Ce dimanche 15 décembre, le Pape François se rendra en Corse pour clôturer un colloque sur la religiosité populaire en Méditerranée. Cette visite marque un nouveau chapitre de son engagement envers la piété populaire, après sa venue à Marseille il y a un an. À l’approche de son 88e anniversaire, le Pape choisit de s’immerger dans la culture religieuse de la Corse, une terre profondément attachée à ses traditions chrétiennes. Ce voyage est l’occasion pour lui de réaffirmer l’importance de ces formes de dévotion populaires qui, selon lui, jouent un rôle crucial pour l’Église, qu’il qualifie de « système immunitaire ».
Un Ancrage Culturel et Spirituel Fort
Vatican news précise que la piété populaire occupe une place centrale dans la spiritualité du Pape François. Natif d’Argentine, il a grandi dans un contexte où la religiosité populaire est omniprésente. Pour lui, cette forme de dévotion, qui se manifeste en dehors des sacrements, sans les remplacer, est un vecteur essentiel de la foi. Il se souvient avec émotion des processions du Vendredi Saint, où sa grand-mère Rosa l’emmenait prier dans la rue au passage du Christ gisant. Ces expériences marquent son profond attachement à une foi vivante, concrète et sans prétention.
La religiosité populaire en Amérique latine, et particulièrement en Argentine, se distingue par sa proximité avec la vie quotidienne des croyants. « Les sacramentos » comme les bénédictions de maisons, de voitures, et d’entreprises sont des pratiques courantes, loin des rituels formels mais tout aussi significatives. Selon Véronique Lecaros, directrice du département de théologie de l’Université catholique de Lima, ces gestes de dévotion témoignent d’une vision du sacré qui dépasse la frontière entre le profane et le religieux.
Dans de nombreuses régions d’Amérique latine, le sacré fait partie intégrante du quotidien. L’eau bénite, les processions, et les vénérations de saints font vivre cette foi populaire, souvent qualifiée d’ »enchantée », car elle imprègne chaque aspect de la vie humaine.
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La Piété Populaire : un outil de résistance au consumérisme et à la sécularisation
Le Pape François voit dans la piété populaire un moyen de maintenir la foi vivante face aux défis de la modernité. Selon lui, elle constitue une réponse à la sécularisation et à l’individualisme qui caractérisent de plus en plus de sociétés contemporaines. « Aujourd’hui, les choses se sont bien passées pour moi grâce à l’intervention divine », disent souvent les croyants, ce qui témoigne de la continuité de la présence divine dans les aspects les plus quotidiens de la vie.
La piété populaire, tout en étant profondément enracinée dans les traditions locales, n’est pas figée. Elle évolue au fil du temps et s’adapte aux nouvelles réalités sociales et culturelles. En Argentine, par exemple, la figure du Gaucho Gil est vénérée par certains comme une manifestation populaire de sainteté, bien que l’Église n’ait pas officiellement reconnu cette dévotion. Ce phénomène, selon Lecaros, montre la capacité de la piété populaire à s’adapter aux besoins spirituels des gens tout en restant fidèle à ses racines culturelles.
Pour le Pape François, cette piété est également un moyen de résistance face à l’essor des mouvements évangéliques, particulièrement présents en Amérique latine. Ces derniers, souvent critiques envers les traditions catholiques populaires, représentent un défi de taille pour l’Église catholique. Cependant, selon François, c’est dans cette religiosité populaire que réside la véritable force de l’Église catholique face aux divisions et à la montée des influences extérieures.
Une Théologie du Peuple et une Valeur Spirituelle
Dans le contexte de la théologie du peuple, défendue par François et le cardinal Bergoglio avant lui, la piété populaire est perçue non seulement comme un moyen de maintenir la foi, mais aussi comme une forme de sagesse qui émane du peuple de Dieu. Le Pape François a toujours valorisé cette spiritualité populaire, qu’il considère comme un modèle de solidarité et de foi incarnée. En 2007, lors de la conférence d’Aparecida, il écrivait que « la piété populaire est une manière légitime de vivre sa foi », soulignant ainsi l’importance de reconnaître ces formes de dévotion comme une richesse pour l’Église.
Cela dit, la piété populaire n’est pas sans ses défis. Le Pape François a mis en garde contre les dérives possibles, telles que la récupération de ces pratiques par des groupes aux intentions douteuses, parfois politiques ou économiques. « Il faut purifier la piété populaire », a-t-il affirmé à plusieurs reprises, notamment en évoquant des cas comme celui de la Santa Muerte, une figure religieuse associée à la criminalité. Pour François, ces dévotions ne doivent jamais se pervertir à des fins de manipulation.
Synodalité et Engagement Spirituel
Enfin, cette valorisation de la piété populaire veut également s’inscrire dans la démarche de synodalité que le Pape François entend promouvoir dans l’Église. Il est convaincu que l’Église doit écouter les fidèles, se mettre à l’écoute du peuple de Dieu pour définir les orientations à prendre. Ce processus de synodalité trouve un écho particulier dans les pratiques populaires, où le « sensus fidei » – la capacité du peuple à discerner le bien – est au cœur de l’expérience spirituelle.
Ainsi, la piété populaire représente non seulement une forme de résistance à la mondialisation et au consumérisme, mais aussi un moyen de garder vivante la foi chrétienne dans un monde qui en a de plus en plus besoin. Pour le Pape François, c’est un élément vital pour une Église en mission, un « système immunitaire » qui préserve la foi contre les attaques extérieures tout en restant fidèle aux racines chrétiennes et populaires.
Avec Vatican News