C’est un premier « coup de pression » qui résonne comme un avertissement avant même le début du conclave, qui s’ouvrira le 7 mai prochain. Dans un entretien accordé au quotidien Avvenire, le cardinal Walter Kasper affirme sans détour que « le peuple de Dieu a déjà voté lors des funérailles et a demandé la continuité avec François ».
La question se pose alors : l’Église doit-elle se laisser guider par les émotions populaires plutôt que par la fidélité à l’action de l’Esprit Saint dans la vérité ?
Certaines interventions publiques des cardinaux commencent à dessiner les enjeux spirituels et doctrinaux du choix du prochain successeur de Pierre. Le cardinal Kasper, ancien président du Conseil pontifical pour la promotion de l’unité des chrétiens, est depuis longtemps identifié comme une figure de l’aile réformiste de l’Église. Connu pour ses prises de position controversées, notamment en faveur d’une approche plus flexible vis-à-vis des divorcés remariés, le cardinal Kasper n’a jamais caché son attachement aux réformes impulsées par le pontificat de François.
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Cependant, en affirmant que les funérailles du pape défunt constitueraient en quelque sorte un « vote » pour déterminer l’orientation du prochain pontificat, le cardinal s’éloigne dangereusement de la nature proprement théologique et spirituelle du conclave. Dans la tradition catholique, ce n’est ni l’émotion du moment ni la ferveur populaire qui désignent le successeur de Pierre, mais l’action souveraine de l’Esprit Saint, par le discernement éclairé des cardinaux.
Le Christ lui-même n’a jamais agi sous l’impulsion des foules. Lorsque celles-ci voulaient le faire roi, il se retirait dans la solitude pour demeurer fidèle au dessein du Père (cf. Jn 6,15). Le chemin du Seigneur n’a jamais été dicté par la popularité ou par l’émotion, mais par la Vérité. L’Église, appelée à suivre son Maître, ne saurait donc se transformer en assemblée démocratique où la ferveur du peuple déciderait des questions de foi et de gouvernement.
Comme le rappelait le pape Benoît XVI, « la vérité n’est pas déterminée par un vote majoritaire ». Le rôle du Souverain Pontife est de confirmer ses frères dans la foi, non de plaire à l’esprit du monde ou de prolonger des enthousiasmes éphémères. Réduire l’élection du nouveau pape à une simple continuité émotionnelle reviendrait à trahir la nature même du ministère pétrinien, fondé sur la confession de foi : « Tu es le Christ, le Fils du Dieu vivant » (Mt 16,16).
Il est donc essentiel que le conclave soit, non pas l’écho des foules, mais le lieu silencieux et sacré où l’Esprit Saint parle au cœur des cardinaux. L’Église vit de la fidélité au Christ, de la Tradition et du courage de la Vérité, non d’un climat émotionnel fluctuant.Par son influence et ses déclarations, le cardinal Kasper engage une responsabilité grave : celle de ne pas laisser croire que la barque de Pierre pourrait être gouvernée par les sentiments populaires. À l’heure décisive où doit être choisi le nouveau pasteur de l’Église universelle, seule la fidélité au Christ, et non l’émotion passagère, doit guider les cœurs et les consciences.