Dans un article publié ce jour par le très orienté journal La Croix, le père Alain Thomasset, bon Jésuite s’il en est et théologien à la morale également sélective, accuse le vice-président J.D. Vance d’instrumentaliser l’ordo amoris pour justifier une politique migratoire jugée trop restrictive. L’auteur oppose à cette vision la parabole du Bon Samaritain et une lecture biaisée de Saint Thomas d’Aquin. Pourtant, cette critique semble reposer sur une incompréhension profonde du concept augustinien de l’ordre de l’amour, et sur une instrumentalisation théologique destinée à dénaturer le rôle de l’État dans la protection du bien commun.
L’ordo amoris : un principe structurant et non une négation de l’amour du prochain
Le père Thomasset tente d’opposer J.D. Vance et Saint Augustin en affirmant que l’ordo amoris ne peut justifier une politique qui met en priorité la protection des citoyens nationaux. Pourtant, l’ordo amoris n’est pas une négation de l’amour du prochain, mais une structuration logique de cet amour.
Augustin affirme clairement : « Ordo est parium dispariumque sua cuique tribuens loca dispositio », autrement dit, l’ordre est la disposition qui attribue à chacun, selon son rang, la place qui lui revient. Cette hiérarchie ne signifie pas que les étrangers ne doivent pas être aidés, mais qu’il y a un ordre légitime dans les obligations d’amour : la famille avant les étrangers, la nation avant les nations étrangères.
Cette distinction n’est pas une nouveauté. Saint Thomas d’Aquin lui-même reconnaît que « dans certains cas, on doit, par exemple, aider un étranger dans une situation d’extrême nécessité, plutôt que son propre père, si celui-ci n’est pas dans une situation aussi urgente » (ST, II-II, q.31 a.3). Mais cette exception n’infirme pas la priorité légitime de la responsabilité familiale et nationale.
En clair, J.D. Vance ne détourne pas l’ordo amoris, il l’applique à l’échelle politique. Un responsable a pour premier devoir la protection de ceux qui lui sont confiés.
Le Bon Samaritain : un prétexte mal employé
Le père Thomasset invoque la parabole du Bon Samaritain pour opposer une fraternité universelle à la responsabilité politique. Ce raisonnement est fallacieux à plusieurs titres.
Le Bon Samaritain agit en tant qu’individu, pas en tant que chef d’État. Il s’agit d’un acte de charité personnelle, et non d’une politique publique.Jésus ne remet pas en cause la légitimité des frontières ni l’existence des nations. Il enseigne simplement à ne pas détourner les yeux devant un homme blessé.La parabole ne donne aucune injonction politique : elle invite chaque chrétien à la miséricorde individuelle, mais ne prône pas l’ouverture inconditionnelle des frontières ou l’abandon du principe de subsidiarité.
Ainsi, utiliser cette parabole pour condamner la politique de J.D. Vance revient à détourner le message du Christ pour imposer une vision idéologique et irénique des rapports internationaux.
La doctrine sociale de l’Église : un argument sélectif
Le père Thomasset évoque le « préférentiel pour les pauvres », mais il oublie que la doctrine sociale de l’Église ne prône pas un sacrifice des citoyens au profit d’une ouverture illimitée. Saint Jean-Paul II, dans Centesimus Annus, rappelle que « l’immigration doit être régulée de manière prudente et équilibrée » (CA, 25).Le Catéchisme lui-même précise que les gouvernements ont « le droit d’exercer le contrôle de l’immigration en fonction du bien commun » (CEC, 2241).
Dès lors, J.D. Vance ne va pas à l’encontre de la doctrine sociale de l’Église : il défend simplement une prudence légitime, refusant de sacrifier l’ordre et la sécurité nationale sous prétexte d’un universalisme mal compris.
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Une instrumentalisation politique du Pape François ?
L’intervention du Pape François dans ce débat montre une inflexion préoccupante. Alors que l’ordo amoris, dans sa conception traditionnelle, distingue des cercles d’amour légitimes, la position du Pape semble nier cette hiérarchie naturelle.
Dire que « l’ordo amoris doit être compris à la lumière du Bon Samaritain », c’est en réalité redéfinir l’amour chrétien sous un prisme purement humanitaire, en supprimant toute distinction entre le devoir moral individuel et les impératifs de gouvernement.Cette posture idéologique réduit l’Église à une ONG militante, détachée du réel et de la mission spécifique des États. C’est précisément ce que J.D. Vance dénonce : une vision utopiste, où la charité devient un prétexte pour diluer les responsabilités politiques et nier le droit des peuples à préserver leur identité et leur sécurité.
L’article du père Thomasset repose sur une lecture biaisée de l’ordo amoris, un usage abusif de la parabole du Bon Samaritain et une instrumentalisation de la doctrine sociale de l’Église.
J.D. Vance n’invente rien : il rappelle simplement qu’un gouvernement a des obligations prioritaires envers ses citoyens. Défendre cette évidence ne signifie pas refuser l’aide aux plus démunis, mais refuser un modèle qui confond charité individuelle et irresponsabilité politique.Loin d’être une négation de l’amour du prochain, sa vision s’inscrit dans la tradition augustinienne et thomiste, où l’ordre est la clé de la justice.
Ce débat n’est pas seulement théologique, il est fondamentalement civilisationnel : voulons-nous une charité ordonnée et responsable, ou un monde où toute distinction entre nation et étranger, entre devoir moral et utopie, est abolie ?