Dans le silence des ruelles poussiéreuses de Nouakchott, capitale de la Mauritanie, une poignée de religieuses catholiques affronte une tragédie humanitaire grandissante : celle des mères migrantes qui meurent en couches, laissant derrière elles des nourrissons sans famille.Au sein de la paroisse Saint-Joseph, l’une des deux seules églises catholiques de ce pays majoritairement musulman, le Welcome Office dirigé par Sœur Marie-Ange Ndayishimiye s’est transformé en véritable refuge. Là, les religieuses accueillent sans distinction de religion les femmes et les enfants venus des pays voisins, fuyant la guerre, la pauvreté et l’instabilité.
« Nous avons eu plus de six personnes souffrant de dépression. Ces personnes finissent par s’enfuir, disparaissent et parfois laissent de petits enfants derrière elles », explique Sœur Marie-Ange à Aide à l’Église en Détresse (AED).
La religieuse décrit une réalité douloureuse : « Nous constatons aussi une augmentation des décès de femmes enceintes pendant ou après l’accouchement, laissant des bébés orphelins. »Face à ces drames, les sœurs ne se contentent pas de mots. Elles distribuent lait maternisé, vêtements, couches et moustiquaires pour les nouveau-nés, ainsi que des kits d’hygiène et des vivres pour les familles. Leurs bénéficiaires sont souvent des migrants musulmans et chrétiens, des femmes seules dont les maris ont tenté de rejoindre d’autres pays plus prospères.Mais les besoins dépassent de loin leurs moyens. « Nous sommes un peu dépassées par les migrants qui ne peuvent plus travailler et qui survivent uniquement grâce à l’aide. Trop de femmes enceintes à secourir, certaines accouchent par césarienne, et des familles entières sont à nourrir », confie Sœur Marie-Ange.
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La mission de ces religieuses s’inscrit dans un contexte religieux et social unique. En Mauritanie, le christianisme demeure une réalité marginale. Le pays compte près de 4,5 millions d’habitants, intégralement musulmans selon les données officielles, et seulement 0,26 % de chrétiens, presque exclusivement des étrangers travaillant sur place. La communauté catholique représente environ 4 500 personnes, soit à peine 0,2 % de la population.On trouve des églises à Nouakchott, Zouerate, Nouadhibou et Rosso. Le culte chrétien y est toléré, mais strictement encadré. Les conversions depuis l’islam sont interdites, la distribution de matériel religieux non islamique est proscrite, et il est illégal de posséder une Bible dans une maison non privée. Aucun programme chrétien n’est autorisé à la radio, et les organisations religieuses ne sont pas reconnues par l’État.C’est dans ce cadre restreint que le diocèse catholique de Nouakchott poursuit sa mission pastorale. Fondé le 18 décembre 1965, il a été successivement dirigé par Mgr Michel Bernard Robert, Mgr Robert de Chevigny, puis Mgr Martin Albert Happe, avant de passer sous la responsabilité de Mgr Victor Ndione en février 2024. Ce diocèse, rattaché directement au Saint-Siège, dépend presque entièrement de la présence missionnaire étrangère, en particulier de congrégations africaines et européennes.
Depuis 1947, Aide à l’Église en Détresse soutient la paroisse Saint-Joseph et l’œuvre de ces religieuses. Outre l’aide d’urgence, le centre propose des programmes d’alphabétisation pour les femmes, des microcrédits pour lancer de petites activités économiques et un accompagnement pastoral ouvert à tous.Dans un pays où le témoignage de foi ne peut se dire que par les actes, les sœurs incarnent l’Évangile de la charité au cœur du désert. Leur engagement silencieux rejoint la mission universelle de l’Église : défendre la dignité de chaque vie, surtout la plus vulnérable.
« Nous nous confions à la prière et gardons l’espérance d’un changement meilleur », confie Sœur Marie-Ange.
Le service humble des sœurs rappelle une vérité simple : la charité chrétienne ne connaît pas de frontière. Là où la parole de foi est réduite au silence, c’est par les gestes d’amour que l’Église continue de parler.