Mort ce 14 juillet 2025 d’un cancer du foi, Thierry Ardisson, né en 1949,à Bourganeuf dans la Creuse emporte avec lui ses provocations et ses excès. Mais derrière le vernis médiatique, un homme blessé, marqué dès l’enfance par une mauvaise perception et une révolte de l’éducation catholique qu’il a reçu, il semblait chercher sans relâche une sorte de rédemption. En 2002, dans une interview à Télérama il affirmait : « Je me définis comme chrétien de gauche »... avant d’ajouter avec lucidité : « Tout catholique que je suis, personne ne me donnerait le bon Dieu sans confession. »
Comme un pied-de-nez ,ce royaliste mort un 14 juillet, était une âme tourmentée, blessée, en attente de quelque chose d’autre.Ce n’était pas là une simple coquetterie. Car si Thierry Ardisson n’a jamais été un modèle de vie chrétienne, ses mots laissaient entrevoir une conscience travaillée, un cœur en lutte. Il portait en lui, dès l’enfance, l’empreinte d’un christianisme mal compris, vécu davantage comme contrainte que comme grâce. Il racontait : « Je vis dans cet univers catho invraisemblable où, déjà tout petit, on t’explique que c’est très bien de ne pas avoir de blé. Qu’être pauvre, c’est presque une qualité. […] On t’inculque la résignation absolue. La soumission totale. Toutes les bonnes vieilles valeurs qui te donnent envie de te révolter et de foutre le camp… »
Ces paroles disent moins le catholicisme que la vision réductrice et déformée qu’il en a reçue, ou qu’il a retenue, une morale sans transcendance, un évangile vidé de son espérance. Ardisson a grandi dans une foi perçue comme austère et culpabilisante, sans en saisir la lumière profonde, celle de la pauvreté évangélique choisie, du don libre, de la joie chrétienne. C’est peut-être cette déformation originelle, plus sociologique que spirituelle, qui nourrira sa révolte. Mais c’est aussi ce socle, même mal compris, qu’il n’a jamais renié.Il avait pourtant connu la grâce d’un amour profond. En juin 1970, il épouse à l’église des Carmes, à Avignon, Christiane Bergognon, « la plus jolie fille d’Avignon ». Cette femme, discrète et courageuse, lui sauva la vie à deux reprises, dans les années les plus sombres de sa jeunesse, marquées par la dépendance et la tentative de suicide. Ce mariage, célébré à l’église, reste un signe tangible de la présence, dans sa vie, d’un enracinement chrétien qu’il n’osait pas toujours nommer mais qui continuait de l’accompagner.
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Comme beaucoup d’hommes modernes, Thierry Ardisson a vécu dans la contradiction, entre une aspiration à la lumière et une fascination pour l’obscurité, entre la vanité du succès et l’appel discret de l’essentiel. Il disait : « Je suis mal dans le monde réel. Même chez moi, j’ai l’impression d’être dans la peau d’un invité. » Un mal-être si familier à ceux qui cherchent sans savoir, qui croient sans comprendre, qui espèrent sans oser le dire.
« Jésus-Christ, c’est le plus grand révolutionnaire de tous les temps »
Sa vie publique fut celle d’un homme qui interroge, mais refuse d’être interrogé. Il écoutait les confessions de ses invités, les poussait dans leurs retranchements, non sans une part de cruauté, mais lui-même restait protégé derrière ses lunettes noires. Et pourtant, de temps à autre, une faille apparaissait, une fatigue, une vérité. Lorsqu’il confessait par exemple : « Vous me dites que ce que je prétends être le plus important dans ma vie, ma famille et l’écriture, est ce dont je me tiens le plus éloigné. Qu’est-ce que je peux répondre à ça ? Puisque c’est vrai. Et je reste sans voix. »Peut-être que Thierry Ardisson n’a t-il jamais prié. Peut-être a-t-il beaucoup péché. Mais il savait, confusément, que le pardon existe. Et il savait qu’il ne méritait rien, sinon peut-être la miséricorde.Aujourd’hui, on peut prier pour lui. Non pas pour l’icône médiatique, mais pour l’homme, pour son âme. Car si Dieu seul sonde les reins et les cœurs, nous savons que nul n’est perdu tant qu’il reste un souffle pour se tourner vers le Père. Même dans l’ultime instant.
Qu’il repose en paix,et que le Seigneur, dans son infinie bonté, lui accorde ce qu’il n’a jamais osé demander, le bon Dieu… avec confession.