Jean de Damas, Docteur de l’Église (+ 749)
Figure lumineuse de l’Orient chrétien, saint Jean Damascène demeure l’un des témoins majeurs de la foi, de la théologie et de la culture byzantine. Sa vie, traversée par les bouleversements politiques du Proche-Orient du VIIIᵉ siècle, évoque à la fois l’enracinement profond du christianisme en terre syrienne et la fidélité courageuse à la doctrine de l’Église au cœur des crises les plus graves.Né à Damas vers 675 sous le nom de Jean Mansour, dans une famille arabe chrétienne chargée depuis plusieurs générations de la collecte des impôts, il est l’héritier d’une culture gréco-syrienne alors florissante. Comme son père et son grand-père avant lui, il sert successivement les administrations perse, byzantine puis arabe. Pendant des années, il supervise la perception des impôts dus par les chrétiens à l’émir de Damas. Vers 720, le nouveau calife entreprend d’islamiser son administration et en chasse les fonctionnaires chrétiens. Jean, âgé d’environ 45 ans, se retrouve alors débarrassé de toute obligation politique. Cette liberté nouvelle devient un tournant.
Il quitte Damas pour la Palestine et entre au monastère de Mar Saba, entre Jérusalem et Bethléem, l’un des hauts lieux du monachisme oriental. Devenu prêtre, il prend le nom de Jean et partage sa vie entre la prédication à Jérusalem — où le patriarche l’a choisi comme conseiller théologique — et l’étude dans son monastère. De ce double service naîtront des œuvres décisives.Son ouvrage majeur, La Source de la connaissance, constitue une synthèse remarquable de toute la théologie byzantine. Il y rassemble les acquis de la tradition patristique grecque, une compréhension limpide de la foi, et une organisation doctrinale qui marquera durablement l’Orient chrétien.
Mais Jean Damascène entre surtout dans l’histoire pour avoir été l’un des plus ardents défenseurs des saintes images lors de la première crise iconoclaste. Lorsque l’empereur Léon l’Isaurien cherche à interdire les icônes, Jean — pourtant hors de l’Empire byzantin, protégé en territoire musulman — rédige ses fameux trois discours contre les iconoclastes. Ses arguments, profondément enracinés dans le mystère de l’Incarnation, deviendront une référence pour les siècles suivants.À l’audience générale du 6 mai 2009, le pape Benoît XVI rappelait l’importance de son témoignage : « Il fut avant tout témoin de l’effondrement de la culture chrétienne gréco-syrienne devant la nouveauté musulmane… Né dans une riche famille chrétienne, il devint jeune responsable des finances du califat. Vite insatisfait de la vie de cour, il choisit la voie du monachisme… Il se consacra totalement à l’ascèse et à l’étude. » Le pape soulignait aussi la clarté de sa distinction entre adoration , due à Dieu seul, et vénération rendue aux saints et aux icônes, distinction décisive pour répondre aux accusations d’idolâtrie.
Jean Damascène affirme avec force :
« Ce n’est pas la matière que j’adore, mais le Créateur de la matière qui, à cause de moi, s’est fait matière… Cette matière, je l’honore comme prégnante de l’énergie et de la grâce de Dieu. »
Ces lignes, tirées de son Discours sur les images, demeurent l’un des textes fondateurs de la théologie de l’icône.
Outre son œuvre dogmatique, saint Jean Damascène fut l’un des plus grands hymnographes de la tradition byzantine. On lui doit le canon pascal chanté à Pâques, de nombreux tropaires, ainsi qu’une grande partie des hymnes de l’Octoèque. Il meurt vers 749 dans la laure de Saint-Sabas, où il avait choisi de vivre humblement jusqu’à la fin.
Reconnaissant l’autorité lumineuse de sa doctrine, le pape Léon XIII le proclame docteur de l’Église en 1890.
Sa leçon, toujours actuelle, réside dans son regard chrétien sur la création. Benoît XVI résumait ainsi son enseignement : saint Jean Damascène « voit le bon, le beau et le véritable dans la création, blessés par le péché mais renouvelés par l’incarnation du Fils ». Cette vision, loin d’être naïve, saisit la profondeur du dessein divin, qui assume la matière et la transfigure.Par sa vie, ses écrits et son courage théologique, saint Jean Damascène demeure une sentinelle de la tradition et un pont lumineux entre l’Orient et l’Occident chrétiens.
Avec Nominis


