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Prière silencieuse et libertés fondamentales, la tension monte entre les États-Unis et le Royaume-Uni

Le père Sean Gough et Isabel Vaughan-Spruce - DR
Le père Sean Gough et Isabel Vaughan-Spruce - DR
Le département d’État américain dénonce une atteinte aux libertés fondamentales et évoque une rupture inquiétante avec les valeurs communes qui fondent les relations entre les deux pays

Une affaire judiciaire britannique, en apparence locale, a désormais pris une dimension diplomatique. Les poursuites engagées contre Isabel Vaughan-Spruce, militante catholique pro-vie poursuivie pour avoir prié silencieusement à proximité d’un centre d’avortement à Birmingham, ont suscité une réaction officielle de l’administration Trump, révélant des tensions croissantes entre les États-Unis et le Royaume-Uni sur la question de la liberté religieuse et de la liberté de conscience.Dans une déclaration rapportée par The Telegraph, un porte-parole du département d’État américain a estimé que « la décision de poursuivre une femme engagée dans une prière silencieuse est non seulement préoccupante quant à son impact sur le respect des libertés fondamentales d’expression et de religion ou de conviction, mais constitue également un écart indésirable par rapport aux valeurs communes qui devraient sous-tendre les relations entre les États-Unis et le Royaume-Uni ».

Isabel Vaughan-Spruce est poursuivie en vertu de la nouvelle législation britannique sur les « zones tampons » autour des centres d’avortement, entrée en vigueur en octobre 2024. Cette loi interdit toute tentative d’« influencer » la décision de recourir à l’avortement dans un périmètre de 150 mètres autour de ces établissements. Il s’agit de la première poursuite engagée depuis l’adoption de ce texte, alors même que celui-ci ne mentionne pas explicitement la prière silencieuse.Les directives du Crown Prosecution Service précisent pourtant que la prière silencieuse, en elle-même, ne suffit pas à constituer une infraction pénale, sauf si elle est accompagnée d’un comportement manifeste. Malgré cela, la militante est poursuivie pour un acte intérieur, sans parole ni geste, ce qui a conduit le département d’État américain à souligner qu’« un simple acte de pensée ne devrait pas constituer un préjudice ».

Washington a confirmé suivre l’affaire de près. « Nous suivons de près l’affaire d’Isabel. Il est évident que rester debout en silence et offrir une conversation ne devrait pas constituer un préjudice », a ajouté le porte-parole.

Cette prise de position s’inscrit dans un contexte plus large de critiques américaines à l’égard des restrictions imposées au Royaume-Uni en matière de liberté religieuse. En 2024, une commission américaine bipartisane sur la liberté religieuse internationale avait déjà accusé l’Angleterre de cibler des personnes pour leur expression religieuse pacifique. La question avait également été portée sur la scène internationale par le vice-président américain J.D. Vance, qui avait dénoncé un recul préoccupant des droits de conscience en Europe, notamment à travers les lois sur les zones tampons liées à l’avortement.L’affaire Vaughan-Spruce s’inscrit dans une longue série d’interventions policières. Depuis 2022, la militante a été arrêtée à plusieurs reprises pour des faits similaires, avant d’être finalement blanchie par la justice britannique et indemnisée pour arrestation abusive. Malgré ces décisions judiciaires, l’entrée en vigueur de la nouvelle loi nationale a relancé les poursuites, la conduisant à nouveau devant les tribunaux.

Au-delà du cas individuel, cette affaire soulève une question de fond. Peut-on, dans une démocratie libérale, criminaliser une prière silencieuse au nom de la régulation de l’espace public ? Pour de nombreux observateurs catholiques, l’enjeu dépasse largement le débat sur l’avortement. Il touche au cœur même de la liberté de conscience, de pensée et de religion, des libertés reconnues comme fondamentales par les traditions juridiques occidentales.

Alors que le gouvernement britannique dirigé par Keir Starmer applique strictement cette législation, la réaction américaine met en lumière une fracture réelle entre deux alliés historiques. Une fracture qui, à travers le cas d’une prière silencieuse, révèle une divergence profonde sur la compréhension même des libertéfondamentales.L’enjeu apparaît sans ambiguïté. Une loi qui prétend encadrer non seulement les paroles et les gestes, mais aussi le silence et l’intention intérieure, franchit une limite grave.

En criminalisant une prière silencieuse, l’État ne se contente plus d’organiser l’espace public, il revendique un droit de regard sur la conscience elle-même.

Ce type de législation, présenté comme un outil de protection, repose en réalité sur une conception appauvrie de la liberté religieuse, tolérée seulement tant qu’elle demeure invisible, muette et sans portée morale. Or, pour l’Église, la liberté de conscience ne se fragmente pas, elle ne se concède pas par dérogation, elle constitue un droit inhérent à la dignité humaine.L’affaire Isabel Vaughan-Spruce agit ainsi comme un signal d’alarme. Une société qui en vient à poursuivre une femme pour avoir prié en silence ne protège plus la paix civile, elle fragilise les fondements mêmes de la liberté. Et lorsque le silence devient suspect, c’est toute la civilisation de la conscience qui vacille.

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