Depuis 2000 ans

Le pape François honore l’héritage de Dom Prosper Guéranger : une lettre historique à l’abbé de Solesmes

Abbaye de Solesmes - DR
Abbaye de Solesmes - DR
Cette référence appuyée à la fidélité liturgique, adressée aux héritiers de Dom Guéranger ne manquera pas de faire réagir ceux qui, au nom de cette même fidélité, ont vu leur place dans l’Église singulièrement réduite.

Le 2 janvier 2025, depuis la basilique Saint-Jean-de-Latran à Rome, le pape François a adressé une lettre officielle à Dom Geoffroy Kemlin, abbé de la congrégation bénédictine de Solesmes. Ce courrier, signé de sa main et portant ses armoiries, témoigne de l’attention particulière du Saint-Père à l’égard de cette communauté monastique et de son fondateur. Une telle initiative demeure rare et souligne l’importance de l’événement commémoré : le 150ᵉ anniversaire de la mort de Dom Prosper Guéranger, décédé le 30 janvier 1875.

Comme le souligne le diocèse du Mans, « c’est un événement important car il n’est pas habituel que le Pape écrive à un père abbé ». Cette reconnaissance s’inscrit également dans la perspective d’une éventuelle béatification du restaurateur de la vie bénédictine en France.

Dans sa lettre, le pape François rend hommage à Dom Guéranger, rappelant qu’il fut un ardent défenseur de l’unité liturgique et un guide spirituel d’exception. Il salue particulièrement la double contribution de ce dernier à la vie de l’Église :

« Mes prédécesseurs ont souligné les diverses expressions de son charisme reçu pour l’édification de toute l’Église […]. Je voudrais, à mon tour, souligner deux aspects de ce charisme qui correspondent à deux besoins actuels de l’Église : la fidélité au Saint-Siège et au Successeur de Pierre, en particulier dans le domaine de la liturgie, et la paternité spirituelle », écrit François, dans un hommage appuyé qui s’ajoute à ceux de Jean-Paul II et Paul VI.

Lire aussi

Dans sa lettre à Dom Geoffroy Kemlin, le pape François insiste sur « la fidélité au Saint-Siège et au Successeur de Pierre, en particulier dans le domaine de la liturgie ». Une mention qui ne manque pas d’étonner, tant ses récentes décisions en la matière – notamment les restrictions imposées au rite tridentin avec Traditionis Custodes et ses déclarations dans son livre Spera où il assimile l’attachement à la messe ancienne à une dérive idéologique – ont suscité incompréhension et blessures chez de nombreux fidèles.

Faut-il y voir une nouvelle pique adressée aux fidèles attachés au rite tridentin, sommés d’accepter une « certaine fidélité » tout en renonçant à une autre, pourtant enracinée dans la tradition de l’Église ?

Cette référence appuyée à la fidélité liturgique, adressée aux héritiers de Dom Guéranger, grand défenseur de l’unité rituelle et promoteur du chant grégorien, ne manquera pas de faire réagir ceux qui, au nom de cette même fidélité, ont vu leur place dans l’Église singulièrement réduite.

Rappelons que Dom Prosper Guéranguer est né le le 4 avril 1805 à Sablé-sur-Sarthe, il reste une figure emblématique du renouveau catholique du XIXᵉ siècle. En 1833, il fonde la communauté monastique de Solesmes, avec pour ambition de restaurer la tradition bénédictine en France après les ravages de la Révolution. Il est également à l’origine du mouvement de restauration du chant grégorien, dont il fait un pilier de la liturgie.

En 1837, le pape Grégoire XVI érige le prieuré de Solesmes en abbaye et nomme Dom Guéranger premier abbé de cette nouvelle congrégation. Sous son impulsion, Solesmes devient un centre intellectuel et spirituel majeur, rayonnant bien au-delà des frontières françaises. Son œuvre ne se limite pas au chant liturgique : il entreprend l’unification des missels, alors dispersés selon les diocèses, anticipant par là les efforts d’unité liturgique qui seront poursuivis bien plus tard, notamment après le concile Vatican II.

Aujourd’hui, l’abbaye de Solesmes reste un haut lieu du monachisme bénédictin, reconnu pour son attachement à la tradition et son influence sur de nombreuses communautés religieuses à travers le monde. Forte d’une trentaine de monastères affiliés, la congrégation perpétue l’héritage de son fondateur, dont la cause en béatification est suivie avec attention par ses héritiers spirituels.

La lettre du pape François ne constitue donc pas un simple hommage, mais un rappel de l’actualité du message de Dom Guéranger. À l’heure où l’Église fait face à de nouveaux défis, son appel à la fidélité au Saint-Siège et à une paternité spirituelle authentique résonne avec une pertinence renouvelée. Ce geste du Souverain Pontife confirme le rôle central que continue d’occuper Solesmes dans le paysage spirituel catholique, fidèle à l’intuition fondatrice de Dom Guéranger.

Pour approfondir l’histoire et l’œuvre de Dom Prosper Guéranger, on peut consulter les archives de l’abbaye de Solesmes (solesmes.com) ou ses écrits majeurs, notamment L’Année liturgique, un ouvrage de référence sur le cycle des célébrations chrétiennes.

Recevez chaque jour notre newsletter !