« Père pardonne-leur : ils ne savent pas ce qu’ils font » (Lc 23, 34)
La première parole du Christ sur la Croix est une prière de Miséricorde divine. Le Sauveur implore le Père de pardonner à ceux qui le crucifient, révélant ainsi l’âme de sa Passion. Cette prière est adressée au Père de Miséricorde, au Dieu qui a tant aimé le monde qu’il lui a donné son Fils unique. Elle est l’écho du Notre Père et témoigne d’un pardon inimaginable. Malgré la haine et la violence de la foule, le Christ répond avec un amour transcendant qui ne peut être submergé par les flots du péché.
La condamnation inique de Jésus a été menée par ceux qui sont les premiers bénéficiaires de l’infinie Miséricorde. Saint Pierre précise que ces hommes ont agi dans l’ignorance, mais Dieu a accompli ce qu’il avait annoncé par la bouche des prophètes : le Christ, son Messie, souffrirait. La Miséricorde divine est plus forte que la haine et la violence humaines.
« Amen, je te le dis, aujourd’hui, avec moi, tu seras au paradis » (Lc 23, 43)
La promesse de Jésus au bon larron révèle la puissance de la Miséricorde divine et la victoire du Sauveur sur la mort. Le bon larron a pris conscience de la gravité de son péché en voyant Jésus innocemment condamné. Sa contrition parfaite l’a conduit à reconnaître la rédemption et à croire en Jésus Sauveur. La réponse de Jésus ne s’est pas fait attendre : « Aujourd’hui, avec moi, tu seras au paradis ». La finalité de la souffrance de Jésus est révélée, c’est la vision béatifique. La parole du Salut adressée au larron devient l’espérance de la conversion et de la béatitude pour tout homme. Le péché n’a plus la puissance de mort, et tout homme qui croit dans l’amour du Christ sur la Croix peut voir jaillir des fleuves d’eau vive en son sein.
» Mon Dieu pourquoi m’as-tu abandonné? »
Eli, Eli, lema sabachthani ?(Matthieu 27:46)
Jésus-Christ étant Dieu, comment peut-il remettre en cause son lien avec son Père ? Bien sûr, on sait que ces mots marquent le début du Psaume 22, qui décrit presque tous les détails de la Passion – les vêtements partagés et tirés au sort, la soif inextinguible – et se termine par un acte de confiance en Dieu. Mais il est étrange que ce psaume soit prononcé en araméen plutôt qu’en hébreu (la langue de la Bible). On pourrait presque penser que Jésus, tout en se référant à cette source vive de la prière biblique, nous révèle quelque chose de plus intime, de plus charnel. En effet, sur la croix, alors qu’il est dépourvu de tout, son lien de confiance avec « son » Père est encore la seule chose qui le distingue de tous les humains.
Ne pourrait-on pas imaginer que Jésus, pour se rapprocher de nous, pour prendre notre condition humaine jusqu’au bout, a ressenti, ne serait-ce qu’un court moment, l’éloignement du Père ? Comme si la Trinité s’ouvrait soudainement pour permettre à l’humanité de se joindre à Jésus en son sein ?
Par conséquent, ce cri est l’acte ultime d’amour de Jésus pour l’homme. Il s’agit de l’acte où, en tant que Dieu lui-même, il abandonne sa condition divine pour nous entraîner à sa suite. Et il n’est pas surprenant que ce cri soit à la limite du blasphème : il contient tous nos cris, toutes nos souffrances, toutes nos révoltes.