L’affaire du cardinal Juan Luis Cipriani, archevêque émérite de Lima, plonge l’Église catholique dans nouvelle une tourmente inattendue. Alors que le cardinal fait face à des accusations d’abus sexuels datant de 1983, un véritable bras de fer semble se jouer entre la défense de l’intéressé et les mesures disciplinaires imposées par le Vatican. Ce cas met en lumière les questions de justice ecclésiastique, de transparence et de respect de la présomption d’innocence au sein de l’Église catholique.
Un article du quotidien espagnol El País a secoué l’opinion publique, évoquant des accusations d’abus sexuels adressées au cardinal Cipriani. Ces accusations, formulées dans une lettre envoyée au Vatican en 2018, font état d’incidents remontant à 1983. Le cardinal, qui a occupé de prestigieuses fonctions au sein de l’Église, dont l’archevêché de Lima pendant près de deux décennies, a catégoriquement nié ces accusations, les qualifiant de « complètement fausses » dans une lettre publique. Il a affirmé n’avoir « jamais commis de crime » et dénoncé l’absence d’un véritable processus de défense dans cette affaire.
En 2019, le Vatican l’avait déjà retiré de ses fonctions en raison de ces allégations, l’ordonnant de quitter le Pérou et de se retirer dans une autre résidence. Depuis, il réside à Madrid et Rome. Bien que le cardinal ait été contraint de se soumettre à certaines restrictions publiques – notamment en matière d’activité pastorale et de résidence –, il persiste à rejeter formellement les accusations.
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La situation s’est compliquée lorsque le Vatican a confirmé, le 26 janvier 2025, que des sanctions restent en vigueur contre le cardinal Cipriani. Ces sanctions incluent des restrictions sur ses activités publiques, son lieu de résidence, ainsi que l’utilisation de ses insignes et titres. Bien que certaines dérogations aient été accordées pour des raisons d’âge et de famille, ces mesures sont toujours actives. Le porte-parole du Vatican, Matteo Bruni, a précisé que ces sanctions avaient été instaurées suite aux allégations d’abus, mais sans fournir plus de détails sur le cas.
Les mesures imposées au cardinal Cipriani ne sont pas sans rappeler celles appliquées à d’autres figures ecclésiastiques confrontées à des accusations similaires, comme l’ex-évêque d’Agana, Mgr Anthony Apuron, et l’ancien évêque de Timor oriental, Mgr Carlos Ximenes Belo, tous deux forcés de quitter leur pays et de restreindre leur ministère public après des accusations d’abus.
L’Opus Dei, dont le cardinal Cipriani est un membre éminent, a rapidement réagi en publiant un communiqué soulignant l’importance de respecter la présomption d’innocence et l’intégrité du processus judiciaire. Le vicaire de l’Opus Dei au Pérou, Ángel Gómez-Hortigüela, a précisé que la prélature restait en contact avec les autorités ecclésiastiques compétentes pour éclaircir les faits et garantir que toute action future soit conforme à la vérité et à la justice. Opus Dei a également pris soin de préciser que toute action légale ou civile devrait être gérée par les autorités compétentes, insistant sur sa volonté de coopérer avec le Saint-Siège.
Juan Luis Cipriani, né à Lima en 1943, a été un acteur majeur de l’Église catholique péruvienne. Ordonné prêtre en 1977, il a grimpé les échelons pour devenir évêque auxiliaire puis archevêque de Lima en 1999. Il est le premier cardinal issu de l’Opus Dei, nommé par Jean-Paul II en 2001. Il a participé à deux conclaves, ceux de 2005 et de 2013, et a joué un rôle influent dans l’Église, notamment au Pérou, où il a soutenu des positions conservatrices sur la famille et la morale chrétienne.
Cette affaire suscite un débat complexe au sein de l’Église. D’un côté, l’importance de respecter la présomption d’innocence et d’assurer un procès équitable est essentielle pour maintenir la crédibilité de l’institution. D’un autre côté, les victimes présumées et leurs défenseurs exigent des réponses claires et des actions concrètes de la part des autorités ecclésiastiques. Le cas Cipriani met également en lumière les défaillances des mécanismes internes de l’Église pour traiter ces affaires de manière transparente et impartiale.
Le scandale des abus sexuels au sein de l’Église catholique a pris une ampleur mondiale ces dernières années, et l’affaire du cardinal Cipriani illustre bien la difficulté de gérer ces accusations, même lorsqu’elles concernent des figures aussi influentes que le cardinal péruvien. L’Église doit se pencher sur ces questions avec sérieux et dans le respect total des principes de justice, afin de préserver la dignité des victimes et d’assurer l’intégrité de l’institution tout en respectant la présomption d’innocence de chacun.