Par Robert Notézujsé*
Il convient de rappeler, avec rigueur théologique et sans céder aux slogans égalitaristes, que le pape polonais n’a rien « surinterprété ». Il a, au contraire, révélé le cœur du mystère chrétien de la différence, là où le monde moderne ne voit qu’un obstacle à abattre .Publié (bien évidemment) dans La Croix, l’article de Madame Soupa est une nouvelle tribune qui remet en cause l’ADN fondateur de l’Eglise , par simple incompréhension ou par pure lutte intellectuelle , on ne sait pas vraiment.. de notre côté, nous ne cesserons de répondre du tac au tac à ces « saillies idéologiques » qui fleurent bon la lutte des sexes.
Qu’il est lassant, à force, de voir se répéter le même refrain : l’Église serait « différentialiste », donc « excluante », parce qu’elle n’ordonne pas les femmes
Ce procès, que Madame Anne Soupa intente avec l’assurance de ceux qui confondent revendication politique et théologie, témoigne d’une incompréhension totale du christianisme incarné. Car si le Christ avait voulu instituer une parité sacramentelle, il l’aurait fait. Or, il a choisi douze hommes, non par mépris des femmes, mais en fidélité à l’économie du salut, qui n’est pas un champ d’expérimentation idéologique.L’erreur fondamentale d’Anne Soupa, et de tout féminisme ecclésial, consiste à juger l’Église à l’aune de la société moderne, alors que celle-ci s’ordonne selon une logique tout autre, celle du signe.
Le prêtre, dans la théologie catholique, agit in persona Christi capitis, en la personne du Christ Tête. Le sacerdoce n’est donc pas une fonction parmi d’autres, mais un sacrement, un mystère où le signe visible, le ministre, doit correspondre à la réalité invisible qu’il rend présente, le Christ, Époux de l’Église.
Vouloir y substituer une logique égalitariste revient à profaner la structure même du mystère.
Ce n’est pas « discriminer » que de rester fidèle à ce signe, pas plus qu’il n’est sexiste de dire que la maternité et la paternité ne sont pas interchangeables. Ce que Madame Soupa nomme « exclusion » est en vérité reconnaissance du sens symbolique et ontologique de la différence, que Jean-Paul II, dans sa Théologie du corps, a admirablement explicité.
Accuser Jean-Paul II d’avoir réduit la femme à un rôle d’« aide », c’est ne pas avoir lu, ou ne pas vouloir comprendre, sa Lettre aux femmes. Loin d’y enfermer qui que ce soit dans un rôle subalterne, il y exalte la vocation féminine à manifester la dimension sponsale de l’amour de Dieu, cette capacité unique d’accueillir l’autre et de donner la vie. C’est précisément cette anthropologie intégrale que rejettent les disciples de l’idéologie du genre, qui prétend que la différence sexuelle est accidentelle et socialement construite. Or, le christianisme affirme qu’elle est voulue par Dieu, inscrite dans la chair comme signe d’un mystère plus grand que nous.
La femme n’est pas « pour » l’homme, elle est avec lui, et tous deux sont appelés à une réciprocité qui ne se mesure pas à la distribution des pouvoirs, mais à la communion des dons
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Madame Soupa déplore que l’Église « décroche » de la société moderne. C’est au contraire son honneur. Car si l’Église devait se plier à chaque « révolution anthropologique », elle ne serait plus la gardienne du dépôt révélé, mais le miroir d’une époque. Or, l’Évangile n’a jamais été conforme au monde, il le juge, il le sauve, il le transcende. Cette fidélité n’est pas une crispation, mais un acte d’espérance. Quand l’Église affirme que l’homme et la femme sont différents et complémentaires, elle protège la vérité du corps contre les ravages d’une idéologie qui détruit tout repère, jusqu’à l’enfance elle-même. Le différentialisme de Jean-Paul II, que Madame Soupa ridiculise, est en réalité la dernière digue contre la déconstruction totale du réel. Il est la sagesse d’un saint qui avait compris que, sans le sens du don, la liberté devient une caricature.
Madame Soupa croit pouvoir interpréter le silence actuel du pape Léon XIV comme un embarras. Il est plus probable qu’il s’agit d’un silence de discernement, celui d’un successeur de Pierre conscient que la vérité n’a pas besoin de se justifier devant les micros, mais de se manifester dans la fidélité. Le pape n’a pas à commenter chaque agitation médiatique. Il lui suffit, pour être fidèle au Christ, de garder intacte la cohérence sacramentelle de l’Église. Ceux qui lui demandent d’y renoncer ne veulent pas la servir, mais la remodeler à l’image de leur temps.
Oui, l’Église proclame l’égalité des dignités et la différence des missions. Oui, elle condamne toute discrimination injuste. Mais non, elle ne cédera jamais sur la nature du sacrement ni sur la complémentarité des sexes. Ce que le monde appelle « discrimination » est souvent ce que Dieu appelle « ordre ». Et si la société moderne trouve cette fidélité « archaïque », qu’elle s’en offusque, mieux vaut être accusé d’arrogance que de trahison.
Car, contrairement à ce que croit Madame Soupa, Jésus n’a pas aboli la différence, il l’a transfigurée.
Post-scriptum :
Pour mémoire, voici les paroles exactes de saint Jean-Paul II dans sa Lettre aux femmes (§7) :
« L’homme, que ce soit dans la société ou dans l’Église, doit apprendre à reconnaître et à respecter pleinement la dignité de la femme. […] L’Église rend grâce pour toutes les femmes et pour chacune d’elles, pour les mères, les sœurs, les épouses, pour les femmes consacrées et pour les femmes engagées dans les professions. […] Dans l’histoire, la femme a souvent été sous-évaluée et méprisée, mais c’est l’Évangile qui lui a rendu sa dignité. »
On attend toujours, de la part de ses critiques, une lecture aussi humble que celle-ci est lumineuse.
*un prêtre africain


