En refusant de donner suite à une proposition de loi adoptée par le Conseil national, le prince Albert II ,67 ans, a réaffirmé la cohérence institutionnelle d’une Principauté où la religion catholique occupe une place essentielle. Dans un État dont l’article 9 de la Constitution stipule que la foi catholique est religion d’État et constitue le fondement des institutions publiques et des lois, la décision du souverain s’inscrit dans une fidélité assumée à l’identité monégasque.
Ce geste rappelle que Monaco évolue selon ses propres lois, en tenant compte des fondements moraux de la principauté et des équilibres qui le structurent depuis des décennies : la religion catholique
Le 21 mai 2025, le Conseil national avait pourtant voté largement en faveur d’une proposition visant à légaliser l’interruption volontaire de grossesse dans un cadre strict, dix-neuf élus s’étant prononcés pour et seulement deux contre. Le texte envisageait d’autoriser l’IVG jusqu’à douze semaines, jusqu’à seize en cas de viol, et d’abaisser de dix-huit à quinze ans l’âge du consentement parental, marquant une évolution notable dans un pays où l’avortement demeure interdit sauf en cas de viol, de malformation grave du fœtus ou de danger vital pour la mère. Beaucoup y voyaient un tournant, voire une adaptation progressive aux pratiques en vigueur en Europe.
Le prince Albert II a mis un terme à ce processus lors d’un entretien accordé à Monaco Matin le 18 novembre. « J’ai demandé d’informer le Conseil national qu’il ne sera pas donné suite à sa proposition de loi », a-t-il déclaré, prenant soin de préciser qu’il comprenait la complexité du sujet. Il a rappelé que le cadre existant répond déjà, selon lui, aux spécificités culturelles et religieuses du pays, « au regard de la place qu’occupe la religion catholique dans notre pays ».
Le souverain a également indiqué que le ministre d’État présenterait prochainement des mesures d’accompagnement pour soutenir les femmes confrontées à des situations difficiles, preuve que la réflexion sociale n’est pas close, même en l’absence de changement législatif.
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De son coté, le diocèse avait exprimé ses inquiétudes face à une telle évolution. En mars, l’archevêque Mgr Dominique Marie David évoquait un point de non-retour, un changement de société, voire un franchissement d’un cap anthropologique majeur. Selon lui, une légalisation de l’avortement provoquerait une rupture profonde, « Cela aviserait que la Principauté ne se reconnaîtrait plus dans les valeurs sociales du catholicisme. » Le prélat soulignait que, si la France se fonde sur la laïcité comme principe commun, « à Monaco, c’est la foi catholique », et n’hésitait pas à affirmer que « sans le catholicisme, la Principauté ne possède plus tout son ADN ». Ces mises en garde ont contribué à structurer un débat où la dimension religieuse occupe une place centrale.Le cadre actuel reste donc inchangé. Depuis 2009, l’IVG est autorisée dans les cas les plus graves, et la dépénalisation votée en 2019 protège désormais les patientes d’éventuelles poursuites. Pour un avortement de convenance, les femmes doivent se rendre en France, généralement à Nice, comme cela se fait depuis longtemps. La réforme envisagée voulait apporter une réponse locale, mais le refus du prince maintient la structure juridique telle qu’elle est.
Les réactions n’ont pas tardé après l’annonce. Juliette Rapaire, fondatrice du collectif Les Nouvelles Réformatrices, interrogée par France 3, a exprimé sa déception, estimant que les femmes trouveront toujours des solutions hors de la Principauté. Au Conseil national, la présidente de la commission des droits de la famille a indiqué avoir pris note de la décision tout en attendant les explications détaillées qui seront prochainement fournies par le gouvernement.
Dans un paysage européen marqué par la libéralisation progressive de l’avortement, Monaco réaffirme sa singularité. Le choix du prince Albert II ne traduit ni un immobilisme ni un rejet de la question sociale, mais une volonté de préserver la cohérence institutionnelle et morale d’un pays qui assume son identité catholique. En refusant de donner suite à la proposition de loi, le souverain confirme une orientation fondée sur la fidélité chrétienne au respect de la vie qui structure la Principauté depuis toujours.


