Alors que l’île de Cuba panse ses plaies après le passage dévastateur de l’ouragan Melissa, les États-Unis ont annoncé, dimanche, un don humanitaire de trois millions de dollars destiné aux victimes. Fait notable, cette aide sera distribuée non pas par les canaux officiels du gouvernement cubain, mais par l’intermédiaire de l’Église catholique, une institution encore respectée et crédible sur l’île malgré des décennies de tensions politiques.Melissa, ouragan de catégorie 5, a balayé la Caraïbe en laissant derrière lui un lourd tribut humain et matériel, notamment en Jamaïque, avant de frapper l’est de Cuba. Si les autorités cubaines ont procédé à l’évacuation préventive de plus de 700 000 habitants, elles n’ont rapporté pour l’heure aucune victime. Les dégâts matériels, en revanche, sont considérables, touchant logements, infrastructures et récoltes.
Dans un message publié sur X, le Bureau des affaires de l’hémisphère occidental du département d’État américain a déclaré : « Les États-Unis coordonnent avec l’Église catholique la distribution de trois millions de dollars d’aide humanitaire directement aux habitants de l’est de Cuba les plus touchés par les ravages de l’ouragan Melissa. » Et d’ajouter : « Nos prières accompagnent le courageux peuple cubain. »
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Cette décision américaine s’inscrit dans un contexte de relations diplomatiques néanmoins tendues. Washington maintient depuis plus de soixante ans un embargo économique sur Cuba. Si le gouvernement cubain a rejeté cette offre, exigeant la levée du blocus, l’initiative demeure un signe concret d’une diplomatie humanitaire cherchant à contourner les divisions idéologiques.L’Église catholique, quant à elle, se retrouve une fois de plus dans une position délicate mais essentielle : celle d’un pont entre deux mondes irréconciliés. Depuis des décennies, elle agit comme médiatrice discrète entre Washington et La Havane, assumant un rôle moral et social que ni les États ni les idéologies ne parviennent à remplir.
Selon le père Alberto Reyes, prêtre de l’archidiocèse de Camagüey, « seule l’Église catholique à Cuba est en position de proposer une transition du communisme vers une société libre ». En 2023 , dans un entretien accordé au journal espagnol El Debate, le prêtre soulignait que l’Église demeure la seule institution nationale capable d’ouvrir un dialogue sincère et de parler au nom du peuple, au-delà des clivages politiques.Face à une crise économique et sociale profonde ,plus de 70 % des Cubains vivant sous le seuil de pauvreté selon l’Observatoire cubain des droits de l’homme, la population aspire à la liberté et à la dignité. Le père Reyes, souvent harcelé par la sécurité d’État pour ses prises de position, estimait que « le peuple cubain crie la fin du communisme et l’arrivée de la liberté ».
Malgré les persécutions, l’Eglise cubaine continue d’annoncer l’Évangile et de défendre la personne humaine. L’Église a su maintenir un équilibre courageux : rappeler les exigences de la charité et du pardon, tout en dénonçant les atteintes à la liberté. Comme le note le père Reyes, elle est restée fidèle à sa mission : « parler de la vie éternelle, mais sans oublier que Dieu aime aussi la vie terrestre. »
Dans ce contexte, le don américain confié à l’Église prend une portée symbolique : il reconnaît en elle non seulement un acteur de confiance humanitaire, mais aussi un pilier moral dans une société en quête d’espérance et de renouveau.Alors que des équipes américaines de secours ont également été dépêchées en Jamaïque, en Haïti et aux Bahamas, le geste d’aide à Cuba pourrait, à terme, rouvrir un espace de dialogue indirect, fondé sur la solidarité humaine plutôt que sur la confrontation politique.


