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Pierre Monéger, nouveau président des Scouts de France, le pire est-il à venir ?

Pierre Monéger, nouveau président des Scouts de France - DR
Pierre Monéger, nouveau président des Scouts de France - DR
« Je resterai fidèle aux lignes que Marine Rosset avait impulsées. »

Par Philippe Marie

Pierre Monéger reprend la suite de Marine Rosset à la tête des Scouts et Guides de France dans un climat tendu, après des mois de troubles internes et de remises en cause profondes de l’identité du mouvement. La Croix relate ses déclarations : « Le projet de ce mouvement de scoutisme, acteur d’une Église ouverte à tous, m’anime profondément. » Mais derrière cette rhétorique lisse, se cache-t-il un vrai tournant ou simplement une opération de communication destinée à entériner l’héritage de sa prédécesseure, dont la démission fracassante a laissé le mouvement sonné, divisé, et en perte de repères ?

Le ton est donné dès ses premières prises de parole : « Je resterai fidèle aux lignes que Marine Rosset avait impulsées. » Ces lignes, on le sait, ont précipité les SGDF dans une crise identitaire, marquée par un progressisme décomplexé, une pastorale floue et des options théologiques de plus en plus détachées de la doctrine chrétienne. Plutôt que d’ouvrir une page neuve, Pierre Monéger revendique donc une forme de continuité, quitte à ignorer les nombreux cris d’alarme venus de la base, cadres, parents, anciens, inquiets de la dérive idéologique du mouvement.

« Mener une relecture de la période écoulée, avec lucidité et écoute », promet-il encore. Mais lire n’est pas relire, et écouter sans discerner n’est pas gouverner. En réalité, cette posture consensuelle s’inscrit dans une logique de déminage, calmer les mécontentements, sans infléchir la direction. Car à y regarder de plus près, Pierre Monéger incarne un profil calibré pour rassurer, les mêmes qui ont misé hier sur Marine Rosset. Catholique « engagé », il a présidé une association d’aumônerie de l’enseignement public et siégé au conseil pastoral d’une paroisse. Jusque-là, rien de choquant. Mais ce « catholicisme de dialogue » prend vite une coloration idéologique. L’Église qu’il dit aimer est celle où chacun « prend sa place », dans un mouvement « ouvert à tous ». Une ouverture qui a bon dos, et qui, sous couvert d’inclusivité, écarte de fait tout attachement exigeant à l’autorité doctrinale de l’Église.

Son discours s’aligne, presque mot pour mot, sur les éléments de langage forgés par le bureau national sortant, priorité à l’inclusion, à la diversité des parcours, aux « périphéries »… Le jargon est rôdé. L’identité catholique, elle, semble reléguée au rang de folklore optionnel.

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Le parcours de Pierre Monéger ne se limite pas à cela. En 2022, il livrait à Mediapart un long témoignage sur son expérience d’accueil d’un migrant guinéen, Ibrahim, hébergé pendant deux ans avec sa femme dans leur maison près de Rennes. L’entretien révèle aussi une vision très militante de l’accueil inconditionnel fait aux migrants. « Être capable de traverser la moitié de l’Afrique, vivre ce qu’ils vivent en Libye, prendre le risque de traverser la Méditerranée… c’est quand même une détermination et une énergie de vie qui impressionnent », déclare-t-il, avant de conclure : « Il vaudrait mieux se demander comment travailler pour l’accueillir. » Pierre Monéger affirme que « c’est dommage de passer à côté de cette capacité d’entreprendre », et plaide de manière implicite pour une reconnaissance plus large des sans-papiers. Un positionnement conforme à une certaine mouvance catholique « d’ouverture » très en vogue dans certaines paroisses urbaines et dans les cercles dirigeants des SGDF.

Il ne s’agit pas de remettre en cause la charité évangélique, mais de s’interroger : à l’heure où les SGDF se cherchent une identité, où la notion même de spiritualité scoute semble galvaudée, l’absence de vision structurée autour de la foi catholique laisse dubitatif.

La « collégialité » affichée avec ses deux vice-présidents, Julie Lefort et Charles Le Gac, renforce cette impression de dilution des responsabilités. Chacun écoute, chacun accueille, chacun discute, mais qui tranche ? Qui rappelle la mission fondatrice du scoutisme catholique, son exigence morale, sa radicalité évangélique ? Personne.En reprenant sans réserve les mantras de ses prédécesseurs, « mouvement ouvert à chacun, quelles que soient sa situation et ses convictions », Pierre Monéger montre qu’il ne conçoit plus le scoutisme comme une école de sainteté, mais comme un laboratoire sociétal. La formation de la jeunesse à la lumière de l’Évangile, la place centrale de la prière, du silence, de l’obéissance, de l’humilité, tout cela semble avoir cédé la place à un scoutisme horizontal, sociologisant, désincarné, conforme aux standards d’une République inclusive mais sourde à la transcendance.

On l’aura compris, Pierre Monéger n’est pas le fruit d’un renouveau, il est le produit d’un compromis. Un nom rassurant, sans aspérités, pour éviter que le mouvement ne se fracture davantage. Il n’est pas l’homme d’un sursaut, mais celui d’un maintien. Pas un bâtisseur, mais un gestionnaire du statu quo.Or l’Église, surtout lorsqu’elle s’adresse à la jeunesse, ne peut se contenter d’accompagner. Elle doit proposer, et même oser. Le rôle d’un président scout n’est pas de calmer les esprits, mais de raviver les cœurs.En choisissant Pierre Monéger, les SGDF n’ont pas tourné la page de la crise, ils l’ont mise entre parenthèses, en espérant que personne ne la relise trop vite.

Un siècle après sa composition, le Chant de la Promesse scoute résonne comme un cri de fidélité, d’honneur et de don total à Dieu. À l’écouter aujourd’hui, difficile de ne pas sentir le profond décalage avec les orientations défendues par Pierre Monéger : « Je veux t’aimer sans cesse, de plus en plus », « Je jure de te suivre en fier chrétien »… Les paroles du Chant de la Promesse, écrites par le Père Sevin, respirent l’exigence,le don de soi et la fidélité au Seigneur et à sa Parole. Ce chant, véritable profession de foi scoute, tranche avec le langage lisse et les options sociologiques du nouveau président. Il rappelle que le scoutisme, pour être pleinement lui-même, doit d’abord être une école de sainteté.

CHANT DE LA PROMESSE
Paroles : Père Jacques Sevin
Écrit en 1921

1
Devant tous je m’engage
Sur mon honneur,
Et je te fais hommage
De moi, Seigneur !

Refrain
Je veux t’aimer sans cesse, de plus en plus,
Protège ma promesse, Seigneur Jésus !

2
Je jure de te suivre
En fier chrétien,
Et tout entier je livre
Mon cœur au Tien.

Refrain

3
Fidèle à ma Patrie
Je le serai ;
Tous les jours de ma vie,
Je servirai.

Refrain

4
Je suis de tes apôtres,
Et chaque jour
Je veux aider les autres
Pour ton amour.

Refrain

5
Ta Règle a sur nous-mêmes
Un droit sacré ;
Je suis faible, tu m’aimes :
Je maintiendrai !

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