L’ancien évêque allemand Reinhold Nann, 65 ans, autrefois prélat de Caravelí au Pérou, a provoqué la stupeur du monde catholique après avoir révélé s’être marié civilement avant d’avoir reçu la dispense officielle du Vatican. Sur son blog personnel, il affirme avoir démissionné de ses fonctions épiscopales et sacerdotales plusieurs mois avant son mariage, tout en reconnaissant que sa laïcisation n’a pas encore été approuvée par Rome.Cette décision, prise sans attendre la réponse du Saint-Siège, choque de nombreux fidèles et observateurs de l’Église, d’autant plus qu’elle s’accompagne désormais d’une remise en cause publique du célibat sacerdotal, que Nann qualifie de « règle humaine » et non d’« exigence évangélique ».
Né dans l’archidiocèse de Fribourg-en-Brisgau, ancien missionnaire en Amérique latine et proche du cardinal Carlos Castillo Mattasoglio, archevêque progressiste de Lima, Reinhold Nann fut nommé évêque de Caravelí en 2017 par le pape François. Il fut longtemps considéré comme un évêque pastoral, attentif aux pauvres, président de Caritas Pérou et responsable national de la catéchèse familiale.Mais le 1er juillet 2024, son retrait soudain de la vie épiscopale étonna jusqu’à ses proches collaborateurs. Officiellement, le Vatican acceptait sa démission pour raisons de santé : stress, hypertension, épuisement. En réalité, son départ cachait une relation sentimentale qu’il décide aujourd’hui d’assumer publiquement.
Dans un message publié sur son blog, l’ancien évêque reconnaît avoir quitté son ministère « par amour pour une femme », estimant qu’il ne pouvait plus vivre son engagement sacerdotal « dans la vérité ». « J’ai vécu le célibat pendant des années, mais à la fin cela n’a plus fonctionné », écrit-il.
Dans ses récentes déclarations, rapportées par l’agence KNA, Reinhold Nann soutient que le célibat sacerdotal, bien qu’il soit une « voie précieuse pour se consacrer à Dieu », ne constitue pas un commandement du Christ, mais une discipline instaurée par un pape du XIIe siècle. Selon lui, cette règle « peut changer » et devrait être adaptée aux réalités contemporaines : « Il est difficilement applicable pour les prêtres diocésains. Le célibat n’est pas un dogme. »Il ajoute : « J’ai attendu un an la réponse de Rome et j’attends toujours. Je n’ai rien fait contre le Saint-Siège, mais je ne pouvais pas retarder indéfiniment ma vie. »
Ces propos s’inscrivent dans une série d’interventions où Nann critique la solitude des prêtres et l’hypocrisie qu’engendrerait, selon lui, le maintien du célibat obligatoire. Il estime que l’Église risque de perdre bientôt une grande partie de son personnel, faute de vocations et à cause de ce qu’il considère comme une règle dépassée.
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Mais pour de nombreux observateurs, y compris en Allemagne et au Pérou, le ton adopté par Nann trahit une volonté de justifier son geste en attaquant la tradition de l’Église. Le journaliste Giuseppe Nardi, dans Katholisches.info, parle d’un « renversement de responsabilité » où l’ancien évêque « transforme son infidélité en système et sa faiblesse personnelle en accusation contre la doctrine ». « Nann se présente en martyr de l’amour » écrit Nardi, « alors qu’il fut librement ordonné prêtre, puis évêque. Personne ne l’a forcé à prononcer son Adsum. Le Christ a vécu dans le célibat : celui qui le suit accepte librement de renoncer à tout.«
Selon plusieurs prêtres péruviens cités par la presse locale, son départ laisse un vide dans la communauté de Caravelí, où il était respecté pour son action sociale, mais où sa chute est vécue comme un abandon spirituel.Le cas Nann illustre les tensions croissantes autour du célibat sacerdotal dans certains milieux ecclésiaux allemands et latino-américains. Depuis plusieurs années, des voix réclament un assouplissement de la règle pour les prêtres diocésains, tandis que Rome réaffirme la valeur théologique du célibat comme signe d’union totale au Christ et à l’Église.
Dans un discours prononcé le 24 mars 2010 Benoît XVI rappelait : « Le célibat n’est pas une contrainte, mais un don. Il ne nie pas l’amour humain, il le transfigure. Là où le monde dit “manque”, le Christ montre la plénitude du don de soi. »
Ces paroles prennent aujourd’hui un relief particulier face à la désinvolture de l’ancien évêque allemand. Car, comme le rappellent les canonistes, tant que le Saint-Siège n’a pas formellement prononcé sa réduction à l’état laïc, Reinhold Nann demeure évêque et prêtre, lié par le vœu de continence et par les obligations de son ordination.Au-delà du scandale personnel, la cause Nann interroge sur la manière dont certains clercs perçoivent leur engagement : vocation ou simple fonction. Dans une Église confrontée à la sécularisation et à la fatigue spirituelle, le geste de l’ancien évêque de Caravelí résonne comme un avertissement : celui d’un monde où l’obéissance, la fidélité et le sacrifice ne sont plus compris.
Le cas de Reinhold Nann dépasse la simple histoire d’un évêque tombé amoureux. Il incarne la lutte spirituelle entre la fidélité à une promesse sacrée et la logique du monde. Et comme l’écrivait déjà saint Jean-Paul II : « Le prêtre est un homme crucifié entre deux amours : celui de Dieu et celui des hommes. Il ne peut être fidèle aux deux qu’en restant cloué sur la croix. »


