Regain de la foi catholique en Espagne ? Les données officielles invitent à nuancer ce récit souvent relayé dans les médias, qui évoquent depuis plusieurs mois un retour du catholicisme porté par la culture populaire, les rassemblements de jeunes ou le succès de nouveaux mouvements. La publication du Baromètre sur les Religions et Croyances en Espagne 2025, réalisé pour la Fondation Pluralisme et Coexistence, dresse en effet un tableau plus contrasté.
Selon cette enquête fondée sur près de 5 000 personnes interrogées , 49 % des Espagnols se définissent comme croyants religieux et 46 % comme catholiques. Ces pourcentages restent proches des tendances habituelles. Mais lorsque l’on observe la structure par âge, la situation change radicalement. Seuls 31 % des 25-34 ans se déclarent catholiques, et à peine 29 % des 18-24 ans. Ce sont les niveaux les plus bas jamais mesurés, malgré une visibilité accrue de la foi dans certains secteurs de la jeunesse.Les chercheurs soulignent ce qu’ils appellent déjà le « paradoxe 29-59 % ». D’un côté, seuls 29 % des 18-24 ans se disent catholiques. De l’autre, 59 % affirment croire fermement à l’existence de l’âme. Les jeunes sont également ceux qui croient le plus à la vie après la mort (40 %), à l’astrologie (29 %), à la voyance (23 %) ou encore à l’existence d’énergies agissant dans le monde (45 %). Ils sont même plus nombreux à consulter des tarots (23 %) qu’à lire la Bible.
Ces données révèlent une spiritualité diffuse, intense, mais souvent éloignée du catholicisme et des sacrements
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Ce décalage entre spiritualité et pratique catholique explique en partie l’écart entre la perception médiatique et la réalité statistique. Des phénomènes visibles comme le mouvement Hakuna, né après les Journées Mondiales de la Jeunesse 2013 et connu pour attirer des milliers de jeunes dans des moments de prière et de louange, témoignent d’un dynamisme réel mais minoritaire. Hakuna rassemble un noyau fervent, centré sur l’adoration eucharistique et une musique contemporaine qui touche une génération sensible au langage culturel actuel. Mais il ne reflète pas l’ensemble de la jeunesse espagnole.Le baromètre montre également ce qui donne sens à la vie des Espagnols. La famille arrive largement en tête avec 90 %, suivie des amitiés (79 %), de l’épanouissement personnel (78 %) et de la nature (71 %). La religion ou la spiritualité n’obtient que 31 %. Chez les 18-24 ans, ce chiffre chute à 15 %, un pourcentage inférieur à celui attribué aux animaux de compagnie.
La présentation officielle du rapport, en présence de la directrice de la fondation, Inés Mazarrasa, et de la directrice générale de la Liberté religieuse, Mercedes Murillo, insiste sur l’importance de disposer enfin d’une photographie rigoureuse de la diversité religieuse du pays. Les experts saluent un travail méthodologique solide, appelé à être mis à jour tous les deux ans, offrant un outil fiable pour comprendre l’évolution réelle du fait religieux.Ces résultats confirment que l’Espagne reste un pays où la quête de transcendance n’a pas disparu, surtout chez les jeunes, mais où le catholicisme n’est plus la référence évidente qu’il a été. Le défi pastoral devient alors clair : rejoindre une génération qui croit, mais qui croit autrement, et transformer cette recherche spirituelle éclatée en un chemin vers une foi vécue, sacramentelle et ecclésiale.


