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RÉVÉLATION EXCLUSIVE : les prêtres du diocèse de Strasbourg demandent une visite apostolique

Le Seigneur au jardin de Gethsémani -  DR
Le Seigneur au jardin de Gethsémani - DR
A travers ce texte précis et factuel , qui nous a été adressé, les prêtres du diocèse expriment toute leur souffrance au sujet d' une situation qui ne peut plus durer. Ils demandent officiellement une visite apostolique dans leur diocèse

Nous avons déjà évoqué la situation préoccupante du diocèse de Strasbourg et au cours de ces derniers jours, nous avons été contactés par plusieurs prêtres qui expriment leur indignation et leur volonté de témoigner. Ensemble, ils veulent dénoncer le scandale d’une situation qu’ils jugent devenue intenable.

Dans un long mail qui nous a été adressé, puis lors de différentes conversations, ces prêtres nous ont exprimé la blessure et la honte qu’ils ressentent parfois de porter le col romain. Tous les témoignages vont dans le même sens : il y a un véritable sentiment de « viol de leur réputation et de leur intimité sacerdotale ».Certains, en pleurs, nous ont confié que, conscients de leur responsabilité devant les nouveaux séminaristes, ils ne cesseront plus de témoigner de cette trahison.L’arrivée en avril 2024 de Monseigneur Delannoy, remplaçant de Monseigneur Ravel, qui pouvait laisser penser à un changement de situation et de méthodes, n’a absolument rien changé aux pratiques obscures de cette « mafia » au sein du diocèse. Par faiblesse ou par complaisance, le nouvel évêque est incapable de remédier à cet écosystème nuisible.

Ce courrier collectif est donc l’expression d’un ras-le-bol et surtout le cri de prêtres qui, après des années de sacerdoce, ne veulent plus étouffer ces pratiques. Comme ils l’affirment, de même que les médias et l’Église elle-même dénoncent haut et fort les abus de la part de certains prêtres, ils réclament que ces abus de pouvoir et de combines soient dénoncés avec la même force et avec les mêmes conséquences afin d’y remédier.

Nous publions ici ce texte adressé par ces prêtres. Nous n’avons absolument rien modifié ni corrigé. La photo qui accompagne cet article a également été choisie par eux, comme l’expression de la solitude, de l’angoisse et de la souffrance qu’ils ressentent , une souffrance qui fait écho à celle du Seigneur, abandonné de tous, au Jardin de Gethsémani.

intégralité du texte

« La presse locale a évoqué vendredi 5 septembre 2025 les conséquences de la gangrène morale qui a frappé le diocèse de Strasbourg du fait de petites bandes organisées et discrètes qui se cooptent depuis des décennies, entremêlant des réseaux ayant pignon sur rue avec d’autres beaucoup moins avouables. Pouvoir, argent, sexe, sous le couvert de pavillons de la pauvreté spirituelle en Benetton et de la charité institutionnelle. Et tant pis pour ceux qui ne sont pas entrés dans leur « système » et pour lesquels ils nourrissent une aversion, curieusement jamais plus contenue en public. Décadence morale et sectarisme sous couvert de slogans d’amour inclusif du monde. Voyage en Hypocristan alsacien.

Un contexte nauséabond

Tout ceci avait été perçu dès son arrivée par l’évêque polytechnicien Mgr Ravel qui avait compris rapidement à qui il avait affaire. Ayant commis l’erreur de croire que son diocèse était un « porte-avions » dont il faudrait du temps pour changer de cap, il donna le signal, sans s’en rendre compte, à son équipe rapprochée et flagorneuse, qu’elle devrait tôt ou tard quitter ses fonctions. Le bruit de la réforme de l’administration diocésaine de fond en comble (entendez le retour en paroisse de prêtres et de laïcs rémunérés dans des bureaux de comités Théodule et mouvements en totale déconfiture) commença à faire naître quelque cauchemar. Les nominations surprises d’une petite dizaine de prêtres, auparavant en seconde ligne ou coupables de zèle pastoral peu conforme à la mode du monde, à des postes à responsabilité ou dans des lieux pastoraux convoités par les mêmes « réseaux », furent le début d’une panique et d’un ressentiment violent : « Soit eux, soit nous ».

Pire, Mgr Ravel décida en conscience le nettoyage des écuries d’Augias. Bien avant le rapport CIASE, sa préoccupation prioritaire envers les victimes des abus sexuels et le peu d’intérêt que cet ancien chanoine de Saint Augustin avait pour ceux qui menaient des doubles vies, furent son arrêt de mort ecclésiale. Les réseaux se mirent en action. Opérations officieuses de bas étage, tapages médiatiques, avec le tragicomique de voir des pétitions signées par des prêtres et laïcs qui étaient en concurrence, mais probablement rattrapés par la volonté d’être, pour une fois, fidèles à l’Evangile : « à partir de ce jour, Pilate et Caïphe devinrent amis ».

Convoqué à Rome, Mgr Ravel n’en revint pas de s’entendre dire qu’il en faisait trop, entendons « pour les victimes », selon l’enquête de La Vie de mai 2023. De même, certains prêtres qui menaient de manière délictuelle une double vie étaient en conscience terrorisés par la façon dont leur évêque traitait les affaires criminelles des abus. Au lieu de pouvoir se convertir, leur conscience se ferma à l’expression de la grâce qui les chatouillait pour leur salut éternel et le bien de l’Eglise. Vitesse supérieure : le cardinal Parolin, avec Mgr Aveline, vint ordonner sur place un nouvel évêque auxiliaire, Mgr Reithinger, ancien supérieur des MEP, dont le site internet parisien faisait la promotion de son jeune patron comme homme « selon la dynamique de la rencontre, du dialogue et de l’inclusivité », un vrai coming out tout à fait assumé par l’institution parisienne. Mgr Ravel ne savait pas que ses jours étaient désormais comptés. La férocité est le prix à payer quand certaines lignes rouges sont franchies. Mgr Parolin mettait Mgr Reithinger en piste pour contrer Mgr Ravel (DNA 17.6.2023).

Pour finir le tableau, on accusa Mgr Ravel de gouvernance autoritaire : la décision était prise de faire partir celui qui remettait en cause les acquis des trente années de pouvoir par les réseaux de complaisance. « Soit eux, soit nous ». Mais il fallait encore le coup de main de l’ancienne cour pourtant renouvelée par l’X. Et tel Brutus, une partie de son conseil se retourna contre lui : tous se plaignaient de son gouvernement et de sa méthode. Mais aucun n’eut le courage de démissionner pour montrer effectivement un dysfonctionnement réel. À croire que la mission n’était pas si difficile à supporter dans un poste avec ses avantages concordataires.

Mgr Reithinger fut chargé sub secreto de réunir la visite apostolique romaine, les plaignants furent choisis expressément par un confrère évêque lorgnant sur le poste strasbourgeois, et promis selon lui par le Nonce apostolique qui désirait le départ de Mgr Ravel pour une indélicatesse commise à son égard lors de la réception du cardinal Parolin à Strasbourg. Décidément, une diplomatie de cour de récréation.

Une succession de révélations de scandales toujours d’actualité

Dans le dénouement du départ de Mgr Ravel le 20 avril 2023, salué par une ovation par les diocésains et nombre de prêtres dans une cathédrale comble le 2 juillet 2023 (DNA 3.07.2023 et Ami hebdo 9 juillet 2023), le diocèse de Strasbourg allait être successivement aux honneurs de la presse locale à mesure que tombaient les révélations des enquêtes ouvertes par la justice française. D’aucuns voyaient dans ce long processus de révélations de scandales la justice immanente qui sanctionne ceux qui frappèrent le berger.

Certains se sont demandé si Mgr Ravel était la cause des révélations dans les journaux alsaciens. Les diverses confidences glanées depuis 18 mois dans les coulisses du diocèse donnent un faisceau d’indices contraire à la première présomption : ce sont les mêmes réseaux confédérés qui se sont par la suite dénoncés entre eux. Les anciens alliés d’hier n’ont cessé de s’accuser entre 2023 et 2025, comme si une course pour les « postes » était désormais ouverte pour récolter l’héritage du « champ du sang » acquis par « l’argent de la trahison des prêtres » souligne l’Evangile.

  • Le retrait des délégations épiscopales à l’encontre de Mgr Kratz concernant une rupture de confiance avec la parole donnée à Mgr Ravel lors d’une enquête interne, quant au suicide d’un ancien aumônier de jeunes visé par une plainte pour viol (DNA 8 et 9.1.2023 et 4.4.2023) et dont la presse relata comment l’ancienne administration protégea l’ancien prêtre défunt, l’abbé Walch.
  • Les révélations de plainte d’une ancienne fidèle à l’encontre de l’ancien archevêque Mgr Grallet (DNA du 11.1.2023) qui reconnut les faits mais fut protégé par la prescription légale ; les mentions de disparition de témoignages compromettants pour des prêtres (DNA 15.07.2023) ; la gestion d’agressions sexuelles entre étudiants au foyer étudiant franciscain (DNA 24.07.2023).
  • Le retrait conservatoire du vicaire général Hubert Schmitt, visé par une enquête d’agression sexuelle (DNA du 18.04.2023 et du 11.5.2023) et aujourd’hui protégé par la prescription légale.
  • L’enquête canonique à l’encontre du chancelier Bernard Xibaut, doyen du chapitre cathédral, pour une attitude déplacée envers un séminariste en 2006 (DNA 19.04.2023).
  • Les révélations successives sur Mgr Reithinger, objet d’une enquête canonique mandatée par le nouveau préfet du dicastère des évêques Mgr Prevost, futur pape Léon XIV (DNA 16 et 17.6.2023), quant à une non-dénonciation d’agression sexuelle et quant au réseau gay des MEP, sachant que des alertes eurent lieu avant sa nomination épiscopale auprès du Nonce apostolique de France qui n’alla pas plus loin (Slate.fr 18.6.2023).
  • Les doubles vies de prêtres (DNA 15.07.2023).

À chaque fois que la presse locale rendait compte de ces révélations judiciaires, un article pointait surtout l’archevêque en place, acculé à des protestations, à des pétitions et à la démission. C’était un dérivatif qui avait pour objectif de modérer les scandales pour stigmatiser la cause de la publicité de ceux-ci : le travail de Mgr Ravel.

En effet, si l’on prend du recul, quelle fonction épiscopale a-t-on voulu vraiment déstabiliser dans le ministère d’évêque de Mgr Ravel ? Son pouvoir législatif et de gouvernement ? Quelque peu… Son pouvoir judiciaire ? Précisément lequel ? Son pouvoir en aval ou en amont ? En aval, la capacité de juger et de trancher est confiée à l’officialité et désormais au tribunal pénal national de l’Eglise en France. C’est donc surtout son pouvoir judiciaire en amont, celui de « juge d’instruction » qui était visé. Celui d’enquêter sur les affaires de mœurs, criminelles ou délictuelles, dans l’Eglise. Faire tomber un juge d’instruction par mutation ou par meurtre est un cas bien connu en Italie concernant ces juges intègres qui luttaient contre la Mafia et qui ont été éliminés physiquement. On a déstabilisé Mgr Ravel parce qu’il faisait le travail d’évêque.

La mascarade du retour au calme

Entre-temps, l’arrivée de Mgr Pascal Delannoy le 21 avril 2024 fut reçue apparemment comme celle d’un bon pasteur et avec bienveillance par tous. Elle apporta un relatif calme assez curieux et en fait assez faux, car il est impossible à toute « société » de retrouver un climat de calme après de tels évènements encore ouverts et qui n’ont pas été clos par la justice.

Il faut dire que Mgr Kratz, peu avare en confidences dans ses rencontres avec divers prêtres du diocèse, imposait un narratif à faire croire et à répéter comme parole d’Evangile : « Si c’est Mgr Delannoy qui vient à Strasbourg, nous sommes sauvés ». Mais comme le remarquent des fidèles et des prêtres du diocèse, de quel « sauvetage » voulait parler l’évêque auxiliaire, en effet renommé dans ses fonctions initiales, sans que toute la lumière soit faite ? Le diocèse était-il sauvé ? Non. Il fallait surtout entendre : Si c’est Mgr Delannoy, la petite bande est sauvée et gardera ses missions et son pouvoir, les petits arrangements entre amis pourront continuer de plus belle, tonnent des fidèles de paroisses du diocèse.

D’autant que des propos ultérieurs au printemps 2025, peu prudents de l’auxiliaire auprès de confrères, se sont répandus partout, ulcérant par effet de ricochet de nombreux prêtres du diocèse, vent debout. Désormais, c’est la victime de l’ancien aumônier du collège épiscopal qui est coupable de son attitude d’avoir fait l’objet du harcèlement de son agresseur. Les victimes au sens large des abus sexuels dans le diocèse de Strasbourg apprécieront le double langage d’une hiérarchie totalement dépassée et inconsciente de son aveuglement.

Entre-temps, le 1er juin 2024, Mgr Delannoy est rattrapé dans son gouvernement par une nouvelle affaire visant à nouveau le chancelier Bernard Xibaut qui se voit enfin suspendu. Encore de nouveaux gestes déplacés, avec cette fois des étudiants grands clercs de la cathédrale de Strasbourg. Le tribunal pénal canonique national étant saisi sur leurs plaintes, on décide cette fois de faire profil bas. Un laïc est nommé vice-official, le temps que le tribunal se prononce de manière indépendante, dans deux à trois ans, puisque les affaires sont telles qu’elles ne peuvent aboutir avec rapidité.

L’idée de la « bande des amis » était de réintégrer à son poste le chancelier, et lui-même le croyait, comme par miracle d’une décision judiciaire vague à la langue de buis. On ne pouvait pas laisser tomber celui qui excita la révolte contre Mgr Ravel sur les plateaux de BFM Alsace pendant tout le printemps 2023. Mais l’affaire de l’abbé Spina de cet été 2025 est arrivée comme un coup de tonnerre à Strasbourg. L’archevêque de Toulouse fut déstabilisé par des diocésains vent debout contre son désir miséricordieux de nommer ce prêtre à la chancellerie du diocèse. Le poste de Strasbourg ne reviendra plus au chanoine Xibaut : déjà on consulte en catimini quelque prêtre peu désireux d’une telle succession.

Entre-temps, toute l’ancienne équipe épiscopale a été renouvelée, sauf un prêtre jugé conservateur (nommé par Mgr Ravel comme vicaire épiscopal) qui a été prié de prendre une année au large de l’Atlantique. Quelques entrées dans l’équipe du pouvoir pour rassurer et récompenser les amis des réseaux d’influence. Tout semble rentrer dans l’ordre, non plus dans la belle Alsace, mais dans l’Hypocristan alsacien.

Un système qui s’est refermé sur lui-même, se cooptant par copinage et par attrait « du même », sans plus aucune idée de la justice, de l’honneur, du bien et du vrai, sourd au discernement des laïcs diocésains, peu naïfs de cette mascarade, et qui se détournent des quêtes diocésaines pour favoriser leur communauté légitime de foi, et surtout aveugles aux dégâts occasionnés vis-à-vis des âmes de leurs confrères prêtres et de leur réputation volée sinon violée.

Ne pas reconnaître cela en conscience, c’est franchir la ligne rouge pourtant établie par le Christ : le péché contre l’esprit, le péché contre la raison… pour des hommes déguisés parfois en prêtres, parfois en civil, et qui prouvent objectivement qu’ils n’ont plus la foi.Devant un tel constat, nous appelons avec force à une nouvelle visite apostolique, dans l’espérance que cette fois la vérité sera pleinement reconnue et que ce tourbillon du mal cesse définitivement. »

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