Le document de la Cour des comptes publié ce mercredi 3 septembre salue un chantier rigoureux et des coûts maîtrisés, mais il met aussi en lumière des charges nouvelles, des incertitudes sur l’avenir du musée de l’œuvre et des failles persistantes en matière de sécurité sanitaire. Derrière cette réussite officielle, un malaise grandit, gouvernance contestée, climat interne dégradé et rumeurs inquiétantes entourant le recteur, Mgr Olivier Ribadeau Dumas.
Six ans après l’incendie de 2019, la Cour des comptes a publié son troisième rapport sur la restauration de Notre-Dame de Paris. Comme lors des précédents contrôles, les magistrats saluent une gestion rigoureuse et des coûts maîtrisés. Nous vous proposons la synthèse exclusive de ce rapport ( fin d’article).
« Les travaux de reconstruction et de restauration nécessaires à la réouverture de la cathédrale (…) se sont déroulés conformément au calendrier et au budget établis », souligne la Cour. Le coût de la phase principale a été évalué à 552 millions d’euros, auxquels s’ajoutent 165 millions pour la sécurisation initiale. Grâce à une planification stricte et à l’implication de l’établissement public Rebâtir Notre-Dame de Paris, l’échéance du 8 décembre 2024 a été respectée.La Cour des comptes insiste sur la continuité de la gouvernance, après le décès du général Jean-Louis Georgelin en août 2023, son successeur Philippe Jost a assuré la stabilité du pilotage, permettant de respecter le calendrier fixé. Le rapport note que cette continuité « a contribué au succès » d’un chantier hors normes.
Notons qu’au 31 mars 2024, les dons atteignaient 843 millions d’euros, dépassant les promesses initiales (825 millions). Une partie substantielle, au moins 140 millions d’euros, est déjà affectée à la troisième phase de restauration, consacrée aux pathologies antérieures à l’incendie.Mais la sécurité a un coût. La mise en place d’un système de brumisation dans la charpente, d’un PC sécurité permanent et d’autres dispositifs a fait doubler les charges annuelles, désormais évaluées à 5,2 millions d’euros, dont 3,2 millions à la charge du diocèse de Paris. Ces dépenses pèseront durablement sur les finances ecclésiales.La Cour alerte également sur « l’absence persistante de toute réglementation propre à la présence et à l’emploi du plomb dans la restauration des monuments historiques ». Elle demande l’adoption d’une norme nationale d’ici 2026 pour réduire les risques sanitaires et éviter des surcoûts.Concernant l’accueil des fidèles et des touristes, la Ville de Paris a adopté en 2023 un projet d’aménagement du parvis et des abords, incluant le square Jean XXIII et le mémorial de la déportation. Le chantier, prévu de mi-2025 à 2028, doit offrir un meilleur cadre de visite et de prière.
Quant au musée de l’œuvre, annoncé par le président de la République en 2023 et prévu à l’Hôtel-Dieu, il est aujourd’hui suspendu faute de financement public. Sa réalisation dépendra d’un arbitrage urgent et de la générosité des mécènes.
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Tensions internes et rumeurs inquiétantes
Si le rapport consacre un satisfecit officiel à la restauration matérielle, le climat interne de la cathédrale reste troublé. Pollution persistante au plomb, vitraux contemporains contestés, climat pastoral dégradé, les difficultés techniques s’ajoutent à des tensions humaines profondes.Plusieurs témoignages dénoncent la gouvernance de Mgr Olivier Ribadeau Dumas, recteur de Notre-Dame, jugée autoritaire et opaque. « Depuis l’affaire de Mgr Aupetit, les prêtres du diocèse de Paris se sentent humiliés », confie un chanoine. Et d’ajouter : « Notre-Dame de Paris mérite mieux. »
Un épisode a marqué les esprits et illustre à lui seul les tensions internes, la nomination en juin 2024 d’un organiste de 21 ans, décidée sans concertation, sans appel à candidatures ni concours. Plusieurs organistes titulaires expérimentés ont été écartés sans explication, provoquant incompréhension et colère. Pour beaucoup de musiciens et de fidèles, cet épisode a symbolisé un mode de gouvernance autoritaire, humiliant pour les serviteurs de longue date de la cathédrale, et révélateur d’un climat où la transparence et le respect des personnes semblent relégués au second plan.
À ces critiques s’ajoutent de folles rumeurs qui circulent désormais avec insistance parmi les employés et surtout parmi les prêtres du diocèse. Elles concernent une supposée vie dissolue et des comportements « contraires à l’enseignement de l’Église » du recteur de Notre Dame de Paris.
Officiellement, rien n’a été confirmé. Mais le fait même que ces bruits se propagent nourrit un climat de suspicion et de malaise.Monseigneur Ulrich est au courant mais ne bouge pas…pour l’instant, on connait pourtant son inimitié pour le prêtre Ribadeau-Dumas qui parait-il « terrorise tout le monde ;à coté Monseigneur Chauvet c’était un agneau… » nous confie un prêtre de Notre Dame.
Plusieurs prêtres et laïcs affirment, en privé, redouter une nouvelle affaire pour l’Église de Paris. Certains disent avoir peur de perdre leur place s’ils s’exprimaient ouvertement. Ce silence, imposé par la crainte, pèse lourdement sur la communion ecclésiale. Comme le résume un fidèle, « la pierre a été sauvée, mais les âmes semblent abandonnées aux rumeurs et aux doutes ».
De son coté la Cour des comptes conclut en formulant quatre recommandations, une doctrine de conservation des vestiges archéologiques, la prise en charge par l’État du stockage des débris, une norme sur l’usage du plomb et un arbitrage rapide sur le musée. Autant de points qui rappellent que le chantier de Notre-Dame n’est pas seulement une prouesse architecturale mais aussi une épreuve de gouvernance.Les pierres de Notre-Dame sont à nouveau debout, majestueuses et solides. Mais une question demeure, l’Église de Paris saura-t-elle rebâtir aussi la communion ecclésiale, en restaurant la confiance au sein de la gouvernance ? Car à vouloir sauver uniquement la pierre, ne risque-t-on pas d’oublier les âmes ?