confessions, XIII, 16).
Notre époque est marquée par une recherche croissante de spiritualité, particulièrement visible chez les jeunes, qui aspirent à des relations authentiques et à des guides dans leur vie. Il est donc essentiel que la communauté chrétienne soit clairvoyante dans le discernement des défis du monde actuel et dans l’accompagnement du désir de foi présent dans le cœur de chaque homme et de chaque femme.
Cet effort demande une attention particulière à ces familles qui, pour diverses raisons, sont spirituellement éloignées de nous : celles qui ne se sentent pas concernées, se disent désintéressées ou se sentent exclues des activités habituelles, mais qui aimeraient néanmoins faire partie d’une communauté où elles peuvent grandir et cheminer avec d’autres. Combien de personnes aujourd’hui n’entendent tout simplement pas l’invitation à rencontrer Dieu ?
Malheureusement, face à ce besoin, une « privatisation » croissante de la foi empêche souvent ces frères et sœurs de découvrir la richesse et les dons de l’Église, lieu de grâce, de fraternité et d’amour.
En conséquence, malgré leurs désirs sains et saints, tandis qu’ils cherchent sincèrement des voies pour gravir les sentiers exaltants de la vie et de la joie véritable, beaucoup finissent par s’appuyer sur de faux appuis, incapables de soutenir le poids de leurs besoins profonds, et retombent, éloignés de Dieu, naufragés dans une mer de préoccupations mondaines.
Parmi eux se trouvent des pères et des mères, des enfants, des jeunes et des adolescents, parfois égarés par des modes de vie illusoires qui ne laissent aucune place à la foi, modes de vie dont la diffusion est facilitée par un usage détourné de moyens pourtant bons en soi – comme les réseaux sociaux – mais nuisibles lorsqu’ils véhiculent des messages trompeurs.
Ce qui pousse l’Église dans sa mission pastorale et missionnaire, c’est précisément le désir de sortir comme « pêcheur » d’humanité, pour la sauver des eaux du mal et de la mort par la rencontre avec le Christ.
Peut-être que beaucoup de jeunes aujourd’hui, qui choisissent la cohabitation plutôt que le mariage chrétien, ont simplement besoin que quelqu’un leur montre de manière concrète et claire, surtout par l’exemple de leur vie, ce qu’est le don de la grâce sacramentelle et la force qui en découle. Quelqu’un qui les aide à comprendre « la beauté et la grandeur de la vocation à l’amour et au service de la vie » que Dieu confie aux époux (saint Jean-Paul II, Familiaris Consortio, 1).
De même, de nombreux parents, dans leur mission d’éduquer leurs enfants dans la foi, ressentent le besoin de communautés capables de les soutenir pour créer les conditions propices à la rencontre de leurs enfants avec Jésus, « des lieux où la communion de l’amour, qui trouve sa source ultime en Dieu, se réalise » (Pape François, Audience générale, 9 septembre 2015).
La foi est avant tout une réponse à l’amour de Dieu, et la plus grande erreur que nous puissions faire en tant que chrétiens est, selon les mots de saint Augustin, « de prétendre que la grâce du Christ consiste dans son exemple et non dans le don de sa personne » (Contra Iulianum opus imperfectum, II, 146). Que de fois, même dans un passé pas si lointain, avons-nous oublié cette vérité, en présentant la vie chrétienne surtout comme un ensemble de règles à respecter, remplaçant la merveilleuse expérience de la rencontre avec Jésus – Dieu qui se donne à nous – par une religion moralisante, pesante et peu attrayante, qui, sous bien des aspects, semble impossible à vivre dans la vie quotidienne.
Dans ce contexte, c’est la responsabilité des évêques, en tant que successeurs des apôtres et pasteurs du troupeau du Christ, d’être les premiers à jeter leurs filets en mer et à devenir des « pêcheurs de familles ». Mais les laïcs sont également appelés à participer à cette mission, à devenir, aux côtés des ministres ordonnés, des « pêcheurs » de couples, de jeunes, d’enfants, de femmes et d’hommes de tout âge et condition, afin que tous puissent rencontrer l’unique Sauveur. Par le baptême, chacun de nous a été fait prêtre, roi et prophète pour ses frères et sœurs, et « pierre vivante » (cf. 1 P 2,4) pour l’édification de la maison de Dieu « dans la communion fraternelle, dans l’harmonie de l’Esprit, dans la coexistence des diversités » (Léon XIV, Homélie, 18 mai 2025).
Je vous demande donc de vous unir au travail de toute l’Église pour aller à la recherche de ces familles qui ne viennent plus à nous, d’apprendre à marcher avec elles et à les aider à accueillir la foi et à devenir à leur tour des « pêcheurs » d’autres familles.
Ne vous laissez pas décourager par les situations difficiles que vous rencontrez. Il est vrai que les familles d’aujourd’hui ont de nombreux problèmes, mais « l’Évangile de la famille nourrit aussi des graines encore en attente de croître et sert de base pour soigner les plantes qui se fanent et ne doivent pas être négligées » (François, Amoris Laetitia, 76).
Quel besoin immense il y a de promouvoir une rencontre avec Dieu, dont l’amour tendre valorise et aime l’histoire de chaque personne ! Il ne s’agit pas de donner des réponses hâtives à des questions complexes, mais de s’approcher des personnes, de les écouter et de chercher à comprendre avec elles comment affronter leurs difficultés. Cela demande une disposition à être ouvert, si nécessaire, à de nouvelles manières de voir les choses et à des modes d’action différents, car chaque génération est différente et porte ses propres défis, rêves et interrogations. Pourtant, au milieu de tous ces changements, Jésus Christ demeure « le même hier, aujourd’hui et pour les siècles » (He 13,8). Par conséquent, si nous voulons aider les familles à vivre des chemins joyeux de communion et à être des semences de foi les unes pour les autres, nous devons d’abord cultiver et renouveler notre propre identité de croyants.
Chers frères et sœurs, merci pour ce que vous faites ! Que l’Esprit Saint vous guide dans le discernement des critères et des méthodes qui soutiennent et favorisent l’engagement de l’Église auprès des familles. Aidons les familles à écouter avec courage la proposition du Christ et les paroles d’encouragement de l’Église ! Je vous garde dans ma prière et je vous accorde à tous ma Bénédiction apostolique.
Du Vatican, le 28 mai 2025
Leo P.P. XIV«
( Traduction TC)