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Pourquoi François Bayrou agace les partisans de l’euthanasie ?

François Bayrou lors de l'émission LCI - capture écran
François Bayrou lors de l'émission LCI - capture écran
Une certaine vision chrétienne : "Moi, je ne crois pas que les morts soient morts. Je crois à la vie"

Le Premier ministre François Bayrou a confirmé ce lundi 27 janvier sa volonté de scinder en deux le projet de loi sur la fin de vie. D’un côté, un texte sur le renforcement des soins palliatifs ; de l’autre, un texte sur la légalisation de l’« aide à mourir ». Une décision qui suscite la colère des défenseurs de l’euthanasie, qui espéraient une adoption rapide et sans entrave de leur projet.

Invité sur LCI, François Bayrou a défendu son choix en expliquant que « ce n’est pas la même question ». Selon lui, l’accompagnement des personnes en fin de vie et l’organisation d’un suicide assisté sont deux sujets distincts qui méritent des débats séparés.Il a également rappelé que l’accès aux soins palliatifs est un « devoir » pour l’État, un impératif que la France peine encore à assurer correctement. Environ 60 % des patients qui en auraient besoin ne peuvent y accéder faute de structures suffisantes. Bayrou considère donc que ces soins doivent être développés avant d’envisager toute nouvelle loi sur la fin de vie.

Une levée de boucliers chez les pro-euthanasie

Mais cette séparation dérange les partisans de l’euthanasie. La présidente de l’Assemblée nationale, Yaël Braun-Pivet, et le député Olivier Falorni, défenseur de l’« aide à mourir », dénoncent cette stratégie. Ils craignent que la division du projet de loi n’aboutisse à un retard, voire à l’abandon de la légalisation de l’euthanasie.Près de 200 députés socialistes et macronistes ont d’ailleurs signé une lettre adressée à Matignon pour demander au Premier ministre de ne pas séparer les deux textes. Ils réclament une loi unique qui traiterait à la fois des soins palliatifs et de l’euthanasie, afin d’accélérer son adoption.

« Je crois à la vie » : Bayrou et la mort, une vision chrétienne

Au-delà du débat politique, François Bayrou a livré un témoignage personnel sur son rapport à la mort, marqué par son histoire familiale et sa foi chrétienne. En évoquant son père, décédé tragiquement dans un accident, il a partagé une conviction profonde :

« Beaucoup des êtres que vous aimez vous sont arrachés. Et ces êtres-là, ils vous façonnent. J’ai souvent dit que pour moi, la mort n’existait pas (…) Moi, je ne crois pas que les morts soient morts. »

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Ces paroles, loin d’être anodines, traduisent une vision de la mort qui s’oppose radicalement à celle des partisans de l’« aide à mourir ». Dans une société où l’on cherche à encadrer légalement la fin de vie sous l’angle du choix individuel et du « droit à mourir », François Bayrou rappelle que la mort ne marque pas une rupture définitive, mais une continuité.Interrogé sur l’influence du christianisme dans sa décision, le Premier ministre a assumé l’impossibilité de séparer ses convictions profondes de son engagement politique :

« C’est comme déraciner ce que l’on croit de ce que l’on est. C’est impossible. »

Il a ensuite précisé que sa réflexion sur la fin de vie ne se limite pas à une approche législative, mais touche à des dimensions plus personnelles et existentielles :

« Qu’est-ce qui influence le citoyen en moi ? C’est le père de famille que je suis et peut-être aussi le fils que j’ai été. On touche à quelque chose qui tient au sens de la vie. À la vie et au sens de la vie. »

Ces propos révèlent une approche profondément enracinée dans la tradition chrétienne, où la vie humaine est un bien sacré et où la mort ne saurait être réduite à une simple décision administrative. Contrairement aux partisans de l’« aide à mourir » qui prônent une logique d’émancipation individuelle face à la souffrance, le premier ministre rappelle que la vie et la mort sont intrinsèquement liées à la famille, à la transmission et à une vision spirituelle du monde.

Reste à savoir si cette résistance tiendra face à un gouvernement où la plupart des responsables soutiennent l’« aide à mourir ». Si François Bayrou entend ralentir le processus législatif en séparant les textes, ses adversaires veulent imposer une approche unique, minimisant la question des soins palliatifs pour faire avancer rapidement l’euthanasie.

L’avenir dira si cette scission suffira à enrayer une légalisation que beaucoup dénoncent comme une dérive inquiétante. Une chose est sûre : dans cette bataille pour le caractère sacré de la vie , François Bayrou marche sur un fil.

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