En l’église Saint-Jean-de-Malte d’Aix-en-Provence, l’archevêque Mgr Christian Delarbre a procédé à l’ouverture officielle de la cause en béatification de Maurice Blondel (1861-1949), philosophe de « L’Action » et figure majeure du dialogue entre foi et raison. Cet acte marque une étape décisive dans un processus entamé il y a plus de dix ans, et qui pourrait conduire à la reconnaissance de sa sainteté par l’Église universelle.
Né à Dijon le 2 novembre 1861, dans une famille catholique, Maurice Blondel connut une jeunesse brillante. Marqué profondément par sa première communion en 1874, il suivit la voie exigeante de la philosophie. Après des études à l’École Normale Supérieure, il soutint en 1893 sa thèse monumentale intitulée L’Action. Essai d’une critique de la vie et d’une science de la pratique. Il y pose les fondements d’une philosophie de l’agir, articulant liberté humaine et appel divin. En 1894, il épouse Rose Royer. Le couple aura trois enfants.Professeur à la Faculté des Lettres d’Aix-en-Provence de 1896 à 1927, il enseigna avec rigueur et passion, avant d’être contraint à la retraite pour des raisons de santé, notamment un grave accident oculaire. Il poursuivit alors son œuvre depuis sa maison familiale, jusqu’à sa mort le 4 juin 1949, en la vigile de la Pentecôte.
Toute sa vie, Maurice Blondel s’est attaché à réconcilier la pensée moderne avec l’intelligence de la foi. Tourmenté par l’incroyance croissante de ses contemporains, il chercha à faire résonner l’Évangile dans les interrogations de son époque, sans jamais transiger sur la vérité révélée. Sa pensée influença profondément la théologie catholique du XXe siècle, notamment lors des travaux préparatoires du Concile Vatican II. Selon les mots de l’un de ses disciples, « il s’efforçait de montrer que l’on peut penser chrétiennement jusqu’au bout, sans abandonner la raison, mais en l’ouvrant à la grâce ».
Dans ses Carnets intimes, transparaît une spiritualité fervente, centrée sur le Christ eucharistique. Il écrivait par exemple : « J’ai hâte de montrer que sans vous, ô Verbe incarné, la pensée humaine se perd et s’abîme. La prière ! Il n’y a que cela de sûrement bon et de toujours vrai ». Et encore : « La vraie volonté de l’homme, c’est le vouloir divin ».
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La postulatrice de la cause, la philosophe Marie-Jeanne Coutagne, explique : « Ce chrétien engagé, ce père de famille, cet intellectuel de haut vol profondément démocrate, me paraissait une figure de sainteté possible à proposer aujourd’hui ». Elle souligne que, contrairement à beaucoup de causes récentes encore largement ecclésiales, celle de Blondel est marquée par une sainteté incarnée dans la vie intellectuelle et familiale.
La vertu héroïque de Blondel est aujourd’hui attestée par de nombreux témoins, parmi lesquels Mgr Marius Chalve, ancien élève et supérieur du séminaire de Miramas, qui fut reconnu « Juste parmi les Nations ». Pendant la guerre, Blondel soutint la Résistance et hébergea notamment son ami juif Léon Brunschvicg, exclu de l’Université par les lois de Vichy.
Son œuvre, composée de plusieurs tomes dont La pensée, L’être et les êtres, La philosophie et l’esprit chrétien, développe une vision profondément catholique de l’homme, en quête d’unité entre son agir libre et l’appel de Dieu. « Les choses sont parce que Dieu les voit. Je suis parce que Jésus m’aime », écrivait-il avec foi et lucidité.
Monseigneur Delarbre, dans son homélie du 4 juin, a salué une vie d’« humilité, de fidélité et de persévérance », soulignant que « Maurice Blondel nous montre qu’on peut vivre la sainteté dans le travail intellectuel, en serviteur fidèle de la vérité du Christ ».
La reconnaissance comme « serviteur de Dieu » ouvre le procès diocésain : il s’agira d’examiner ses écrits, recueillir des témoignages, et discerner l’héroïcité de ses vertus. Une étape suivante pourrait être la reconnaissance d’un miracle, condition nécessaire pour la béatification. Un deuxième miracle est requis pour la canonisation.Mais déjà, de nombreuses personnes se tournent vers lui avec confiance. La prière d’intercession diffusée à cette occasion en témoigne : « Seigneur, accorde-nous par son intercession la grâce que nous te demandons (…). Et si telle est Ta volonté, permets que la reconnaissance de sa sainteté suscite un nouvel élan de pensée et de vie chrétiennes dans l’Église et le monde. »
L’Église reconnaît ainsi en Maurice Blondel une figure à la fois spirituelle et intellectuelle, enracinée dans la tradition catholique mais attentive aux défis contemporains. À l’heure où l’Église cherche des témoins capables de parler au cœur du monde moderne, son exemple résonne avec une étonnante actualité.
Document officiel du projet de cause de Béatification de Maurice Blondel