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François, sors de ce corps ! La tentative de récupération express du pape Léon XIV

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Pourquoi un tel empressement du clan des « ultra-François » ? Pourquoi vouloir dès à présent verrouiller le pontificat et étouffer toute initiative autonome du nouveau pape ?

À peine élu, le pape Léon XIV est déjà au centre d’un travail méthodique d’encadrement idéologique. À Rome, le ton est donné : le nouveau pape ne sera pas laissé libre trop longtemps. Léon XIV fait déjà l’objet d’une intense opération de récupération orchestrée par les figures les plus influentes du camp progressiste. À leur tête, le cardinal Jean-Claude Hollerich, fer de lance de la ligne « synodale », qui a très vite pris les devants dans les médias pour installer une lecture officielle : Léon XIV serait dans la parfaite continuité de François.

Dans une interview au journal Avvenire, le cardinal Hollerich, archevêque de Luxembourg, déclare : « Le pape Léon a parlé d’“Église synodale” dans son premier message. Il n’y aura aucune révolution que personne ne souhaite dans l’Église, mais une évolution, oui. Et c’est la meilleure voie de changement. »

En quelques phrases, le ton est donné. Il ne faut surtout pas toucher à la synodalité, érigée en principe indiscutable, voire en nouveau dogme. Le cardinal Hollerich insiste : « La synodalité est connaturelle à l’Église. »Une formule lourde de conséquences, surtout dans la bouche de celui qui, rappelons-le, a déjà remis en cause l’enseignement traditionnel de l’Église sur l’homosexualité et s’est déclaré favorable à l’ordination de femmes. Qu’un tel prélat rappelle aujourd’hui que l’on ne peut aller contre le « droit divin » de la synodalité a de quoi faire sourire.

Le cardinal ne s’arrête pas là. Pour bien souligner que tout serait déjà décidé, il affirme que le cardinal Mario Grech, secrétaire général du Synode, doit aller « informer » le nouveau pape des orientations déjà fixées sous François. Tout au plus, Léon XIV serait autorisé à quelques « ajustements », tout en réaffirmant que « la synodalité est connaturelle à l’Église ».

Le même verrouillage s’applique au document Fiducia supplicans, autorisant la bénédiction de couples en situation dite « irrégulière ». Le cardinal Hollerich tente de minimiser en déclarant : « Le pape Léon pourrait la réinterpréter, mais pas l’abolir. La déclaration insiste sur le fait que chaque personne est bénie par Dieu. »

Mais cette lecture est fallacieuse. Le cardinal Hollerich présente une interprétation réductrice, en prétendant que Fiducia supplicans se limite à bénir des personnes. Or, le texte autorise bien la bénédiction de couples, y compris ceux dont les relations sont considérées comme « intrinsèquement désordonnées » par la doctrine catholique. Pour le cardinal, l’essentiel semble être d’empêcher toute clarification ou remise en ordre doctrinale de la part du nouveau pape.

Les médias ne sont pas en reste. Certains, en France, se distinguent par un zèle tout particulier. Ainsi, La Croix s’efforce, dans de longs articles plus ou moins bien argumentés, de convaincre ses lecteurs que Léon XIV est un clone de François, et qu’il ne faut surtout rien craindre. On notera le soin presque comique avec lequel ces commentateurs évitent soigneusement de rappeler que Léon est américain,un mot devenu tabou, car il pourrait évoquer un lien, même lointain, avec Donald Trump, autrement dit le Diable en personne selon les standards médiatiques du progressisme catholique bien-pensant. Une telle omission, à elle seule, en dit long sur l’inconfort réel que suscite ce nouveau pontificat chez ceux qui feignent pourtant la sérénité.

Autre intervention, autre cardinal : Marcello Semeraro, préfet du Dicastère pour les Causes des saints, et ancien soutien du cardinal Parolin. Lui aussi insiste sur les points communs avec François, évoquant une sensibilité partagée à l’égard des migrants et une vision sociale enracinée dans l’Évangile. Il affirme : « Il partage avec le pape François une vision de promotion humaine et sociale issue de l’Évangile », et ajoute que le nouveau pape est lui-même un « fils de l’immigration ».Pourtant le cardinal Semeraro exprime aussi une critique inattendue du processus synodal. Il affirme qu’on a confondu « le processus d’élaboration des idées avec celui de la décision », ce qui aurait conduit à « une lecture sociologique du trésor synodal, accompagnée de la supposition que quelqu’un puisse décider à la place de l’évêque ».

Et pourtant, le pape Léon XIV a multiplié, dès ses premiers gestes, les signes de distinction par rapport à son prédécesseur. Il a refusé la Fiat 500 XL emblématique du pontificat François, revêtu la mozzetta rouge que son prédécesseur avait mise de côté, entonné le chant traditionnel du Regina Cæli depuis la loggia, et salué la mission évangélisatrice de l’Église, sans discours sociopolitique ni slogans mondains. Même ses références liturgiques laissent entrevoir un retour à une forme de sobriété doctrinale.

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Alors, pourquoi un tel empressement du clan des « ultra-François » ? Pourquoi vouloir dès à présent verrouiller le pontificat et étouffer toute initiative autonome du nouveau pape ?

Sans doute parce que ce camp n’est pas aussi sûr de lui qu’il veut le faire croire. Et dans cette fébrilité doctrinale, ces prises de parole précipitées, ces jeux d’influence en coulisse, et cette agitation médiatique presque coordonnée, on ne reconnaît guère la paix intérieure de ceux qui sont véritablement guidés par l’Esprit Saint.

Mais peut-être faut-il les comprendre : voir un pape revêtir la mozzetta, citer l’Évangile sans parler climat, et chanter le Regina Cæli comme s’il croyait vraiment à la Résurrection, ça doit être bien déstabilisant. Et quand La Croix s’évertue à dire qu’il est américain sans être trop américain, synodal sans être trop tridentin, et surtout sans aucun rapport, promis-juré, avec Donald Trump, on sent que l’époque est à l’orthodoxie… idéologique.

Finalement, le plus grand scandale pour ces observateurs semble bien être que le pape Léon XIV ne soit pas une copie conforme du précédent. Et qu’il ait, pire encore, l’air catholique…

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