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Notre-Dame du Liban à New York et l’histoire surprenante des portes du paquebot Le Normandie

Porte d'éntrée de l'église maronite Notre Dame du Liban à New-York ( Manhattan)  - DR
Porte d'éntrée de l'église maronite Notre Dame du Liban à New-York ( Manhattan) - DR
À la veille du voyage du pape Léon XIV au Liban, la cathédrale maronite Notre-Dame du Liban à New York rappelle le lien durable entre la diaspora et l’identité chrétienne libanaise, notamment à travers l’histoire singulière de ses portes provenant du paquebot Le Normandie

La cathédrale maronite Notre-Dame du Liban de Brooklyn Heights possède une histoire complexe qui reflète plusieurs épisodes culturelles et historiques. L’édifice fut construit entre 1844 et 1846 pour la Church of the Pilgrims ( église des Pèlerins) , une communauté protestante dont l’architecte, Richard Upjohn, fut l’un des pionniers du style roman aux États-Unis. L’église d’origine, de proportions sobres et d’une facture typique du renouveau roman, se distinguait alors par une façade massive en pierre et un plan intérieur simple, correspondant aux usages liturgiques protestants du XIXᵉ siècle. Au début du XXᵉ siècle, tandis que la communauté protestante locale déclinait progressivement, une immigration libanaise maronite de plus en plus importante s’installa à New York. Une première paroisse maronite naquit à Manhattan en 1903, puis fut transférée à Brooklyn.

Dans les années 1930 et 1940, les besoins de la communauté croissant, la perspective d’acquérir un lieu de culte plus vaste devint urgente. L’occasion se présenta en 1943 lorsque l’ancienne Church of the Pilgrims fut mise en vente.

La communauté maronite choisit de l’acheter et réalisa les transformations nécessaires pour l’adapter à la liturgie orientale. L’église fut consacrée le 26 novembre 1944 sous le nom de Notre-Dame du Liban, marquant son enracinement dans la diaspora.

intérieur de Notre Dame du Liban à Manhattan

L’un des éléments les plus remarquables de la cathédrale provient d’un univers très éloigné de celui de la liturgie, celui de la marine transatlantique. Les portes monumentales en bronze qui marquent son entrée proviennent en effet du paquebot français Le Normandie, lancé en 1935, célèbre pour son style art déco et ses exploits de vitesse. Ce navire prestigieux, considéré comme l’un des plus élégants de son époque, possédait une grande salle à manger de trois ponts de hauteur, où ces portes étaient installées. Elles faisaient partie d’un ensemble de dix médaillons en bronze représentant neuf villes et monuments de Normandie, soigneusement sélectionnés pour illustrer la richesse du patrimoine normand. On y retrouvait la Cathédrale Saint-Pierre de Lisieux, l’Église Notre-Dame de Saint-Lô, la Tour de l’Horloge d’Évreux, l’Église Saint-Pierre de Caen, le Gros-Horloge de Rouen, la Montagne du Roule de Cherbourg, le Château des ducs d’Alençon, le Château de Dieppe et le Château de Falaise. Le dixième médaillon représentait le paquebot jumeau, l’Île-de-France.

Paquebot Le Normandie

Réquisitionné par les États-Unis en 1942 sous le nom d’USS Lafayette, Le Normandie fut victime d’un incendie accidentel alors qu’il était amarré à New York. L’eau projetée par les pompiers alourdit le navire, le faisant chavirer sur bâbord. Jugé irrécupérable, il fut démantelé. Plusieurs éléments furent cependant récupérés, dont ces portes sculptées.Leur installation à Notre-Dame du Liban résulte d’un achat effectué après leur mise en vente lors du démantèlement du navire. Elles furent adaptées aux dimensions de l’entrée principale de la cathédrale. Aujourd’hui, six médaillons sont visibles à la façade, tandis que quatre autres furent installés sur une entrée secondaire, faute de place. Leur présence crée un lien inattendu entre l’histoire maritime française, l’histoire urbaine de New York et le cheminement de la diaspora libanaise.

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L’intérieur de la cathédrale rassemble également des éléments provenant d’origines diverses. Dans les années 1950, l’artiste libanais Saliba Douaihy réalisa les vitraux, apportant une dimension artistique maronite distincte à un bâtiment d’origine protestante. Certains sols en marbre et en onyx proviennent de pavillons de l’Exposition universelle de New York de 1939, réutilisés lors de l’aménagement de la cathédrale. L’orgue, construit en 1870, fut conservé et restauré, demeurant un témoin de la période antérieure à la transformation du lieu. Cette superposition d’éléments, une façade et une structure protestantes du XIXᵉ siècle, des portes d’un paquebot transatlantique des années 1930, des vitraux d’un artiste libanais du milieu du XXᵉ siècle, confère à la cathédrale une identité particulière. Elle témoigne du caractère composite de l’histoire religieuse, culturelle et migratoire de New York.

Le 27 juin 1977, le pape Paul VI décida de l’élévation de l’église au rang de cathédrale, en tant que siège de l’Éparchie Saint-Maron de Brooklyn, confirma son rôle central dans la pastorale maronite à travers les États-Unis. Depuis lors, Notre-Dame du Liban est devenue un lieu de rassemblement majeur pour les Libanais installés en Amérique, où se transmettent rites, langues et traditions orientales. À l’approche du voyage du pape Léon XIV au Liban, la cathédrale apparaît comme un exemple de cette continuité que la diaspora a su préserver loin de sa terre d’origine. Les portes du paquebot Le Normandie, les vitraux de Douaihy et la structure protestante d’Upjohn illustrent à leur manière une histoire faite de ruptures, d’adaptations et de mémoire, réunies dans un même édifice au cœur de New York.

Notre Dame du Liban : 113 Remsen Street à l’angle de Henry Street Brooklyn, N.Y. 11201

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