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Nigeria : un prêtre assassiné après le paiement de sa rançon, symbole d’une persécution qui ne dit pas son nom

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Pendant plusieurs semaines, les fidèles, les responsables de l’Église et les villageois ont organisé des collectes pour réunir une somme dérisoire à l’échelle de la demande mais énorme pour une communauté rurale

Le meurtre du Révérend James Audu Issa, pasteur de l’Église Evangelical Church Winning All (ECWA), dans l’État de Kwara, illustre la montée inquiétante des violences ciblant les chrétiens au Nigeria. Enlevé à la fin du mois d’août puis exécuté malgré le versement d’une rançon, ce drame s’ajoute à une longue liste d’attaques contre des prêtres, des fidèles et des villages chrétiens dans le centre du pays.

Le Révérend Issa a été kidnappé le 28 août dans le village d’Ekati, situé dans la zone administrative de Patigi, au nord de l’État de Kwara. Selon les informations recueillies par Persecution.org (International Christian Concern), ses ravisseurs avaient d’abord exigé ₦100 millions, soit environ 67 000 dollars. Pendant plusieurs semaines, les fidèles, les responsables de l’Église et les villageois ont organisé des collectes pour réunir une somme dérisoire à l’échelle de la demande mais énorme pour une communauté rurale, ₦5 millions, soit 3 300 dollars. La rançon a été remise, mais les ravisseurs ont ensuite réclamé un supplément de ₦45 millions, environ 30 000 dollars. Avant qu’une nouvelle négociation puisse s’engager, le pasteur a été tué froidement.Le média local Nupeko TV rapporte que la nouvelle de sa mort a provoqué une onde de choc dans tout le Patigi Emirate, où les habitants avaient sacrifié leurs maigres économies pour tenter de le sauver. « C’est une perte dévastatrice pour notre église et notre communauté », confie un fidèle.

La mort du pasteur Issa s’inscrit dans une série d’enlèvements violents qui touchent le nord du Kwara. Quelques jours avant la confirmation de son décès, un policier du nom d’Ezra a été enlevé dans la même zone. Alors qu’il rentrait du travail à moto avec un collègue, il a été pris en embuscade par des hommes lourdement armés. Son compagnon a réussi à fuir, mais Ezra a été capturé et emmené vers une destination inconnue. Le 30 septembre, deux frères travaillant sur leur champ de manioc dans le village de Bokungi Zambufu, relevant de l’Émirat de Lafiagi dans la région d’Edu, ont également été kidnappés. Les assaillants, selon les témoins, ont tiré en l’air pour disperser les paysans avant d’enlever leurs victimes. L’un des deux hommes était un ancien président de l’Association nationale des étudiants Nupe.

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Les habitants affirment que les attaques sont désormais quasi quotidiennes et que beaucoup craignent de se rendre dans les champs, une situation qui menace directement l’agriculture, principale ressource de la région. Les observateurs soulignent que les communautés rurales sont devenues des cibles privilégiées pour les bandes armées, qui exigent des rançons sans jamais garantir la libération des otages.

Selon les données compilées par Open Doors et l’ONG Intersociety, plus de 3 100 chrétiens ont été tués pour leur foi en 2024, soit près des deux tiers de tous les martyrs chrétiens recensés dans le monde. Depuis le début de l’insurrection islamiste en 2009, plus de 19 000 églises ont été détruites et 16 millions de chrétiens déplacés en Afrique subsaharienne. Ces chiffres glaçants sont confirmés par plusieurs observateurs internationaux. Le fondateur d’Intersociety, Emeka Umeagbalasi, alerte, « si rien n’est fait dans les prochaines années, le christianisme cessera d’exister au Nigeria ».Pourtant, le gouvernement du président Bola Ahmed Tinubu continue de nier la dimension religieuse de ces attaques, les attribuant à des conflits économiques ou ethniques. Dans un article publié par Al Jazeera le 2 octobre, un haut conseiller du vice-président nigérian affirmait que parler de « génocide des chrétiens » serait une exagération occidentale, attribuant la violence à des rivalités locales et au changement climatique. Mais pour de nombreux responsables religieux, cette position relève du déni. Le cardinal John Onaiyekan, archevêque émérite d’Abuja, déclarait déjà en 2022, « quand on tue un prêtre à l’autel, ce n’est pas une querelle foncière ».

Ainsi, l’assassinat du Révérend James Audu Issa n’est pas un fait divers isolé, il symbolise la vulnérabilité croissante des chrétiens dans le plus grand pays d’Afrique, où la foi devient parfois un motif de mort. Pendant que le monde détourne les yeux, les cloches des églises du Nigeria sonnent trop souvent pour leurs martyrs.

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