Alors que des centaines d’églises ferment et que la pratique religieuse recule, certaines paroisses transforment leurs sanctuaires en lieux d’expérimentations sonores. C’est le cas de l’église de la Jaillette, à Louvaines (Maine-et-Loire), où se tiendra samedi 5 juillet un concert de musique ambient dans le cadre de la « Nuit des églises ». L’artiste John Patier, habitué des performances atmosphériques, y diffusera des nappes électro et des sons préparés sur synthétiseur, dans une ambiance volontairement floue. Il explique sans détour à Ouest France que :
« Le concert durera environ 1 h 30, les auditeurs doivent se sentir libres et peuvent aller et venir comme à une exposition visuelle. C’est la signification du titre ‘tapisseries sonores’. Nous préparerons le chœur pour le public. Ceux qui le souhaitent pourront s’installer sur des tapis que je mettrai en place. »
Des tapis dans le chœur. Une circulation libre. Une église réduite à un espace esthétique, vidé de sa fonction première. Cette désacralisation n’est plus une exception : elle devient, année après année, la norme dans cet événement présenté comme une opération de « mise en valeur du patrimoine religieux ». Face à ces dérives, l’Église de France se veut rassurante : elle présente la Nuit des églises comme une opportunité d’ouvrir les portes, de faire découvrir la beauté des lieux, d’initier au patrimoine. On évoque des racines, une quête spirituelle, des rencontres possibles. Mais que constate-t-on sur le terrain ? Une prolifération d’animations qui relèvent davantage du happening postmoderne que de la redécouverte du mystère chrétien.
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Le discours officiel parle de « mise en lumière artistique », de « franchissement de seuil », de « dialogue entre artistes et paroissiens »… Un langage vague, parfois creux, qui masque mal un certain renoncement : au lieu de transmettre la foi, on organise des soirées « multi-sensorielles » pour retenir un public volatil. Au lieu d’enseigner la beauté de la liturgie, on mise sur des concerts électro, des installations sonores, des projections lumineuses.
Cette stratégie de séduction s’éloigne dangereusement de la mission évangélisatrice de l’Église.
Il faut le dire clairement : une église n’est pas un centre d’arts sonores. Ce n’est pas une salle polyvalente. C’est un lieu saint, consacré à Dieu. On y prie, on y adore, on y célèbre. On ne s’y allonge pas sur des tapis pour écouter des sons diffusés depuis un MacBook.John Patier revendique une musique « contemplative et pastorale », prétendument inspirée du chant grégorien. Mais à y regarder de plus près, il cite comme modèle Brian Eno, inventeur de l’ambient, qui souhaitait remplacer la musique pop agressive des aéroports par des sons discrets… Quel lien avec la prière ? Quel lien avec la liturgie ? Aucun. Nous sommes dans un monde où l’on confond l’expérience sensorielle avec la rencontre avec Dieu.
Ceux qui veulent méditer sur des nuages sonores ont tout loisir de le faire ailleurs. Mais qu’ils ne se servent pas de nos églises comme d’un alibi. Car c’est bien cela, la « Nuit des églises » aujourd’hui : un cheval de Troie qui permet à la culture de s’installer là où la foi s’efface. À quand un sursaut ?
« Plusieurs de ses disciples, après l’avoir entendu, dirent: Cette parole est dure; qui peut l’écouter? » Jean 6:60