Le 7 mai 2025, le conclave s’ouvrira dans la chapelle Sixtine. Cent trente-trois cardinaux électeurs y participeront. Parmi eux, dix-huit cardinaux africains, venus de terres où la foi chrétienne est une fidélité risquée, un combat quotidien, et parfois un chemin vers le martyre.Deux figures emblématiques de cette Église éprouvée se détachent : le cardinal Philippe Ouédraogo, archevêque émérite de Ouagadougou (Burkina Faso), et le cardinal Peter Ebere Okpaleke, évêque d’Ekwulobia (Nigeria). Tous deux incarnent, avec leurs fidèles, la résistance de la foi au milieu des persécutions islamistes.
Au Burkina Faso, les chrétiens vivent dans la peur. Les attaques djihadistes ont entraîné la fermeture de centaines d’églises et la disparition de la pratique religieuse dans de nombreuses régions. En 2024, deux catéchistes ont été assassinés : François Kaboré, abattu pendant une rencontre de prière, et Édouard Tougbare, capturé, torturé puis tué. La junte militaire en place, issue de deux coups d’État successifs en 2022, reste impuissante face à l’emprise djihadiste.
La situation au Nigeria n’est guère meilleure. Avec 3 100 chrétiens tués en 2024, c’est le pays le plus dangereux au monde pour les disciples du Christ. Malgré les déclarations de victoire de 2016, le djihad persiste à travers Boko Haram, ISWAP et Lakurawa. Dans l’État d’Anambra, où réside le cardinal Okpaleke, les enlèvements de religieux se multiplient : onze depuis janvier 2025, dont deux religieuses. Deux autres victimes, le père Sylvester Okechukwu et le séminariste Peter Andrew, ont été tuées.
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Mais le martyre africain ne se limite pas aux violences islamistes. En République centrafricaine, le cardinal Dieudonné Nzapalainga lutte pour maintenir une Église vivante au milieu du chaos. En 2015, le pape François avait proclamé Bangui « capitale spirituelle du monde » en y ouvrant le Jubilé de la Miséricorde. Pourtant, la guerre civile lancée en 2012 continue. Près de 70 % du territoire est contrôlé par des groupes armés, et la capitale n’est sécurisée que grâce à la présence de mercenaires russes. Mgr Aurelio Gazzera, évêque de Bangassou, met deux semaines pour rejoindre Bangui en voiture, au péril de sa vie.
Plus au sud, au Soudan du Sud, le cardinal Stephen Ameyu Martin Mulla dénonce un autre fléau : le tribalisme, qu’il qualifie de « plus grand ennemi de l’Église ». Le pays, indépendant depuis 2011, a replongé dans la guerre civile dès 2013, opposant les deux principales ethnies, Dinka et Nuer, pour le contrôle du pouvoir. En 2019, la nomination du cardinal Mulla à Juba avait été contestée car il appartient à l’ethnie Otuho, minoritaire dans la région. Ces tensions ethniques persistent encore aujourd’hui, ravivant le spectre d’une guerre civile de grande ampleur.
Ces cardinaux, venus de pays déchirés, portent un témoignage unique : celui d’une foi vécue jusqu’au sang. Une Église silencieuse aux yeux du monde, mais debout et fidèle dans l’épreuve.Et si le prochain pape venait de ces terres de martyrs ? À l’heure où les projecteurs se tournent vers des profils administratifs ou géopolitiques, la voix de l’Afrique pourrait rappeler à l’Église que le martyre n’est pas du passé, il est d’aujourd’hui.