Au cœur de l’Île Verte, l’un des quartiers les plus chers et les plus prisés de Grenoble, l’église Saint-Luc a fermé définitivement le 24 novembre. Malgré l’opposition constante de l’Association des habitants de l’Île Verte, créée en 1926 et indépendante de tout parti ou organisme, le diocèse maintient la vente Beaucoup y voient une opération immobilière déguiséeLa fermeture de l’église Saint-Luc, au cœur du quartier grenoblois de l’Île Verte, met fin à plus de six ans d’un bras de fer entre les habitants et le diocèse. Unique en France, cette église construite en 1967 sous un immeuble de six étages, mélangeant lieu de culte et bâtiment résidentiel, a définitivement cessé d’accueillir les fidèles le 24 novembre 2025. Elle doit être mise en vente dans les prochaines semaines, au grand regret de nombreux habitants.
Depuis 2019, la contestation a été portée de manière structurée par l’Association loi 1901 des habitants du quartier Île Verte, fondée en 1926, indépendante et ouverte à tous. Cette association historique, reconnue comme l’un des piliers de la vie locale, avait multiplié les démarches : courriers au diocèse, réunions publiques, interpellations de l’évêque Jean-Marc Eychenne, organisation d’événements de quartier pour défendre ce lieu qu’elle considérait comme central dans l’identité et la mémoire de l’Île Verte.Le point culminant de cette mobilisation date d’avril et mai 2025, quand le comité diffusa une lettre d’alerte dans tout le quartier, rappelant les qualités exceptionnelles du bâtiment : une architecture moderniste rare, une charpente évoquant la tente d’Abraham, un immense vitrail baignant le chœur de lumière, et surtout un lieu de rassemblement vivant où se croisent depuis des décennies familles, étudiants, retraités et habitants de toutes convictions.
Lors de la rencontre publique du 14 mai, organisée dans l’église en présence de l’évêque, les habitants rappelaient encore que Saint-Luc est « un élément constitutif de l’identité du quartier », l’un des rares espaces communautaires du secteur.
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Cette mobilisation n’a pourtant pas infléchi la position du diocèse, qui invoque la baisse de la pratique, la diminution des dons, et surtout le coût d’entretien et de mise aux normes. Saint-Luc n’est d’ailleurs qu’un élément d’un plan diocésain plus vaste prévoyant la cession d’une trentaine d’édifices en Isère. Pour les fidèles, la méthode demeure brutale : absence de concertation réelle, refus répété de rencontrer les représentants du quartier avant 2025, et impossibilité d’envisager des alternatives.Le contexte immobilier a nourri certains soupçons. L’Île Verte est l’un des secteurs les plus chers de Grenoble, avec des prix dépassant facilement 3 500 à 4 000 euros le mètre carré dans l’ancien, et des transactions atteignant 6 000 euros dans les programmes neufs. Un quartier recherché pour sa tranquillité, sa proximité avec le CHU, les facultés et le centre-ville. Certains habitants estiment que l’église est vendue « parce qu’elle vaut cher, pas parce qu’elle coûte cher ». Ce sentiment d’injustice a renforcé la colère d’une partie de la population, qui regrette que le patrimoine spirituel se retrouve absorbé par la logique spéculative du quartier.
Rappelons que nous avons contacté le diocèse de Grenoble, qui, à ce jour, n’est pas revenu vers nous malgré nos sollicitations.
La fermeture, intervenue le 24 novembre après la dernière messe, a été ressentie comme un arrachement. La date suivait la célébration du centenaire du père Francis Verstraete, figure marquante de la paroisse, comme un dernier hommage avant l’extinction du lieu. Les messes sont désormais transférées à Notre-Dame Réconciliatrice, rue Joseph-Chanrion, mais beaucoup craignent que la communauté locale ne se disperse.« Nous avons tout tenté », répètent aujourd’hui les membres de l’association fondée en 1926, reconnaissants du soutien de nombreux habitants croyants ou non. Leur combat, disent-ils, n’était pas seulement religieux mais patrimonial, communautaire et culturel. Avec la fermeture de Saint-Luc, c’est pour eux une part de l’âme de l’Île Verte qui disparaît au profit d’une simple valeur foncière.


