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Nicaragua : un Noël vécu dans le silence et la peur par l’Église catholique

Concert de Noël de l’Orchestre national du Nicaragua sur le parvis de la basilique Saint-Sébastien, à Diriamba ( image Facebook )
Concert de Noël de l’Orchestre national du Nicaragua sur le parvis de la basilique Saint-Sébastien, à Diriamba ( image Facebook )
Sous le régime de Daniel Ortega, la célébration de Noël au Nicaragua s’est une nouvelle fois déroulée dans la paranoïa

Messes contrôlées, traditions religieuses étouffées, prêtres contraints à l’exil : malgré la répression, l’Église catholique continue de témoigner de sa foi et de son espérance, pourtant c’est une Église presque « asphyxiée » par un régime qui empêche même les touristes d’entrer dans le pays avec une Bible et, décapitée avec quatre évêques sur dix vivant en exil, systématiquement réduite au silence. Une Église martyre, peut-être plus que partout ailleurs dans le monde. Et pourtant, une Église qui reste vivante, comme en témoigne, par exemple, la récente ordination de huit prêtres dans la cathédrale de Managua.

L’Église du Nicaragua a donc vécu une nouvelle fois Noël « à huis clos », sans possibilité de manifester sa joie et sa foi hors des temples, dans les rues, sur les places, ni par des signes visibles dans les foyers. Cette situation dure depuis des années, depuis que la répression, entamée en 2018 après les grandes manifestations populaires, s’est progressivement intensifiée. De la même manière, il y a quelques semaines, la célébration de La Purísima, titre sous lequel est vénérée au Nicaragua Marie Immaculée, patronne du pays, a été marquée par une surveillance policière oppressante et par l’action des structures des CPC (Conseils du Pouvoir citoyen), qui ont visité des autels domestiques non déclarés, pris des photos et relevé les noms des familles. Cette intrusion a suscité peur et autocensure dans l’une des traditions religieuses les plus enracinées du pays.

De nombreuses familles opposées au régime ont évité d’exhiber des symboles tels que les drapeaux bleu et blanc, couleurs de l’opposition, ou des signes de dévotion, les remplaçant par des fleurs aux couleurs moins voyantes.

Israel González Espinoza, journaliste nicaraguayen exilé en Espagne, déclare à SIR :
« Le degré de persécution religieuse que développe le régime d’Ortega frôle la paranoïa. Non seulement l’entrée de livres et de journaux est interdite, mais désormais la Bible elle-même est interdite dans le pays, comme s’il s’agissait d’une lecture “subversive”. En réalité, lorsqu’on lit attentivement la Sainte Écriture, on voit que la Parole de Dieu éclaire et libère toujours les consciences.

Il y a un an, le pape François affirmait dans une lettre au peuple du Nicaragua que la conscience est “l’intimité de notre cœur, où réside la liberté des filles et des fils de Dieu, et personne ne peut nous l’enlever”. Même si le régime d’Ortega persiste dans sa persécution religieuse et dans sa violation systématique de tous les droits humains dans le pays, l’Évangile et la vie de l’Église au Nicaragua continueront d’avancer, car le martyre et la persécution sont toujours des semences de nouveaux chrétiens. »

Martha Patricia Molina, avocate et militante, réalise depuis des années un minutieux « recensement » des persécutions subies par l’Église catholique et d’autres Églises chrétiennes. Le rapport qu’elle a élaboré, intitulé Nicaragua : une Église persécutée, en est déjà à sa septième édition.« La dictature Ortega-Murillo continue de persécuter tout ce qui touche à la liberté religieuse au Nicaragua », commentait récemment la militante. Messes surveillées, récitations de Noël interdites, prêtres persécutés et menacés, vols dans les paroisses, intimidations pour empêcher toute dénonciation, y compris de la part des laïcs. Des enfants de chœur, mineurs, ont même été convoqués ou « visités » à leur domicile pour signer des documents sans les avoir lus au préalable.

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Au total, 304 personnes, évêques, prêtres, séminaristes, diacres et religieuses, n’exercent plus leur mission pastorale au Nicaragua. En ce mois de décembre, trois prêtres nicaraguayens se trouvant à l’étranger ont été informés que leur autorisation d’entrer dans leur pays avait été retirée. La liste des vexations et des agressions contre l’Église catholique est interminable.En août dernier, la dernière édition du rapport de Martha Patricia Molina faisait état de 1 010 attaques directes contre l’Église, du vol d’au moins 36 biens immobiliers et de l’interdiction de 16 564 processions depuis avril 2018.

Ces derniers mois, de nouvelles attaques ont été recensées, bien qu’en nombre inférieur à celles des années précédentes. Ces chiffres ne doivent toutefois pas être interprétés comme un relâchement de la pression du régime, mais plutôt comme le signe que l’Église est aujourd’hui extrêmement affaiblie et épuisée par une répression implacable.« Face au pouvoir de l’oppresseur, pouvoir devant lequel nous nous sentons souvent impuissants, nous ne devons pas tomber dans le désespoir, en pensant que tout est inutile et qu’il n’y a rien à faire. » déclarait Silvio José Báez, évêque auxiliaire de Managua, exilé à Miami, lors de la messe du 21 décembre dernier.Dans un climat de peur, de surveillance et d’exil forcé, l’Église catholique du Nicaragua continue pourtant de remplir sa mission spirituelle et pastorale. Privée de visibilité publique, affaiblie dans ses structures, elle demeure présente dans la conscience des fidèles et dans la vie intérieure d’un peuple éprouvé. Alors que le régime cherche à réduire la foi au silence, cette Église persécutée témoigne, par sa persévérance et sa fidélité, que l’espérance chrétienne ne se laisse ni confisquer ni interdire, même au cœur de la répression la plus dure.

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