Un récent sondage de l’institut Datafolha place l’Église catholique au sommet de la confiance des Brésiliens. Avec 40 % de « très confiance » et 45 % de « assez confiance », elle devance toutes les autres institutions. Les Églises évangéliques, regroupées dans une seule catégorie, obtiennent la deuxième place avec 31 % de « très confiance ». Ce chiffre, en forte hausse depuis vingt ans, illustre une dynamique missionnaire redoutablement efficace, mais aussi une stratégie qui suscite de sérieuses réserves.
Au Brésil, le terme « Églises évangéliques » recouvre un univers extrêmement divers, allant des communautés protestantes historiques aux courants pentecôtistes et néo-pentecôtistes. Ces derniers, en particulier, se distinguent par un style de culte fondé sur l’émotion, la musique entraînante, des prédications spectaculaires et une promesse explicite de bénédictions matérielles ou de guérisons.
Ce modèle, s’il attire des foules, tend à réduire l’expérience religieuse à une intensité émotionnelle immédiate, souvent déconnectée d’un enracinement doctrinal solide.
À cela s’ajoute une dimension économique qui inquiète : de nombreuses Églises néo-pentecôtistes ont bâti de véritables empires financiers grâce aux dons réguliers exigés des fidèles, sous forme de « dîme » ou de contributions exceptionnelles présentées comme condition d’une faveur divine. Cette logique transforme parfois la foi en transaction et fragilise les plus modestes, qui donnent souvent au-delà de leurs moyens.
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Leur influence ne s’arrête pas aux domaines spirituel et économique. Ces Églises investissent massivement dans les médias ,télévisions, radios, réseaux sociaux ,et dans la politique, où certains leaders religieux occupent des postes stratégiques et façonnent des agendas législatifs inspirés de leur vision morale. Cette emprise sur la sphère publique interroge sur la frontière entre témoignage religieux et prise de pouvoir institutionnelle.Face à cette progression, l’Église catholique conserve pour l’instant un avantage décisif : son enracinement historique, sa dimension universelle et son engagement dans l’éducation, la santé et l’action sociale. Mais la Conférence nationale des évêques du Brésil (CNBB) met en garde contre toute complaisance. Elle appelle à renforcer la formation des fidèles, à revitaliser les paroisses et à investir dans la mission urbaine et numérique, afin de rejoindre ceux qui sont tentés par un message évangélique à la fois séduisant et simplificateur.
Rappelons que le sondage, réalisé du 7 au 14 juillet 2025 auprès de 2 005 personnes dans 130 communes, montre aussi que 74 % des Brésiliens restent attachés à la démocratie, même si 72 % reconnaissent une polarisation extrême. Dans ce contexte tendu, l’Église catholique reste la voix la plus écoutée du pays. Mais pour le rester, elle devra conjuguer fidélité à sa mission et lucidité sur les nouveaux concurrents spirituels qui, sous couvert de foi, savent manier émotion, influence et argent.