Depuis 2000 ans

Un évêque anglais critique la réduction de l’aide au développement pour financer la guerre en Ukraine

Monseigneur Stephen Wright - DR
Monseigneur Stephen Wright - DR
« Les coupes dans l’aide coûtent des vies », a-t-il affirmé, rappelant que cette décision risque d’aggraver la situation des plus pauvres, déjà éprouvés par les conflits et les crises climatiques.

Alors que le président ukrainien Volodymyr Zelensky, après un échange tendu avec Donald Trump à la Maison-Blanche, cherche un soutien accru du côté des Européens, le Premier ministre britannique Sir Keir Starmer annonce une baisse historique de l’aide au développement. Monseigneur Stephen Wright, évêque de Hexham et Newcastle, dénonce une décision qui prive les plus pauvres d’un soutien vital.

Après avoir été sèchement rappelé à l’ordre par Donald Trump, qui l’a accusé de « jouer avec la Troisième Guerre mondiale » en refusant toute négociation avec la Russie, Volodymyr Zelensky a tourné son regard vers l’Europe pour assurer le soutien militaire de son pays. En réponse, Sir Keir Starmer a annoncé une augmentation du budget de la défense britannique à hauteur de 13,4 milliards de livres par an, tandis que l’aide internationale sera drastiquement réduite de 15 milliards de livres d’ici 2027.

Cette réorientation stratégique suscite de vives réactions au sein de l’Église catholique. Monseigneur Stephen Wright, évêque de Hexham et Newcastle et président de CAFOD, l’agence catholique pour le développement international des évêques d’Angleterre et du Pays de Galles, a condamné ces coupes budgétaires, soulignant leur impact désastreux sur les populations vulnérables.

« Les coupes dans l’aide coûtent des vies », a-t-il affirmé, rappelant que cette décision risque d’aggraver la situation des plus pauvres, déjà éprouvés par les conflits et les crises climatiques.

Un choix aux conséquences humaines désastreuses

Le gouvernement britannique a officialisé la réduction du budget de l’Aide Publique au Développement (APD), le faisant passer de 0,5 % du revenu national brut à 0,3 % d’ici 2027 – son niveau le plus bas depuis 1999. Cette baisse survient alors que la guerre en Ukraine entre dans une phase critique, avec une intensification des pressions militaires et diplomatiques.

Pour Monseigneur Wright, ces choix budgétaires ont des conséquences bien au-delà des considérations politiques. « Avec tant de personnes souffrant des effets de la pauvreté, du changement climatique et des conflits – notamment en Ukraine, au Soudan et en République démocratique du Congo – réduire l’aide internationale, c’est priver nos frères et sœurs les plus pauvres d’un soutien vital », a-t-il insisté.

Il souligne que ces coupes impacteront directement des millions de personnes : « Des familles ne pourront plus cultiver leur nourriture à cause de la crise climatique, des enfants seront privés d’école, des personnes ne recevront pas de soins pour des maladies pourtant curables. »

Lire aussi

Un paradoxe en pleine Année jubilaire

L’annonce du gouvernement intervient dans un contexte particulier pour l’Église catholique, qui célèbre cette année un Jubilé, synonyme de renouveau et de justice sociale. Mgr Wright regrette que ce moment soit marqué par un choix politique en contradiction avec l’esprit jubilaire. « Cette année est une Année jubilaire pour l’Église – un temps d’espérance, de cheminement ensemble et de correction des injustices, pas un moment pour tourner le dos aux plus démunis. »

L’évêque appelle les catholiques britanniques à réagir et à interpeller leurs représentants politiques : « Le gouvernement ne devrait pas équilibrer ses comptes aux dépens des communautés les plus pauvres du monde. Faites entendre votre voix auprès de vos députés pour leur dire que vous vous opposez à ces coupes. C’est plus que jamais un devoir moral pour le Royaume-Uni de soutenir les plus vulnérables. »

Un soutien militaire renforcé malgré les critiques

Malgré les réserves exprimées par des figures ecclésiastiques et humanitaires, Sir Keir Starmer a justifié ces coupes budgétaires en mettant en avant la nécessité de renforcer la posture sécuritaire du Royaume-Uni. « Ce n’est pas une annonce que je fais avec plaisir », a-t-il assuré devant le Parlement, tout en affirmant que le Royaume-Uni continuerait d’apporter une aide humanitaire dans les zones de conflit, notamment en Ukraine, à Gaza et au Soudan.

Cette politique a provoqué des remous au sein du gouvernement. Anneliese Dodds, ministre du Développement international, a démissionné, affirmant que ces réductions budgétaires rendaient « impossibles » le maintien des projets humanitaires dans les zones de crise et risquaient de « renforcer l’influence de la Russie et de la Chine sur l’ordre international ».

Une stratégie qui divise

Peu après ces annonces, Sir Keir a conclu un accord de 1,6 milliard de livres sterling pour fournir des missiles anti-aériens avancés à l’Ukraine. Cette décision est intervenue alors que la relation entre Volodymyr Zelensky et Donald Trump s’est considérablement détériorée, conduisant le président ukrainien à rechercher un soutien accru auprès des alliés européens.

Lors d’un sommet d’urgence à Londres, Sir Keir Starmer a tenté de rassembler une « coalition de volontaires » pour poursuivre l’aide militaire à l’Ukraine, déclarant : « Le Royaume-Uni est prêt à soutenir cet effort avec des troupes au sol et des avions en vol. »

Une décision aux répercussions morales et politiques

Le choix de réduire l’aide internationale tout en augmentant le budget militaire ne cesse de diviser l’opinion. Christine Allen, directrice de CAFOD, a dénoncé une décision « qui condamne de nombreuses personnes à la misère et à la mort ».Elle regrette également que cette politique intervienne après la suspension des financements de l’USAID, privant encore davantage les populations en détresse de soutien international. « Le Royaume-Uni doit choisir : soutenir ceux qui en ont besoin ou leur tourner le dos. Ce choix reflète ce que nous voulons être en tant que société. »

Alors que le débat fait rage, l’opposition de l’Église catholique britannique à cette décision souligne un dilemme plus large : jusqu’où un État doit-il aller pour soutenir un allié en guerre, au détriment de l’aide humanitaire internationale ? En tranchant en faveur du renforcement militaire, Sir Keir Starmer s’expose non seulement à la critique des milieux humanitaires, mais aussi à un questionnement éthique profond.

Recevez chaque jour notre newsletter !