En ce lundi 22 septembre 2025, Emmanuel Macron doit officiellement reconnaître l’État de Palestine devant l’Assemblée générale de l’ONU, aux côtés d’une dizaine d’autres pays. Une décision présentée par Paris comme un préalable à la paix, mais qui suscite de vives tensions, notamment en Israël, où elle est perçue comme une menace existentielle. Dans ce contexte chargé d’incertitudes, la voix du patriarche latin de Jérusalem, le cardinal Pierbattista Pizzaballa, apporte un éclairage grave et mesuré. Dans deux entretiens récents accordés, l’un à l’hebdomadaire du diocèse de Vittorio Veneto L’Azione et l’autre au festival Open, il a livré une analyse lucide et sévère de la situation, exprimant une défiance marquée envers la politique et un appel vibrant à la société civile.
« C’est d’une gravité énorme, a-t-il déclaré à L’Azione, et (…) je ne comprends pas comment on peut tolérer une telle chose ». Reconnaissant à la fois les instrumentalisations du Hamas et les raisons invoquées par Israël, le cardinal souligne que « cela ne peut en aucun cas justifier ce qui se passe à Gaza. Cela doit être dit ».Le patriarche s’inquiète de l’avenir, marqué selon lui par les rancunes, la méfiance et la haine qui perdureront bien au-delà de la fin des opérations militaires. « Même si cela s’arrêtait aujourd’hui, ce ne serait pas la fin. Nous en paierons encore longtemps les conséquences », a-t-il affirmé.
le prélat italien insiste sur la lassitude de la population israélienne face au conflit, mais avertit : « Vouloir la fin de la guerre ne signifie pas nécessairement vouloir la paix avec les Palestiniens, ce sont deux choses assez différentes ». Le constat vaut également pour le camp palestinien.
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Concernant la réponse militaire d’Israël, le cardinal souligne les limites d’une vision refermée sur elle-même : « Israël vit dans sa propre bulle (…), où il se perçoit comme la seule et unique victime de tout ce qui se passe. Cela empêche d’avoir une vision lucide, claire et libre, non seulement du présent mais aussi de l’avenir ». Une attitude que l’on peut comprendre à la lumière de l’histoire israélienne et de la peur constante que représente la reconnaissance d’un État palestinien, perçu par beaucoup comme fatalement hostile. Pourtant, rappelle le patriarche, la légitime préoccupation sécuritaire ne peut justifier une guerre à outrance dont le prix humain devient insoutenable.
S’il estime nécessaire la reconnaissance de l’État palestinien pour réaffirmer la dignité du peuple palestinien, il demeure sceptique sur la faisabilité de la solution à deux États. Selon lui, cette perspective devient « de plus en plus lointaine » et nécessitera de longues années de travail culturel et politique afin de préparer les conditions d’un accord viable.Dans son analyse, le cardinal rappelle également que l’assassinat d’Yitzhak Rabin en 1995 a marqué un tournant décisif, faisant basculer la société israélienne vers une radicalisation dont les effets se prolongent jusqu’à aujourd’hui.
Enfin, son propos le plus marquant porte sur la confiance à accorder aux acteurs du conflit. Le patriarche n’hésite pas à exprimer sa défiance envers les institutions politiques : « Je ne perdrais pas trop de temps avec la politique. Ce qui est évident aujourd’hui, c’est la faiblesse, voire la paralysie, des institutions politiques locales, internationales, multipolaires… j’oserais dire même des institutions religieuses. C’est le moment de la société civile, c’est là surtout que nous devons agir et c’est à elle que nous devons parler ».
Au festival Open, Son Eminence Pizzaballa a encore précisé sa mission : « Reconstruire un tissu sur le terrain, créer des alliances au sein de la société civile qui maintiennent l’humanité vivante ».Face à une guerre sans horizon immédiat de réconciliation, le patriarche place donc son espoir non pas dans les structures politiques, mais dans la capacité des peuples eux-mêmes à tisser patiemment un chemin vers la paix.Reste une question : n’est-il pas naïf de croire que la société civile, à elle seule, saura porter ce poids immense, quand la méfiance, la peur et la haine semblent toujours l’emporter ?