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[ Témoignage ] Comment le père Guy Gilbert a-t-il pu en arriver là ? Du zèle pastoral au sacrilège liturgique

Père Guy Gilbert - DR
Père Guy Gilbert - DR
Connu pour son blouson en cuir et son franc-parler, le père Guy Gilbert a présidé à Nancy une messe dont la validité est remise en cause, après avoir altéré la prière eucharistique et appelé à l’ordination des femmes. Un fidèle témoigne d’un véritable scandale liturgique, dans un silence total du diocèse

Connu pour ses envolées médiatiques, son blouson en cuir et ses bénédictions de motards, le père Guy Gilbert vient de franchir une ligne rouge : en déformant les paroles de la consécration et en appelant à l’ordination des femmes, il a présidé à Nancy une célébration gravement problématique, selon plusieurs fidèles présents. Un fidèle dénonce une messe invalide et un véritable « sacrilège de la Sainte Eucharistie ».

La messe était-elle valide ?

C’est la question posée à la sortie de l’église Saint-Sébastien de Nancy, ce vendredi 14 juin, par un jeune homme venu assister, avec simplicité, à la messe. Il en ressortira troublé, tout comme plusieurs fidèles. L’auteur du témoignage que Tribune Chrétienne a reçu se dit, lui, « scandalisé » et « profondément blessé ». Et il faut reconnaître que le déroulement de cette célébration présidée par le père Guy Gilbert soulève de graves interrogations sur le plan théologique et canonique, « la prière eucharistique a été complètement inventée par ce prêtre, et il a même modifié les paroles de la consécration, ce qui rend la messe invalide », écrit ce fidèle, qui ajoute : « Nous n’avons pas compris pourquoi le Per ipsum a été chanté après l’Agnus Dei… tout était déplacé, réinventé, improvisé. »

Mais c’est surtout la déclaration suivante, faite après une scène d’improvisation au moment du memento pour le pape et l’évêque, qui choque : « Le pape François a souhaité à plusieurs reprises que les femmes soient ordonnées. Qu’elles puissent baptiser, marier, prêcher… Prions pour que ce souhait du pape soit exaucé », a lancé le père Guy Gilbert depuis l’ambon. Une affirmation à la fois trompeuse, le pape n’a jamais souhaité l’ordination sacerdotale des femmes, et doctrinalement erronée. Saint Jean-Paul II a d’ailleurs définitivement clos ce débat en 1994 dans Ordinatio Sacerdotalis, affirmant que « l’Église n’a en aucune manière le pouvoir de conférer l’ordination sacerdotale à des femmes ».

Né en 1935, le père Guy Gilbert est un personnage connu du paysage ecclésial français, issu d’une famille de quinze enfants, il entre au séminaire avant de partir pour l’Algérie, en pleine guerre, où il est ordonné prêtre en 1965. Rentré à Paris, il devient éducateur de rue dans le 19e arrondissement, s’occupe des jeunes délinquants et fonde la Bergerie de Faucon, un centre de réinsertion dans les Alpes-de-Haute-Provence.

Père Guy Gilbert avec son célèbre blouson noir

Chroniqueur à La Croix ( évidemment) , animateur sur Radio Notre-Dame, célébrant des mariages de célébrités, bénissant des motards ou des bustes à son effigie… le père Guy Gilbert cultive un style. Il se définit comme un « homme de terrain » et n’a jamais caché ses positions personnelles. Il s’est dit « opposé au mariage homosexuel mais favorable à une union civile », favorable au préservatif « pour éviter un avortement », contre le divorce et l’euthanasie. Mais depuis plusieurs années, c’est son appel à une « plus grande place pour les femmes dans l’Église » qui interpelle. Lors de la messe à Nancy, cette prise de position a pris la forme d’un véritable appel à l’ordination féminine, présenté faussement comme un vœu du pape.

Le témoignage du fidèle est précis et accablant. Il rapporte que la préface liturgique a été escamotée, que les paroles sacrées de la consécration ont été modifiées, que les gestes liturgiques ont été déplacés, que les fidèles ont été sollicités au moment du memento pour les défunts : « Allez, allez-y », aurait dit le père Guy Gilbert pour inciter chacun à nommer les morts. La messe, commencée à 17h30, s’est achevée avant 18h20, alors que le sermon s’éternisait encore à 18h. L’assemblée était composée « uniquement de personnes âgées », note notre correspondant, à l’exception d’un jeune qui, à la fin, a osé poser la question que beaucoup pensaient tout bas : « Cette messe était-elle valide ? »

Du côté du diocèse de Nancy, aucun communiqué, aucune mise au point de monseigneur Pierre Yves Michel, évêque de Nancy-Toul. Le sanctuaire Saint-Sébastien, qui dépend de l’autorité directe de l’évêque, n’a pas réagi non plus. Le recteur actuel, l’abbé Jean-Michaël Munier, n’a fait aucune déclaration. Pourtant, la gravité des faits rapportés mérite une clarification.

Ce genre de  » messe improvisée « n’est plus tolérable. Il trahit la foi des fidèles, banalise l’Eucharistie, et scandalise ceux qui cherchent encore la beauté, la vérité et la fidélité dans la liturgie. D’un point de vue strictement canonique et théologique, une modification substantielle des paroles de la consécration (forme) rend la messe invalide. Le Catéchisme de l’Église catholique (§1128) et saint Thomas d’Aquin (IIIa, q. 78) sont formels : les sacrements agissent ex opere operato seulement si la matière et la forme sont respectées. Ce n’était pas le cas ici. L’Église ne peut pas rester silencieuse face à de telles dérives.

Alors que la foi vacille chez beaucoup, que la jeunesse cherche des repères solides, que la liturgie est l’ultime rempart du mystère, comment peut-on tolérer un tel sacrilège… au nom de la « pastorale » ?

Il est certes louable de partager la soupe avec les plus démunis, ce que qu’a fait le père Guy Gilbert lors de sa venue, de tendre la main à ceux qui ont faim et soif de justice sociale. Mais être prêtre ne se résume pas à remplir les ventres, ou à réconforter les esprits par des paroles humaines. Le prêtre est d’abord un ministre du salut, ordonné pour offrir le Saint Sacrifice, nourrir les âmes de la Vérité, et les conduire à la vie éternelle. Sans cette dimension surnaturelle, son action devient celle d’un travailleur social parmi d’autres. Le Christ n’est pas venu simplement soulager, mais sauver. Oublier cela, c’est trahir l’essence même du sacerdoce.

Nous avons tenté de joindre le père Guy Gilbert, sans succès.

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