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Philippines : des volontaires catholiques au cœur de la lutte contre la corruption

Monseigneur José Colin Bagaforo, évêque de Kidapawan  - DR
Monseigneur José Colin Bagaforo, évêque de Kidapawan - DR
Face à la méfiance persistante envers les institutions publiques, l’Église catholique des Philippines engage ses fidèles dans un vaste programme de contrôle citoyen des projets gouvernementaux. Une initiative inédite qui allie foi, responsabilité civique et service du bien commun

Dans un pays où la corruption continue d’éroder la confiance envers l’État, l’Église catholique des Philippines s’impose comme un acteur clé du renouveau moral et civique. Par l’intermédiaire de Caritas Philippines, des volontaires issus des paroisses seront désormais impliqués dans la surveillance des projets publics d’infrastructures, en partenariat avec le ministère des Travaux publics et des Autoroutes.L’accord, signé sous forme d’un mémorandum de coopération, prévoit la création d’équipes locales de suivi, composées de bénévoles formés dans les diocèses. Ces observateurs visiteront les chantiers financés par l’État, vérifieront la conformité des travaux et signaleront toute irrégularité à un groupe de suivi conjoint.

Monseigneur José Colin Bagaforo, évêque de Kidapawan et président de Caritas Philippines, a expliqué à l’Agence Fides que « le rôle de l’Église n’est pas seulement de dénoncer les irrégularités, mais aussi d’offrir une guidance morale aux responsables et aux exécutants des projets », rappelant les valeurs « d’honnêteté, de responsabilité et de service au bien commun ». Selon lui, cette collaboration concrète permettra aux paroisses de nourrir le sens de la coresponsabilité des citoyens tout en renforçant la bonne gouvernance.Cette initiative intervient après une série de scandales autour de projets fantômes, des programmes d’infrastructures financés mais jamais réalisés, notamment dans les domaines de la prévention des inondations et de la gestion des catastrophes climatiques. L’indignation populaire, relayée par de nombreux mouvements civiques et associations chrétiennes, a encouragé l’Église à agir.

Le 21 septembre dernier, plus de cent mille personnes issues de deux cents organisations se sont rassemblées à Monial lors du forum Church Leaders Council for National Transformation. Ce vaste mouvement, soutenu par les évêques, visait à unir la société civile et les communautés chrétiennes autour d’un même objectif : restaurer la transparence et la confiance publique.Dans ce contexte, l’engagement des volontaires catholiques ne relève pas d’un simple acte administratif, mais d’un témoignage évangélique. Comme le souligne Mgr Bagaforo, « la lutte contre la corruption doit être à la fois structurelle et spirituelle. Elle demande la conversion du cœur autant que la rigueur des institutions ».

Pour les communautés paroissiales, cette démarche devient une véritable mission. « Surveiller les travaux, c’est protéger le bien commun », explique Maria Lopez, volontaire de Caritas à Davao. « Nous ne sommes pas des experts en ingénierie, mais des témoins de la vérité et de la justice. Notre foi nous pousse à agir pour que chaque peso public soit utilisé honnêtement. »Le réseau Caritas, présent dans les 86 diocèses du pays, constitue un maillage unique. Il relie les zones rurales souvent oubliées des grandes instances politiques et permet une remontée rapide d’informations sur le terrain. Cette capacité d’observation de proximité renforce la crédibilité du dispositif et montre que la société civile, lorsqu’elle est soutenue par l’Église, peut devenir un instrument de transformation sociale.

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L’initiative s’accompagne d’un geste symbolique fort. Depuis plusieurs semaines, les fidèles sont invités à assister à la messe dominicale vêtus de blanc, couleur de pureté et de transparence. Ce signe extérieur traduit un engagement intérieur : celui de vivre la justice au quotidien, dans les affaires publiques comme dans les relations personnelles.Les évêques y voient une manière de convertir la lutte contre la corruption en un chemin de foi. Porter du blanc devient un acte spirituel, une prière incarnée pour la nation. « Les structures s’effondrent, mais la foi résiste », affirmait récemment l’archevêque Uy, en rappelant que l’espérance chrétienne demeure même dans les crises morales ou politiques.

Ce partenariat entre Caritas et l’État philippin pourrait inspirer d’autres pays d’Asie confrontés à la corruption et à la fragilité des institutions. Dans un contexte où la société civile manque souvent de moyens et de confiance, l’Église dispose d’un atout majeur : sa présence constante auprès des plus pauvres et sa crédibilité morale.De la Corée du Sud à l’Inde, plusieurs conférences épiscopales observent déjà avec intérêt l’expérience philippine. Elle démontre qu’une Église enracinée dans la vie du peuple peut contribuer à bâtir une gouvernance plus éthique, sans confusion des rôles mais dans le respect mutuel des compétences.

Dans ce combat pour la transparence, les catholiques philippins ne se posent pas en juges mais en serviteurs. Ils veulent que la lumière du Christ éclaire aussi les institutions humaines, convaincus que la justice et la vérité ne peuvent être séparées de la charité et du bien commun.

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