Par Philippe Marie
Le 29 mai dernier, jour de la fête de l’Ascension de Notre Seigneur Jésus-Christ, l’émission Le Jour du Seigneur a diffusé en direct la messe célébrée à l’église Saint-Paul de la Plaine à Saint-Denis. Les caméras ont capté une ambiance pour le moins inhabituelle : prêtres dansants, chants rythmés, fidèles galvanisés qui battaient des mains comme à un concert de la compagnie Créole. Tout cela, bien sûr, au nom de la « joie de l’Évangile ».
Il ne s’agissait pas d’une répétition générale pour un camp d’été paroissial, mais bien de la célébration solennelle de l’Ascension. Le Christ monte au Ciel, et l’Église ,elle, rend grâce… en cadence, on en était à attendre un « bip-bip » d’un des célébrants ! Sur les réseaux sociaux, les images tournent en boucle. Certains s’enthousiasment. D’autres, nombreux comme nous, s’interrogent : est-ce ainsi que l’on célèbre le mystère central de notre foi ?
Alors que les prêtres se muent en G.O. Gentils Organisateurs, évidemment , on observe une fois de plus cette étrange manie de confondre profondeur liturgique et animation festive. Tribune Chrétienne, média réputé non traditionnaliste, fidèle à sa ligne éditoriale, redit ici son attachement au respect de toutes les sensibilités de l’Église. Et une question mérite désormais une réponse claire :
Pourquoi tant de laxisme pour les messes les plus extravagantes, tandis que les messes célébrées selon la tradition bimillénaire de l’Église sont, elles, sans cesse restreintes, contrôlées, soupçonnées ?
Et qu’on ne vienne pas nous dire qu’il s’agirait d’une question de cultures ou de diversités des populations : il ne saurait y avoir le moindre lien entre la qualité d’une liturgie et l’origine des participants. Le rite romain n’est ni blanc ni noir, ni européen ni africain : il est catholique, c’est-à-dire universel. Prétendre que la forme festive de cette messe serait justifiée par la « diversité » reviendrait à placer les clivages humains au-dessus du sacré. Ce serait admettre que, même au pied de l’autel, l’homme revendique sa différence avant de s’agenouiller devant Dieu. Ce serait une déviation grave ,théologique autant que spirituelle.
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Le pape Léon XIV lui-même, dont les premiers gestes pontificaux ont manifesté un amour profond pour la liturgie digne et fidèle, aurait-il validé ce genre de célébration où le mystère cède la place au spectacle ? Lui qui a nommé le cardinal Robert Sarah pour le représenter au sanctuaire marial de Notre-Dame d’Auray, peut-il sérieusement souhaiter que l’on applaudisse et que l’on se tortille dans les églises, au lieu de s’agenouiller devant le Saint-Sacrement ? Le cardinal Sarah, figure du silence et de l’adoration, incarne tout l’opposé de ces liturgies-bals populaires où l’on célèbre plus une ambiance que la rencontre entre l’homme, Dieu et ses anges.
Le concile Vatican II appelait à une participation active des fidèles, non à une animation théâtralisée, encore moins à une débauche d’improvisations en tous genres. La messe n’est pas un outil de cohésion sociale festive, c’est le renouvellement non sanglant du sacrifice du Christ. C’est une action de louange, une action de grâce, pas un bal musette !
Alors, une fois de plus, nous nous interrogeons. Et même, disons-le franchement, nous nous indignons de ce deux poids deux mesures.
Morceau choisi
À la veille du pèlerinage de Chartres, le plus important pèlerinage de France, où des milliers de jeunes, familles et prêtres prient dans le respect le plus strict de la liturgie millénaire de l’Église, on nous parle de « division », de « danger pour l’unité ». Mais aucune autorité ne semble s’émouvoir des liturgies-exutoires qui détournent la messe de sa nature sacrée.
Nous posons donc cette question à Mgr Étienne Guillet, évêque de Saint-Denis, et à Mgr Vincent Jordy, archevêque de Tours chargé du suivi des communautés traditionalistes : reconnaissent-ils que la liturgie doit d’abord développer le sens du sacré et célébrer l’eucharistie comme un mystère central de la foi ? Ou pensent-ils qu’elle est avant tout un moment de convivialité, où le prêtre devient animateur, et l’autel une simple table de banquet à thème ?
Oui, quand on assiste à ce genre de foire liturgique, où tout mystère, toute transcendance, tout sens du sacré a disparu, on comprend mieux pourquoi les menaces qui pèsent sur le déroulement du pèlerinage de Chartres sont perçues par tant de fidèles comme de véritables provocations. Car pendant qu’on délire à Saint-Denis, d’autres prient à genoux à Chartres. Il faudra sans doute choisir.
Intégralité de la Messe : Le Jour du Seigneur