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Pape François : il était une fois la révolution morale

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Sous le pontificat du pape François, l’Église a connu un basculement inédit dans son approche de la morale. De Amoris Laetitia à Fiducia supplicans, en passant par la réforme du droit matrimonial et la redéfinition de la peine de mort, ce pontificat a marqué une rupture profonde avec l’enseignement traditionnel.

Derrière un discours pastoral, c’est une refonte doctrinale qui s’est opérée, substituant à la vérité objective le discernement subjectif, et à la loi morale une éthique variable au gré des circonstances.Alors que l’Église catholique traverse une époque de confusion doctrinale, le pontificat du pape François laisse derrière lui une série d’interventions qui, loin d’éclairer les consciences, semblent avoir contribué à une dissolution des repères moraux fondamentaux. Retour sur une décennie marquée par une morale sans transcendance.

Depuis 2013, le pontificat de François a profondément modifié l’approche catholique des questions de morale naturelle. Cette transformation ne s’est pas limitée à des déclarations informelles – telles que ses éloges adressés à Emma Bonino, fervente promotrice de l’avortement en Italie, qualifiée par le Souverain Pontife d’« exemple de liberté et de résistance » – mais s’est concrétisée dans plusieurs documents du Magistère.

La première grande fracture fut Amoris Laetitia en 2016. Le paragraphe 305, accompagné de la tristement célèbre note 351, a tenté de rendre possible ce qui ne l’est pas : permettre à une personne vivant dans une situation adultère objective de recevoir la sainte communion. Quelques mois plus tard, une lettre pastorale des évêques de la région de Buenos Aires allait dans le même sens. Le pape déclara à propos de ce document : « Le texte est très bon et explique parfaitement le chapitre VIII d’Amoris Laetitia. Il n’y a pas d’autre interprétation possible. » Ce commentaire fut ensuite intégré aux Acta Apostolicae Sedis en 2017, lui conférant ainsi le statut de Magistère authentique.

En matière de mariage, les deux Motu proprio Mitis Iudex Dominus Iesus et Mitis et misericors Iesus (2015) ont également fragilisé l’indissolubilité matrimoniale. L’article 14 §1 du premier texte évoque des circonstances qui, sans être des causes de nullité, permettent d’ouvrir une procédure. Une manière implicite de présenter les échecs humains comme des invalidités canoniques. Dans la foulée, l’Institut Jean-Paul II sur le mariage et la famille, fondé pour défendre la doctrine de l’Église, a été remanié en profondeur, perdant son orientation initiale.

Sur l’avortement, malgré la rhétorique parfois ferme du pape – qualifiant certains médecins de « tueurs à gages » – ses actes ont parfois laissé perplexes. Ses rencontres amicales avec Emma Bonino, sans aucune tentative de la ramener à la vérité, témoignent d’une complaisance qui contraste avec l’enseignement catholique constant.

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Concernant l’euthanasie, la lettre Samaritanus bonus publiée en 2020 par la Congrégation pour la Doctrine de la Foi a constitué une rare continuité avec le Magistère traditionnel. Toutefois, cette clarté a été affaiblie par des prises de position ambigües de l’Académie pontificale pour la vie dans son Petit lexique de la fin de vie (2024), ainsi que par le message confus du pape François au congrès de l’Association médicale mondiale en 2017.L’année 2018 a marqué un tournant avec la modification du Catéchisme de l’Église catholique concernant la peine de mort. D’action moralement licite sous certaines conditions, elle a été requalifiée comme étant « inadmissible » – une rupture sans précédent.

Mais c’est le document Fiducia supplicans, publié par le Dicastère pour la Doctrine de la Foi en 2023, qui a probablement constitué l’acte le plus hétérodoxe de ce pontificat. En ouvrant la voie à la bénédiction de couples homosexuels ou vivant en situation irrégulière, le texte a conféré une reconnaissance morale à des unions objectivement désordonnées. Une telle décision, au même titre que la Déclaration d’Abu Dhabi, représente pour beaucoup une offense directe à l’enseignement millénaire de l’Église.

À la racine de ces évolutions se trouve une rupture philosophique majeure : la disparition de la métaphysique. « La morale sans métaphysique » élaborée sous François repose sur une anthropologie amputée de l’âme rationnelle. L’homme y est réduit à son corps, ses besoins matériels deviennent la priorité, et la vérité objective est remplacée par le ressenti subjectif.

Dès lors, la doctrine s’efface au profit du « discernement », cette nouvelle méthode qui permettrait à chacun de définir sa propre vérité morale. Les absolus moraux – ces actes toujours gravement mauvais – deviennent conditionnels, voire relatifs. « Ce qui était péché hier peut ne plus l’être aujourd’hui », suggère implicitement cette logique.Dans ce contexte, la morale naturelle est supplantée par une éthique de l’instant, fondée sur l’historicisme, le relativisme, et un humanisme immanent. Ce glissement rend les principes de l’Évangile eux-mêmes adaptables aux exigences du monde présent, au mépris de leur caractère éternel. La conscience, lieu traditionnel de l’accueil de la vérité divine, devient le théâtre d’une fabrication individuelle de normes fluctuantes.

L’Église, naguère bastion de la loi morale naturelle et de la vérité universelle, semble désormais privilégier une « éthique descendante » : au lieu que l’homme élève sa vie vers le bien, c’est la morale qui descend vers ses caprices.Au terme de ce pontificat, trois voies se dessinent pour l’avenir de l’Église. L’une consiste à maintenir ce cap, sans aller plus loin. L’autre à continuer dans la même direction, jusqu’à l’effacement complet de la doctrine. Mais une seule voie est conforme à la mission reçue du Christ : inverser la route.

Car, comme le rappelait Benoît XVI : « Une foi qui n’est pas une foi droite, selon le Credo de l’Église, n’est pas une foi fiable. » Le successeur de Pierre ne peut édifier qu’en se fondant sur la vérité, non sur les modes passagères du monde.

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