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Un chant médiéval déformé par une erreur de moine copiste retrouve son sens chrétien

Les chercheurs James Wade  et Seb Falk - DR CNN
Les chercheurs James Wade et Seb Falk - DR CNN
Ce fragment révèle finalement un message moral profondément enraciné dans la pensée chrétienne médiévale

Pendant des siècles, un mystérieux poème épique connu sous le nom de Song of Wade est resté obscur, son contenu étant déformé par une erreur de moine copiste. Ce texte, pourtant célèbre au Moyen Âge anglais, était réduit à un court passage cité dans un sermon en latin du XIIIe siècle. Dans cet extrait en moyen anglais, on lisait que « certains sont des elfes et d’autres des esprits », ce qui avait conduit les chercheurs à penser que le récit mettait en scène des créatures surnaturelles, à l’image de Beowulf.

Mais selon une étude publiée le 15 juillet 2025 dans la revue The Review of English Studies, les chercheurs James Wade (professeur de littérature anglaise à Girton College, Cambridge) et Seb Falk (historien des sciences à la même université) ont démontré que cette lecture était erronée. Le mot lu comme « elves » proviendrait d’un simple glissement de plume, le « w » ayant été mal transcrit en « y ». Il s’agirait donc non pas d’« elfes », mais de « loups », figure classique dans la symbolique chrétienne pour désigner les hommes cruels et menaçants. De même, le mot traduit comme « sprites » désignerait en réalité des « serpents de mer ». Wade devient alors non pas un tueur de monstres surnaturels, mais un chevalier affrontant des périls bien humains, dans la tradition des romans courtois et édifiants du Moyen Âge.

Cette réinterprétation éclaire le sens du sermon dans lequel ce fragment est cité. Le prédicateur, appelant à l’humilité, mettait en garde contre les tyrans, les loups déguisés en hommes, et les serpents venimeux vivant près de l’eau. Le passage redevient alors un avertissement moral dans un cadre chrétien, et non une simple allusion à des figures païennes.

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Comme l’a rapporté CNN dans un article publié le 18 juillet dernier, cette découverte replace The Song of Wade non pas dans l’univers de la magie et des contes obscurs, mais dans celui de la chevalerie chrétienne, proche de la figure de Gauvain ou de Lancelot.Cette redécouverte illustre aussi le rôle essentiel de l’Église dans la transmission du savoir et de la culture populaire. À travers ce sermon, un prédicateur du XIIIe siècle faisait appel à une œuvre connue de tous, pour mieux en révéler la portée spirituelle. Loin d’opposer foi et littérature, ce document témoigne d’un dialogue fécond entre le message de l’Évangile et les récits de l’imaginaire collectif.

Cette vérité, inscrite au cœur de la tradition chrétienne, éclaire avec force la vocation profonde des sermons médiévaux : rappeler à chacun, à travers les récits du temps, les exigences de la vie chrétienne.

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