La fête nationale de Monaco, célébrée ce mercredi 19 novembre, n’est pas seulement un moment civique. Elle est profondément religieuse. Chaque année, la Principauté commence sa fête par une messe solennelle d’action de grâce en la cathédrale Notre-Dame-Immaculée en présence du prince Albert II, de la famille princière et des autorités de l’État. Cette liturgie n’est pas un protocole secondaire, elle exprime l’âme même du pays, façonnée par quinze siècles de tradition chrétienne.
Bien avant l’implantation des Grimaldi, le vallon des Gaumates portait déjà la marque du christianisme. La tradition rapporte que les reliques de sainte Dévote, martyrisée en Corse au début du quatrième siècle, auraient touché les rivages monégasques, ce qui fit de ce lieu le premier sanctuaire naturel de la Principauté.
Dès le onzième siècle, l’église Sainte-Dévote apparaît dans les sources historiques, témoignant d’une communauté chrétienne déjà organisée. Peu à peu, les lieux de culte se multiplient et le territoire passe sous l’influence de l’abbaye de Saint-Pons et de l’évêque de Nice. La présence chrétienne structure la vie locale bien avant la naissance de l’État moderne.Au treizième siècle, Monaco devient un bastion guelfe fidèle au pape, tandis que les Grimaldi s’opposent aux partisans de l’Empire. Le célèbre épisode de François Grimaldi entrant sur le Rocher vêtu d’un habit franciscain symbolise encore aujourd’hui l’enracinement religieux de la dynastie. En 1247, le pape Innocent IV autorise l’érection d’une chapelle sur le Rocher, confirmant la proximité entre Monaco et Rome. Durant tout le Moyen Âge, la Principauté demeure l’un des territoires les plus fidèles au Saint-Siège. Les souverains participent aux croisades, accueillent des légats pontificaux et développent un réseau de dévotions populaires.
À la Renaissance, les princes multiplient les pèlerinages à Rome et soutiennent les ateliers religieux. La peste de 1631 suscite un grand élan de piété et entraîne la naissance de confréries profondément liées à la vie du Rocher. Au dix-neuvième siècle, après les tumultes révolutionnaires, l’Église obtient une autonomie complète avec la création d’une abbaye nullius puis d’un diocèse dépendant directement du Saint-Siège. Monaco devient un territoire où l’Église jouit d’une liberté remarquable et d’un lien institutionnel privilégié avec la souveraineté.
C’est dans ce contexte qu’apparaît un élément fondamental de l’identitié monégasque : l’article 9 de la Constitution, qui affirme explicitement que « la religion catholique, apostolique et romaine est la religion d’État ».
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Très rares sont aujourd’hui les pays européens qui conservent une telle disposition. À Monaco, cette affirmation juridique n’est pas décorative. Elle exprime une continuité historique profonde entre la Principauté et la foi catholique. Elle s’accorde avec la réalité sociale puisque, selon les statistiques officielles de 2013, 82,5 pour cent de la population se déclare catholique. L’archidiocèse de Monaco, directement rattaché au Saint-Siège, illustre cette position singulière dans le paysage européen. Grâce à cet article constitutionnel, les grandes traditions religieuses comme la fête de sainte Dévote, la procession du Christ-Mort, les pèlerinages à Laghet ou la messe de la fête nationale ne relèvent pas du folklore mais du patrimoine institutionnel de la Principauté.
L’Église catholique demeure très présente dans la vie quotidienne. Monaco compte une cathédrale, six églises, des chapelles, des congrégations et des mouvements de jeunesse. Les traditions comme l’embrasement de la barque de sainte Dévote, les batafoegu de la Saint Jean ou le festin de la Saint Roman témoignent d’une foi vivante. L’enseignement catholique joue un rôle central, notamment à travers l’Institution François d’Assise – Nicolas Barré qui perpétue un héritage éducatif ancien.
Dans ce contexte, la messe du 19 novembre prend toute sa signification. Elle manifeste publiquement la reconnaissance du pays envers Dieu pour la protection reçue et pour la stabilité de la dynastie. Au terme de la célébration, le Te Deum et la prière pour le souverain résonnent dans la cathédrale, exprimant l’unité d’un peuple rassemblé autour de son prince. Le choix du prince Albert II de maintenir la date du 19 novembre, fête de saint Rainier, souligne la continuité dynastique et la fidélité à la tradition religieuse.La fête nationale monégasque est l’une des rares en Europe à demeurer explicitement religieuse. Elle symbolise un pays qui assume pleinement son histoire, sa foi et son identité. Dans un monde marqué par la sécularisation, Monaco offre l’exemple d’une nation moderne qui puise sa cohérence dans un héritage catholique vivant. La messe d’action de grâce n’est donc pas un simple acte liturgique. Elle est la proclamation d’une mémoire collective et la reconnaissance d’une fidélité séculaire qui continue d’inspirer la Principauté.


