Le Nigeria est de nouveau endeuillé par la mort violente d’un prêtre catholique. Le père Matthew Eya, curé de la paroisse Saint-Charles à Eha-Ndiagu, a été tué par balles le vendredi 19 septembre lors d’une embuscade tendue sur la route reliant Eha-Alumona à Eha-Ndiagu, dans la région administrative locale de Nsukka (État d’Enugu, sud-est du pays).
Selon des témoins, des hommes armés circulant à moto ont intercepté son véhicule, tirant d’abord sur les pneus avant de l’abattre de plusieurs balles à bout portant. Le prêtre, qui revenait d’Enugu, voyageait seul et n’a pas été enlevé, ce qui laisse penser à un assassinat ciblé plutôt qu’à une tentative de kidnapping.La nouvelle a été confirmée par le chancelier du diocèse de Nsukka, Mgr Cajetan Iyidobi, dans un message empreint d’émotion et d’appel à la foi :
« Choqué jusqu’à la moelle, c’est avec une douleur écrasante et une profonde tristesse, mais aussi dans une totale soumission à la volonté du Dieu Tout-Puissant et avec une ferme espérance en la résurrection des morts, que je vous informe de la mort tragique d’un autre de nos frères, le père Matthew Eya. Restons ardents dans la prière afin que Dieu nous soutienne en ce temps d’angoisse dévastatrice. Que son âme repose en paix, Amen ».
Les autorités de l’État d’Enugu ont annoncé l’arrestation de 38 suspects et fixé une récompense de 10 millions de nairas (environ 5 700 euros) pour toute information menant aux assassins.Ce drame s’inscrit dans une crise sécuritaire plus large qui frappe durement les communautés chrétiennes du Nigeria. Selon un rapport publié en mai 2025 par l’ONG Intersociety, la croissance de l’Église catholique a reculé de 30 % depuis le début de l’insurrection de Boko Haram en 2009. Plus de 19 000 églises et 4 000 écoles chrétiennes ont été détruites, attaquées ou fermées de force. Environ 40 millions de chrétiens ont été menacés, déplacés ou contraints à l’exil pour fuir les violences.
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Certaines régions, comme les diocèses de Sokoto ou de Makurdi, se vident de leurs fidèles. Des paroisses entières ont été fermées, et des communautés chrétiennes déracinées de leurs terres ancestrales. Le rapport évoque même un processus de « religocide » menaçant l’avenir du christianisme au Nigeria.
Monseigneur Wilfred Chikpa Anagbe, évêque de Makurdi, a témoigné récemment devant le Congrès américain et le Parlement britannique de ce qu’il qualifie de « nettoyage systématique et brutal des chrétiens par des groupes armés », notamment des milices peules islamistes.Le meurtre du père Eya n’est malheureusement pas un cas isolé. En l’espace de quelques semaines, plusieurs événements tragiques ont marqué les communautés catholiques du pays :
- 16 septembre 2025 : enlèvement du père Wilfred Ezemba.
- 20 août 2025 : attaques d’une église et d’une mosquée dans l’État de Katsina.
- 12 août 2025 : ouverture du procès des cinq accusés du massacre de Pentecôte à Owo (2022).
Ces violences rappellent combien les prêtres, séminaristes et fidèles catholiques restent exposés aux menaces et aux persécutions.Face à ce constat, plusieurs prélats nigérians, dont l’archevêque d’Abuja, Mgr Ignatius Kaigama, rappellent le droit à l’autodéfense. « On ne peut pas rester passifs quand des criminels viennent massacrer nos familles », a-t-il déclaré.Dans le même temps, Intersociety appelle le pape Léon XIV à soutenir des évêques courageux et à envisager leur élévation au cardinalat, afin de donner un signe fort de solidarité à l’Église du Nigeria.
Les États-Unis, par l’intermédiaire de la Commission américaine sur la liberté religieuse internationale (USCIRF), recommandent de reclasser le Nigeria comme « pays particulièrement préoccupant » en matière de violations de la liberté religieuse. L’imposition de la charia dans 12 États du Nord, en contradiction avec la Constitution nigériane, accentue cette inquiétude.L’assassinat du père Eya apparaît ainsi comme le symbole tragique d’une Église persécutée mais fidèle, dans un pays où témoigner du Christ peut coûter la vie. Pour les fidèles de Nsukka, comme pour des millions de catholiques au Nigeria, la réponse reste la prière et l’espérance, vécues au milieu des épreuves.