La nouvelle a été accueillie avec soulagement par de nombreux fidèles, mais l’élection intervenue durant la vacance du Siège apostolique a suscité des interrogations sur le respect de l’Accord entre le Saint Siége et la Chine.La Préfecture apostolique de Xinxiang, dans la province chinoise du Henan, a donc désormais un nouvel évêque. Le 5 décembre 2025, Mgr Francesco Li Jianlin à Xinxiang a reçu l’ordination épiscopale lors d’une liturgie présidée par l’archevêque de Shanghai, Monseigneur Joseph Shen Bin, entouré de plusieurs évêques de la région, de prêtres et de nombreux fidèles.
Le Vatican a confirmé que le pape Léon XIV avait nommé Mgr Francesco Li Jianlin à Xinxiang le 11 août, « conformément à l’Accord provisoire entre le Saint-Siège et la République populaire de Chine », après avoir accepté la renonciation de Mgr Joseph Zhang Weizhu.
La figure de Mgr Zhang Weizhu demeure centrale pour comprendre le contexte. Ordonné en secret en 1991 avec mandat pontifical, reconnu par Rome mais jamais par Pékin, il est considéré comme un évêque clandestin. Sa fidélité à Rome et son refus de rejoindre les organismes officiels lui ont valu arrestations, restrictions et surveillance, la plus récente ayant été signalée en 2021 par la Commission américaine sur la liberté religieuse. Aujourd’hui, son nom ne figure pas dans les communiqués chinois relatifs à l’ordination de son successeur et il n’apparaît pas sur les photographies de la célébration. Son départ se fait dans une discrétion qui reflète une situation délicate.La controverse porte aussi sur le moment de l’élection. Le clergé de Xinxiang avait élu le père Li Jianlin le 29 avril 2025, soit huit jours après la mort du pape François. Comme aucun acte pontifical ne pouvait être posé avant l’élection de Léon XIV le 9 mai, certains observateurs ont estimé que cette initiative du clergé local, soutenu par les autorités religieuses chinoises, « défiait l’Accord », qui vise précisément à assurer une procédure conjointe et une reconnaissance mutuelle des évêques. Le Saint-Siège a cependant confirmé la nomination pour garantir l’unité ecclésiale.
Né en 1975 à Huixian, Mgr Francesco Li Jianlin à Xinxiang a été ordonné prêtre en 1999. Il a exercé différents ministères pastoraux et a occupé des responsabilités au sein du Comité provincial pour les Affaires ecclésiales catholiques. En 2018, il fut l’un des signataires d’une circulaire interdisant l’accès des mineurs aux églises, au nom du principe de « séparation entre religion et éducation ». Cette règle reste strictement appliquée dans la province.Quelques jours avant son ordination, une communauté de Xuchang a ainsi trouvé la porte de son église fermée par un cadenas et une notification officielle. Celle-ci reprochait à la paroisse d’avoir laissé entrer des mineurs, en violation des règlements. La sanction imposait la « suspension des activités pour rectification ». Le document était signé par l’Association patriotique et le Comité pour les Affaires ecclésiales. Dans ces cas, les autorités civiles n’ont pas besoin d’intervenir : le contrôle est assuré par les instances religieuses elles-mêmes.
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L’installation de Monseigneur Francesco Li Jianlin à Xinxiang s’inscrit dans une longue histoire missionnaire. Depuis la fin du XIXᵉ siècle, des missionnaires ont implanté la foi dans la région, érigé chapelles, écoles et œuvres caritatives. Les communautés ont survécu aux expulsions des années 1950, à la confiscation des bâtiments et à la clandestinité. À partir de 1991, certaines propriétés ont été restituées, et la vie paroissiale a progressivement repris.Aujourd’hui, la communauté demeure active : pendant la pandémie, les fidèles ont prié quotidiennement pour Wuhan et collecté des fonds ; ils ont participé avec ferveur aux initiatives du Jubilé de la Miséricorde et vivent l’Année Sainte de l’Espérance avec intensité. L’arrivée de Mgr Francesco Li Jianlin à Xinxiang apporte une stabilité pastorale qui était attendue.
Mais cette ordination laisse aussi en suspens une question sensible : lorsque des nominations épiscopales interviennent durant la vacance du Siège apostolique, la procédure prévue par l’Accord peut sembler mise à l’épreuve. Le renvoi discret d’un évêque clandestin et la présence d’un nouvel évêque reconnu des deux côtés illustrent le double visage de la situation : l’Église catholique en Chine est à la fois reconnue et surveillée mais pour les fidèles du Henan, l’espérance passe par la fidélité. La nomination de Mgr Francesco Li Jianlin à Xinxiang n’efface pas les difficultés, mais elle permet une continuité de la mission. Là où l’Évangile a pris racine depuis plus d’un siècle, l’Église continue d’avancer, dans une discrétion prudente, mais avec constance.


