Depuis la publication du rapport de la CIASE en France et celle, plus récente, de la Conférence épiscopale italienne (CEI), une tendance inquiétante se confirme : l’approche du scandale des abus semble de plus en plus dictée par le souci de se montrer irréprochable aux yeux du monde… quitte à sacrifier la vérité à la communication. Et si une partie de l’Église s’en félicite, d’autres voix s’élèvent désormais pour dénoncer des méthodes biaisées, des chiffres gonflés, et une stratégie qui flatte la société civile plutôt qu’elle ne la convertit.
Le dernier rapport de la CEI ( Eglise italienne) , présenté comme un état des lieux des abus dans le cadre ecclésial entre 2023 et 2024, fait état de 115 victimes de « présumés abus ». Un chiffre repris en boucle dans les médias, renforçant une image accablante de l’Église italienne, avec cette équation implicite : au moins un abus par semaine. Mais le média italien La Bussola nous indique que, en lisant le rapport, on découvre que les cas évoqués sont des signalements, non des faits avérés. Le texte ne dit presque rien sur leur vérification, ni sur les suites données aux accusations. Pire : plus de la moitié des signalements concernent des abus non sexuels, abus psychologiques, spirituels, ou encore « langage inapproprié ». Autant d’éléments essentiels… volontairement éclipsés dans la communication officielle.
Ce glissement rappelle les critiques de plus en plus nombreuses concernant le rapport de la CIASE en France. Présenté en 2021 comme une œuvre de vérité, il a pourtant été émaillé d’erreurs méthodologiques, d’extrapolations douteuses, et de conclusions taillées sur mesure pour répondre aux attentes du monde. Des statisticiens et juristes de renom ont depuis contesté la rigueur scientifique du travail, cette » contestation » a été religieusement étouffée. L’objectif semblait clair : produire un chiffre-choc pour conforter une opinion publique déjà convaincue que l’Église est coupable par nature, ce qui n’était pas pour déplaire à une société qui préfère rejeter Dieu plutôt que se convertir.
On est donc face à une stratégie bien rodée : multiplier les déclarations de transparence, organiser des milliers de sessions de « sensibilisation », publier des données partielles mais présentées comme accablantes… Non pas pour approfondir la réalité du mal, mais pour montrer patte blanche au monde, et lui prouver que l’Église sait se repentir. Quitte à se laisser humilier sans discernement. Quitte, parfois, à trahir ses propres enfants , ces prêtres injustement soupçonnés, ces fidèles blessés par la méfiance généralisée, et ce clergé déjà fragilisé par une culture du soupçon permanent.
Le pape Benoît XVI avait pourtant désigné avec clarté la racine profonde du scandale des abus : une crise de foi, avant d’être une crise de gouvernance.
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Mais à lire les récents rapports, cette dimension spirituelle a disparu. L’abus est traité comme une pathologie sociale, une simple défaillance institutionnelle à réparer par des protocoles, des chartes, et des formations en cascade. On oublie que c’est la perte du sens du sacré, la dilution de la vocation sacerdotale, et l’abandon de la prière qui ont creusé la brèche.
Il n’est évidemment en aucun cas question de minimiser un seul crime, ni le moindre abus sexuel, quel qu’en soit l’auteur. Le mal commis doit être reconnu, dénoncé, réparé, et la justice pleinement rendue aux victimes. Mais cela ne saurait justifier l’instrumentalisation constante de cette souffrance par une société civile qui s’en sert volontiers pour mieux rejeter l’Église et, au fond, pour mieux rejeter Dieu.
Il est tout aussi préoccupant de constater que certains médias dits catholiques, comme La Croix, participent activement à ce glissement. En relayant sans nuance et très activement ces chiffres-chocs, en épousant l’émotion collective sans discernement, ils deviennent les relais consentants de réformes dites « nécessaires », mais en réalité destructrices. Des réformes sociologiques et politiques, conçues non pas pour renouveler l’Église dans la fidélité, mais pour la « réformer » comme on réorganiserait un parti ,avec ses axes, ses commissions, et ses objectifs de transformation. On veut faire de l’Église une ONG morale, déconnectée de sa vocation surnaturelle.
Une Église qui veut plaire au monde au lieu de le convertir finit par trahir sa mission. Et pendant que certains clercs participent à des colloques sur la « communication de crise », d’autres annoncent encore le Christ dans des églises vides, parfois avec courage, souvent dans l’indifférence générale. À force de vouloir devenir partenaire d’un monde qui méprise la foi, on en oublie que l’Église n’est pas appelée à séduire, mais à sanctifier.