En jeu, un legs estimé à près de 17 millions d’euros, constitué principalement de biens immobiliers, et une question sensible : celle du respect de la volonté d’une fidèle au moment de transmettre son patrimoine à l’Église.La succession de Blanche Laurens demeure l’un des dossiers patrimoniaux les plus délicats ayant impliqué des institutions ecclésiales en France ces dernières années. Décédée à l’âge de 96 ans, cette Parisienne discrète avait choisi, par testament, de léguer l’essentiel de sa fortune aux associations diocésaines de Gap et de Paris, provoquant une contestation judiciaire de la part de sa famille.
Issue d’une lignée dont la fortune s’était construite au début du XXᵉ siècle, Blanche Laurens était la fille de Pierre Marcellin Laurens, originaire de Ristolas, dans les Hautes-Alpes. Au tournant du siècle dernier, celui-ci avait quitté une terre appauvrie par les sécheresses pour tenter sa chance en Colombie. Après une traversée de l’Atlantique dans des conditions précaires, il s’était établi à Bogota, où ses activités d’import-export lui avaient permis de constituer un patrimoine important.Née à Bogota, Blanche Laurens passa toutefois l’essentiel de sa vie en France. Célibataire et sans enfant, elle résidait dans l’immeuble familial de la rue Edmond About, dans le XVIᵉ arrondissement de Paris, où elle occupait le cinquième étage. Discrète, menant une vie simple au regard de ses ressources, elle administrait néanmoins une part substantielle des biens hérités de sa famille, composés d’immeubles et d’appartements situés à Paris et à l’étranger.
La surprise survint à la lecture de son testament. Alors que sa nièce se considérait comme l’héritière naturelle, Blanche Laurens avait désigné comme légataires principaux les associations diocésaines, notamment celle de Gap, diocèse auquel sa famille demeurait historiquement attachée, et celle de Paris, lieu de sa résidence et de sa pratique religieuse.
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Ces structures juridiques, chargées de la gestion des biens de l’Église catholique en France, se retrouvaient ainsi bénéficiaires d’un legs d’une ampleur exceptionnelle.Ce choix a conduit une partie de la famille à saisir la justice française. Les recours engagés portent notamment sur les conditions de rédaction du testament et sur la capacité de la testatrice à exprimer une volonté libre et pleinement éclairée au moment de ses décisions. Les juridictions civiles sont désormais appelées à se prononcer sur ces éléments.Les diocèses concernés, pour leur part, rappellent qu’ils ont été désignés par un testament établi conformément au droit français. Ils affirment n’avoir exercé aucune pression sur la défunte et soulignent que l’acceptation des dons et legs est strictement encadrée, tant par le droit civil que par les règles canoniques, sous le contrôle des autorités compétentes.
Au-delà du contentieux familial, l’affaire pose une question plus large pour l’Église en France : celle de la réception et de la gestion des héritages importants. Si les legs constituent une ressource légitime pour soutenir la mission pastorale, l’entretien du patrimoine ou les œuvres de charité, ils exposent également les diocèses à un examen public et judiciaire exigeant, appelant une vigilance particulière.
Dans l’attente des décisions définitives de la justice, les associations diocésaines de Gap et de Paris demeurent au centre d’un dossier où se croisent héritage privé, liberté de conscience et responsabilité institutionnelle. Une affaire qui rappelle que, même après la mort, la transmission des biens peut devenir un enjeu majeur, tant pour les familles que pour l’Église.


