Par Philippe Marie
Le journal La Croix, une institution de la presse catholique en France, semble avoir franchi un nouveau seuil, celui de la propagande claire et assumée….Fondé en 1880 par le père Emmanuel d’Alzon, un prêtre assomptionniste, le véritable promoteur de cette publication fut cependant le père Vincent de Paul Bailly. Dès ses débuts, La Croix s’est imposée comme un média catholique de référence, destiné à porter la voix de l’Église et de l’information catholique dans le débat public.Le journal a, depuis sa création, été détenu par les Assomptionnistes, qui sont toujours les propriétaires exclusifs de Bayard Presse, le groupe médiatique qui édite La Croix, Pèlerin, et plusieurs titres jeunesse.
Cette continuité de gouvernance soulève une première question : un journal qui revendique son héritage catholique peut-il encore défendre des positions aussi éloignées des préoccupations traditionnelles de l’Église sans trahir son identité ? À travers les décennies, La Croix a évolué, mais malheureusement pas dans le bon sens. De l’aveu même d’un prêtre qui souhaite rester anonyme :
« La Croix surfe sur sa notoriété, mais le niveau baisse un peu plus chaque jour. Le problème, c’est qu’ils jouent de leur légitimité historique pour continuer à s’imposer dans les séminaires français et auprès des gens de l’Église. C’est dommage qu’ils aient été rattrapés par l’idéologie. »
Les récentes prises de position suscitent de plus en plus d’interrogations. En tendant à présenter l’islam comme l’égal du christianisme, et en affichant un positionnement qui tend à occulter certaines critiques de l’islam tout en multipliant les commentaires sur les faiblesses internes de l’Église, le journal semble faire le choix d’une politique rédactionnelle qui interroge et contredit ses racines catholiques. Une certaine idéologie s’est emparée du journal, au point de brouiller la ligne de partage entre une information catholique et une vision laïque ou progressiste de la société.
La récente décision de La Croix de quitter le réseau social X (anciennement Twitter), à l’instar de certaines figures de la gauche et de l’extrême-gauche, témoigne de cette dérive. Le départ du journal de la plateforme numérique, tout en soulignant une volonté de prendre ses distance avec « un réseau jugé incompatible avec ses valeurs à cause de son propriétaire Elon Musk « , traduit clairement un alignement sur des positions idéologiques progressistes qui se révèlent de plus en plus éloignées des préoccupations spirituelles chrétiennes.
À qui cela profite-t-il ? Quel est l’objectif affiché et dissimulé de cette posture ? L’inquiétude est d’autant plus grande lorsque La Croix se fait le porte-voix de l’islam, en publiant des portraits d’imams qui ne se contentent pas de présenter leur fonction spirituelle mais en viennent à occuper un « espace idéologique » qui n’est plus celui d’un journal catholique.
Par ailleurs,le traitement des sujets religieux, notamment ceux concernant la défense de la doctrine chrétienne, se fait souvent à travers le prisme d’une critique systématique des faiblesses de l’Église : abus sexuels, scandales internes, etc. Dans cette optique, les défenseurs de l’orthodoxie chrétienne se trouvent relégués au second plan, critiqués et présentés sous un jour négatif. Ils sont donc interdits de droit de réponse chez La Croix car jugés peu respectables… bel exemple d’ouverture intellectuelle. Quand La Croix se donne des airs d’inclusivité, mais pas pour tout le monde… cherchez l’erreur.
Jour après jour, au nom des « opérations main-propres », au nom d’un syncrétisme exacerbé, La Croix enfonce le clou d’une idéologie qui se rapproche de celle des laïcards les plus outranciers. Bref avec le journal La Croix, l’Eglise n’a pas besoin d’ennemi : réinterprétation des textes, invitation d’intellectuels de tous bords qui sapent la doctrine chrétienne, soutien à des initiatives anti-chrétiennes… La Croix avance lentement mais insidieusement pour distiller une pensée qui s’éloigne diamétralement de l’Évangile.
C’est un Évangile sauce wokiste que nous sert La Croix ; on y va de l’inclusivité comme étendard, justifiant tout, permettant tout et… cassant tout… cassant surtout la réalité et l’exigence du message d’amour de la doctrine chrétienne : célibat des prêtres, sacralité des lieux, avortement dans certains cas, euthanasie reformulée, tous les intellectuels expriment leurs pensées divers et variées et chacun leur tour crachent leur haine des » tradis ».Tout ce qui s’apparente de prés ou de loin à un respect de la tradition, du rite tridentin, ou à un certain conservatisme est exclu, désigné comme le mal absolu.
Dans cette continuité, les récents articles de La Croix sur les imams en France ne sont pas anodins ( cf publication du 28 mars » Qui sont vraiment les imans en France ? Plongée dans un métier méconnu « ) .Cette plongée dans le quotidien de ces figures de l’islam semble se faire à un moment où, d’une part, l’islam cherche à être de plus en plus visible dans la sphère publique, et d’autre part, où la question de la place de la religion musulmane en France devient un sujet central dans les débats sociétaux. C’est donc un choix éditorial qui, s’il prétend s’inscrire dans une démarche d’information et de compréhension de l’autre, soulève la question de la place réelle de la parole chrétienne dans ce grand récit.
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Beaucoup, à l’affût comme des loups dans la bergerie, risquent de nous dresser un bûcher pour islamophobie. L’argument serait à l’image de l’imposture idéologique dont ils sont porteurs… Mais comment suivre ce courant de pensée lorsque 1500 ans d’histoire chrétienne, qui ont forgé la France, nous regardent ? Le primat d’une religion est-il devenu une insulte, une garantie d’être taxé d’identitaire ? Pourtant, tous les peuples et tous les pays cultivent une identité, et c’est normal ; là réside leur richesse. Alors, pourquoi la France devrait-elle renoncer à son identité chrétienne ?
Loin de l’intention d’attaquer l’islam ou ses pratiquants, il est difficile de passer sous silence le fait qu’un tel journal, historiquement catholique, renonce à sa mission première en alignant progressivement ses articles sur des lignes idéologiques de plus en plus éloignées des préoccupations religieuses chrétiennes.
Mais cela ne marche pas…
Précisons que La Croix va mal… en raison des difficultés financières rencontrées par le groupe Bayard, propriétaire de La Croix, une augmentation du prix des abonnements a été décidée pour tenter de colmater les pertes. En effet, le groupe a enregistré un déficit de 7,5 millions d’euros pour l’exercice 2023–2024, et cette hausse des tarifs semble être la seule option pour équilibrer les finances.Le journal La Croix comptait 82 452 abonnés fin août 2024, un chiffre encore important mais pour combien de temps… ?
L’avenir de La Croix est donc incertain, confronté à un lectorat vieillissant et une génération plus jeune qui ne veut pas de cette presse « catho de gauche ». Mais les poches des Assomptionnistes restent profondes. Jusqu’à quel point ? La Croix est en sursis et reste soumis à la patience de sa maison mère. Mais un jour, tout s’arrête…
Il n’est pas question de rejeter l’idée d’une presse pluraliste ou de remettre en cause la place des autres religions dans le débat public, mais un journal catholique digne de ce nom devrait, a minima, respecter ses lecteurs et faire preuve de cohérence. Reste peut-être à changer de nom pour atteindre cette cohérence…