Et si la liturgie occidentale s’était perdue dans le bavardage, la banalité et le divertissement ? Dans un discours aussi mesuré que décisif, le pape Léon XIV a lancé un appel limpide à l’Occident : il est temps de retrouver le mystère, le silence et la beauté qui conduisent à Dieu.Le 14 mai dernier, à l’occasion de son discours jubilaire adressé aux Églises catholiques orientales, le successeur de saint Pierre n’a pas mâché ses mots : « Nous avons un grand besoin de retrouver le sens du mystère qui reste vivant dans vos liturgies. » Ce mot « retrouver » est capital. Il implique que nous avons perdu quelque chose d’essentiel. Et ce quelque chose, c’est le cœur même de la liturgie : une rencontre sacrée avec le Dieu vivant, dans la crainte et l’émerveillement.
« L’Église a besoin de vous », a insisté le Saint-Père en s’adressant aux Églises d’Orient. « Vos liturgies engagent l’être humain dans toute sa personne, elles chantent la beauté du salut et éveillent l’émerveillement. » Ce n’est pas un compliment poli : c’est un appel à l’imitation. Car en face, l’Occident semble parfois avoir sombré dans une liturgie horizontale, bavarde, presque mondaine.
« Il est important de redécouvrir, surtout en Occident chrétien, le sens de la primauté de Dieu, l’importance de la mystagogie, la pénitence, le jeûne et les larmes pour les péchés. »
Le Catholic Herald ne s’y est pas trompé, consacrant un long article à cette intervention papale.Le journaliste Tom Colsy analyse finement les implications de ce discours. Il note que « le pape suggère que la liturgie contemporaine et la spiritualité sont devenues trop centrées sur l’homme ». Une liturgie « engageante », dit-il avec ironie, qui finit par être simplement « banale ».Le contraste est saisissant : d’un côté, les liturgies orientales, pleines de chants antiques, d’encens, de silence, d’élévation. De l’autre, les messes occidentales marquées par « des plaisanteries depuis l’autel, des poignées de main, des chansons de retraite des années 70 à la guitare ». Où est passé le tremblement sacré ? La crainte respectueuse ? La présence redoutable et miséricordieuse du Christ vivant dans l’Eucharistie ?
Le pape va plus loin : « Il est vital que vous conserviez vos traditions sans les atténuer, peut-être au nom de la praticité ou de la commodité. »
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La critique est dite avec calme , mais elle vise juste. En citant saint Syméon le Nouveau Théologien, le pape met le doigt sur la plaie : « De même que celui qui jette de la poussière sur une flamme l’éteint, les soucis de cette vie et les attachements aux choses vaines détruisent la chaleur du cœur. » La liturgie moderne, en voulant trop coller à la vie quotidienne, finit par éteindre la flamme.Ce n’est pas un rejet de la participation des fidèles bien au contraire, la grande majorité demande une liturgie qui ait du sens , qui porte le sens de cette communion avec Dieu.Mais « participer », c’est entrer dans le mystère, pas meubler les silences ou multiplier les interventions. Le vrai culte, c’est l’abandon, l’adoration, la prosternation. C’est se reconnaître petit devant Dieu et se laisser transfigurer par Lui. Ce que l’Orient a gardé vivant, l’Occident doit le retrouver ».
« Le drame de notre misère humaine doit se conjuguer avec l’émerveillement devant la miséricorde divine », dit encore le pape. Ce drame, c’est le péché. Cette miséricorde, c’est le Christ vivant, présent, agissant dans les sacrements. La messe est ce lieu où l’on est guéri, divinisé, élevé vers le ciel. Pas un simple lieu d’échange ou de convivialité.Le message du pape est clair. Il ne s’oppose pas frontalement aux réformes : il en dévoile les limites. Il ne juge pas les intentions : il redresse l’orientation. Il ne condamne pas les efforts pastoraux : il recentre sur Dieu.
À l’heure où beaucoup, dans l’Église, demandent la répression des formes liturgiques anciennes ,au nom de l’unité, de la modernité ou de la « pastorale » , ce rappel venu de Rome sonne comme un contrepoint salvateur. L’unité n’est pas l’uniformité. La tradition n’est pas une menace. Et la liturgie, si elle n’est plus le lieu du sacré, devient un simulacre.Il est urgent d’écouter le pape : « Retrouvons le sacré, le mystère et la beauté. » Car là où la liturgie redevient une rencontre avec Dieu, les cœurs se convertissent, les vocations renaissent, et la foi refleurit.