Par Philippe Marie
De la mise en cause des évêques de Strasbourg et de Marseille, le débat ne cesse d’agiter l’Église et les fidèles. Cela agace et dérange, cela surprend et interroge, tant l’onde de choc dépasse les cercles habituels pour toucher les communautés locales et les consciences. C’est dans ce contexte que, dans une tribune publiée par Aleteia le 21 septembre 2025, le père Benoist de Sinety s’inquiète de cette médiatisation, dénonçant des « petits complots », des « rumeurs fantaisistes » et une presse qui, selon lui, mélangerait « vrais crimes et fausses affaires » au risque de brouiller les repères. L’analyse est brillante, mais elle rate une vérité essentielle : informer n’est pas inventer, et ce qui s’exprime aujourd’hui n’est pas le fruit d’un complot mais la parole de victimes, de fidèles et de paroissiens.
Les « petits complots » dénoncés par le père Benoist de Sinety trouvent leur source et sont bien souvent le fait même de certains hommes d’Église, qui trahissent au quotidien leur ministère, les fidèles et surtout le Christ. Cette recherche de reconnaissance qui flatte les égos est aussi le fait de certains prélats et prêtres, dont la principale préoccupation semble être de communiquer un discours « politiquement correct » afin de mieux servir leur image et préparer leur possible ascension dans l’Église.
À Strasbourg, il ne s’agit nullement d’accusations infondées. Il y a une souffrance réelle des prêtres, des fidèles, et de véritables témoignages. Il y a aussi de vraies accusations, déjà suivies de condamnations, et des enquêtes en cours. Parler ici de rumeurs ou de simples « bavardages » revient à nier la gravité des faits et la douleur de ceux qui en sont directement affectés.
À Marseille, la situation est différente mais tout aussi sérieuse. L’indignation exprimée par le collectif des fidèles marseillais porte sur l’avenir de leur diocèse. Ils ne comprennent pas pourquoi leur Église locale semble disparaître et, à ce jour, ils n’ont pas été reçus malgré leur demande pressante de l’être. Leur parole ne peut pas être réduite à un bruit médiatique. Elle traduit une incompréhension profonde et une inquiétude légitime pour la vie de leur communauté. Par ailleurs, concernant la gestion des abus dans ce diocèse, la recontextualisation d’affaires passées est indispensable pour comprendre le poids des nouvelles révélations, notamment celles qui touchent le père Hours.
Lire aussi
Ces situations, à Strasbourg comme à Marseille, montrent que l’on ne parle pas ici de rumeurs fabriquées par des médias avides de reconnaissance. Ce sont des faits, des souffrances, des colères, des appels à la vérité. Ce qui dérange, c’est qu’ils obligent l’institution à sortir de ses certitudes.En définitive, la presse n’a pas pour rôle de protéger ni de condamner, mais de rendre compte. Dans ces affaires, elle n’a rien inventé : elle a donné la parole. Ce n’est pas une « petite magouille », c’est une exigence démocratique et évangélique. Refuser de l’entendre, c’est ajouter à la blessure des victimes le poids du déni.
D’ailleurs, bien souvent, les demandes d’interview adressées aux évêques restent sans réponse. Ce silence renforce l’impression d’une Église qui choisit de ne parler que dans des médias jugés « sûrs » ou complaisants, ce qui est peut-être aussi une erreur de stratégie. Car se retrancher derrière des canaux contrôlés, c’est donner le sentiment d’une communication verrouillée, là où les fidèles et l’opinion attendent transparence, courage et dialogue.
Ce mépris affiché, c’est lui qui répand le brouillard et attise la colère. Croire que l’on peut écarter d’un revers de main des témoignages dérangeants, en les rangeant parmi « ces articles que je ne saurais voir », n’est certainement pas la solution
Et si les articles de certains médias catholiques paraissent plus « respectables » par leur style rédactionnel caressant et leur complicité idéologique avec une partie de l’Église, il n’en demeure pas moins que cette connivence n’est pas propice à un éclairage de la vérité ni à la mise en lumière des zones d’ombre. La violence de certains articles n’a rien à envier à la malhonnêteté de la complaisance d’autres, qui se réclament d’un journalisme « plus professionnel » mais se révèlent souvent bien moins animés par la volonté d’informer que par celle d’instruire idéologiquement.