Dans un climat d’écoute fraternelle, le successeur de Pierre a tenu à poser les bases d’un nouveau chemin commun : « Je vous demande un élan renouvelé dans la fraternité presbytérale, enracinée dans une vie spirituelle solide, dans la rencontre avec le Seigneur et l’écoute de sa Parole. »Le ton du discours est direct, pastoral, mais ferme. Dès les premières minutes, le Saint-Père exprime sa gratitude pour le ministère des prêtres, souvent discret, parfois éprouvé par l’incompréhension ou l’isolement. Il rappelle que « chacun est précieux aux yeux de Dieu » et que la mission du diocèse de Rome, diocèse du pape, exige l’unité et la charité vécues au quotidien.
Léon XIV n’ignore pas les défis contemporains. Il souligne la tentation de l’isolement dans une culture marquée par l’individualisme : « Aucun de nous n’est à l’abri de ces pièges, qui fragilisent notre vie spirituelle et la force de notre ministère. » Il évoque aussi des obstacles plus intimes : la fatigue, le manque d’écoute, les blessures personnelles ou ecclésiales. C’est dans ce contexte qu’il lance un appel clair : renouer avec la fraternité sacerdotale, non pas par simple volonté humaine, mais en s’enracinant dans la prière, l’amitié évangélique et l’estime mutuelle. « Marcher ensemble est toujours une garantie de fidélité à l’Évangile », insiste-t-il.
Lire aussi
Au cœur de son intervention, Léon XIV insiste sur l’exemplarité. Il cite saint Paul : « Vous savez comment je me suis comporté » (Ac 20,18), pour rappeler l’exigence d’une vie transparente. « Engageons-nous tous à être des prêtres crédibles et exemplaires ! » lance-t-il, appelant chacun à retrouver l’amour des premiers jours de leur vocation. Le pape alerte contre les séductions d’une vie mondaine qui affaiblit l’identité du prêtre. Il invite à ne jamais renoncer à la sainteté, à continuer à « faire des choix forts et des renoncements courageux », convaincu que c’est dans cette fidélité que le témoignage sacerdotal devient lumineux.Dans la dernière partie de son discours, le Saint-Père élargit son propos aux souffrances de notre temps : violences, pauvreté, solitude, exclusion. Il rappelle que ces maux ne sont pas lointains, mais présents dans les rues de Rome même. Il invite à ne pas fuir, mais à répondre par une « lecture évangélique des défis » et par un engagement concret. Évoquant les figures de don Lorenzo Milani, don Primo Mazzolari ou don Luigi Di Liegro, Léon XIV rappelle que l’exemplarité sacerdotale ne se limite pas au domaine moral : elle est aussi prophétique, audacieuse, enracinée dans l’amour du Christ et des pauvres.
Le pape a terminé son intervention en confiant aux prêtres une exhortation de saint Augustin : « Aimez cette Église, restez dans cette Église, soyez cette Église. » Une invitation à la fidélité, à la mission, à la joie d’une vie donnée. Et un appel à ce que Rome, Église-mère dans la foi, soit aussi un modèle de communion et de sainteté pour le monde entier.
Intégralité de l’intervention du Pape Léon XIV : audience au clergé du diocèse de Rome
12 juin 2025
(traduction TC)
« Je veux demander un chaleureux applaudissement pour vous tous qui êtes ici, et pour tous les prêtres et les diacres de Rome !
Chers prêtres et diacres qui exercez votre service dans le diocèse de Rome, chers séminaristes, je vous salue tous avec affection et amitié !
Je remercie Son Éminence le Cardinal Vicaire pour ses paroles d’accueil et pour la présentation qu’il a faite, évoquant un peu votre présence dans cette ville.
J’ai désiré vous rencontrer pour vous connaître de près et pour commencer à marcher avec vous. Je vous remercie pour vos vies offertes au service du Royaume, pour vos efforts quotidiens, pour votre grande générosité dans l’exercice du ministère, pour tout ce que vous vivez dans le silence et qui, parfois, est accompagné de souffrance ou d’incompréhension. Vous remplissez des services différents, mais vous êtes tous précieux aux yeux de Dieu et dans la réalisation de son dessein.
Le diocèse de Rome préside dans la charité et dans la communion, et il peut accomplir cette mission grâce à chacun de vous, dans le lien de grâce avec l’Évêque et dans une féconde coresponsabilité avec tout le peuple de Dieu. Le nôtre est un diocèse vraiment particulier, car de nombreux prêtres viennent de différentes parties du monde, notamment pour des raisons d’études ; cela implique que la vie pastorale – je pense surtout aux paroisses – soit marquée par cette universalité et par l’accueil réciproque qu’elle implique.
C’est justement à partir de ce regard universel que Rome offre que je voudrais vous partager cordialement quelques réflexions.
La première note, qui me tient particulièrement à cœur, est celle de l’unité et de la communion. Dans la prière dite « sacerdotale », comme nous le savons, Jésus a demandé au Père que les siens soient un (cf. Jn 17,20-23). Le Seigneur sait bien que ce n’est qu’unis à Lui et unis entre nous que nous pouvons porter du fruit et donner au monde un témoignage crédible. La communion presbytérale ici à Rome est favorisée par le fait que, selon une ancienne tradition, on a l’habitude de vivre ensemble, dans les presbytères comme dans les collèges ou d’autres résidences. Le prêtre est appelé à être un homme de communion, parce qu’il la vit le premier et la nourrit continuellement. Nous savons que cette communion est aujourd’hui entravée par un climat culturel qui favorise l’isolement ou l’autoréférence. Aucun de nous n’est exempt de ces pièges qui menacent la solidité de notre vie spirituelle et la force de notre ministère.
Mais nous devons être vigilants, car, en plus du contexte culturel, la communion et la fraternité entre nous rencontrent également des obstacles, disons “internes”, qui concernent la vie ecclésiale du diocèse, les relations interpersonnelles, et aussi ce qui habite le cœur, notamment ce sentiment de lassitude qui survient parce que nous avons traversé des épreuves particulières, parce que nous ne nous sommes pas sentis compris ni écoutés, ou pour d’autres raisons. Je voudrais vous aider, marcher avec vous, pour que chacun retrouve la sérénité dans son ministère ; mais c’est justement pour cela que je vous demande un élan dans la fraternité presbytérale, qui puise ses racines dans une vie spirituelle solide, dans la rencontre avec le Seigneur et dans l’écoute de sa Parole. Nourris de cette sève, nous parvenons à vivre des relations d’amitié, à rivaliser d’estime les uns pour les autres (cf. Rm 12,10) ; nous ressentons le besoin de l’autre pour grandir et pour nourrir cette même tension ecclésiale.
La communion doit aussi se traduire dans l’engagement au sein de ce diocèse ; avec des charismes différents, avec des parcours de formation différents et aussi avec des services différents, mais tous doivent s’efforcer de le soutenir. Je demande à tous de porter attention au chemin pastoral de cette Église qui est locale, mais qui, en raison de celui qui la guide, est aussi universelle. Marcher ensemble est toujours une garantie de fidélité à l’Évangile ; ensemble et en harmonie, en cherchant à enrichir l’Église de son propre charisme tout en gardant à cœur l’unité du corps dont le Christ est la tête.
La deuxième note que je souhaite vous confier est celle de l’exemplarité. À l’occasion des ordinations sacerdotales du 31 mai dernier, dans l’homélie, j’ai souligné l’importance de la transparence de la vie, à partir des paroles de saint Paul qui disait aux anciens d’Éphèse : « Vous savez comment je me suis comporté » (Ac 20,18). Je vous le demande avec un cœur de père et de pasteur : engageons-nous tous à être des prêtres crédibles et exemplaires ! Nous sommes conscients des limites de notre nature, et le Seigneur nous connaît en profondeur ; mais nous avons reçu une grâce extraordinaire, il nous a été confié un trésor précieux dont nous sommes les ministres, les serviteurs. Et il est demandé au serviteur d’être fidèle.
Aucun de nous n’est exempt des séductions du monde, et la ville, avec ses mille propositions, peut aussi nous éloigner du désir d’une vie sainte, en nous poussant vers un nivellement par le bas où se perdent les valeurs profondes de l’être prêtre. Laissez-vous encore attirer par l’appel du Maître, pour ressentir et vivre l’amour du premier jour, celui qui vous a poussés à faire des choix forts et des renoncements courageux. Si nous essayons ensemble d’être exemplaires dans une vie humble, alors nous pourrons exprimer la force renouvelante de l’Évangile pour chaque homme et chaque femme.
Une dernière note que je souhaite vous confier est celle du regard porté sur les défis de notre temps dans une clé prophétique. Nous sommes préoccupés et affligés par tout ce qui se passe chaque jour dans le monde : nous sommes blessés par les violences qui provoquent la mort, nous sommes interpellés par les inégalités, les pauvretés, tant de formes de marginalisation sociale, la souffrance diffuse qui prend les traits d’un mal-être qui n’épargne désormais plus personne. Et ces réalités ne se produisent pas seulement ailleurs, loin de nous, mais concernent aussi notre ville de Rome, marquée par de multiples formes de pauvreté et par de graves urgences comme celle du logement. Une ville où, comme le faisait remarquer le pape François, à la “grande beauté” et au charme de l’art doit correspondre aussi « la simple décence et la fonctionnalité ordinaire dans les lieux et situations de la vie quotidienne. Car une ville plus vivable pour ses citoyens est aussi plus accueillante pour tous » (Homélie des vêpres avec Te Deum, 31 décembre 2023).
Le Seigneur a voulu précisément que nous soyons là, en ce temps rempli de défis qui, parfois, nous semblent plus grands que nos forces. Ces défis, nous sommes appelés à les embrasser, à les interpréter évangéliquement, à les vivre comme des occasions de témoignage. Ne les fuyons pas ! L’engagement pastoral, comme celui de l’étude, doit devenir pour tous une école pour apprendre à construire le Royaume de Dieu dans l’aujourd’hui d’une histoire complexe et stimulante. Ces dernières années, nous avons eu l’exemple de saints prêtres qui ont su conjuguer passion pour l’histoire et annonce de l’Évangile, comme don Primo Mazzolari et don Lorenzo Milani, prophètes de paix et de justice. Et ici à Rome, nous avons eu don Luigi Di Liegro qui, face à tant de pauvretés, a donné sa vie pour chercher des voies de justice et de promotion humaine. Puisons dans la force de ces exemples pour continuer à semer des graines de sainteté dans notre ville.
Chers amis, je vous assure de ma proximité, de mon affection et de ma disponibilité pour marcher avec vous. Confions au Seigneur notre vie sacerdotale et demandons-lui de croître dans l’unité, l’exemplarité et l’engagement prophétique pour servir notre temps. Que nous accompagne l’appel poignant de saint Augustin qui disait :
« Aimez cette Église, restez dans cette Église, soyez cette Église. Aimez le bon Pasteur, l’Époux magnifique, qui ne trompe personne et ne veut que personne ne périsse. Priez aussi pour les brebis égarées : qu’elles reviennent elles aussi, qu’elles reconnaissent, qu’elles aiment, afin qu’il y ait un seul troupeau et un seul pasteur » (Sermon 138,10).
Merci ! »
Source Vatican