Jimmy Lai n’est pas seulement un prisonnier politique. Il est devenu, à son corps défendant, le symbole vivant de la persécution qui s’abat sur les catholiques en Chine et sur tous ceux qui osent résister au rouleau compresseur du Parti communiste.Depuis son arrestation en août 2020, puis son emprisonnement en décembre de la même année, l’homme d’affaires converti au catholicisme subit un procès politique dont l’issue ne fait guère de doute. Son fils Sébastien, dans un cri d’alarme à la BBC, a dit tout haut ce que chacun sait déjà : « Pratiquement ce serait une sentence de mort. Vu son âge et sa santé, oui, il mourra en prison. » À 77 ans, affaibli par plus de 1700 jours d’isolement, l’éditeur n’a plus la force de résister à une longue détention. Lundi, son cœur sera surveillé en direct au tribunal, comme pour rappeler cyniquement que c’est la machine judiciaire chinoise elle-même qui tient entre ses mains le fil de sa vie.
Jimmy Lai aurait pu choisir la fortune tranquille. Parti de rien, réfugié politique à Hong Kong après avoir fui la misère maoïste, il bâtit un empire textile puis fonda Next et l’Apple Daily, journaux courageux qui osaient défier Pékin. Le massacre de la place Tian’anmen en 1989 fut pour lui un point de non-retour : il ne se tairait plus. Dès lors, menaces, agressions et tentatives d’assassinat se succédèrent. En 2008, un tueur à gages fut payé un million de dollars pour le supprimer, en vain. En 2013, une voiture-bélier défonça sa maison, laissant une hache et un machete comme avertissement. Rien n’y fit : converti au catholicisme en 1997, Jimmy Lai s’est accroché à sa foi et à la liberté comme à une mission.
C’est avec la Loi sur la sécurité nationale de 2020 que Pékin a trouvé l’arme définitive pour réduire Jimmy Lai au silence. Accusé d’avoir « conspiré avec des puissances étrangères », il fut arrêté alors que la police faisait irruption dans les locaux de l’Apple Daily. Quelques mois plus tard, le journal fut étouffé sous les saisies financières et les arrestations de ses dirigeants. Le symbole était clair : la liberté de la presse à Hong Kong était morte.
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Aujourd’hui, Jimmy Lai incarne la fidélité à une vocation : celle de témoigner, coûte que coûte, de la vérité. Sa dernière parole publique résonne comme un testament spirituel et politique : « Je suis arrivé ici sans rien, la liberté de ce lieu m’a tout donné… Peut-être est-il temps que je rende cette liberté en luttant pour elle. »
Ce qui choque n’est pas seulement l’acharnement du régime chinois, mais aussi le silence assourdissant de l’Occident. Sébastien Lai supplie Londres et Washington d’agir. Il a rappelé que son père, citoyen britannique depuis 1996, devrait être défendu par son pays : « Nous, comme nation, ne nous serions pas battus pour l’un de nos citoyens les plus courageux, quand il aurait été important de le faire. » Donald Trump a promis de faire « tout ce qui est possible » pour obtenir sa libération. Mais que valent les promesses, quand la vie d’un homme pend à un fil et que le temps presse ?
L’affaire Lai dépasse son cas personnel. Elle dit au monde ce que signifie aujourd’hui être chrétien en Chine : être surveillé, humilié, réduit au silence, et parfois sacrifié. Elle dit aussi combien l’Occident, Vatican inclus, s’illusionne encore en croyant que le Parti communiste chinois peut tolérer une foi indépendante de son contrôle.Le verdict attendu lundi aura valeur de symbole. Qu’il soit de cinq ans ou de vingt, il sera une condamnation à mort, lente et implacable. Mais pour les catholiques du monde entier, Jimmy Lai restera l’homme qui a choisi le Christ et la liberté au lieu de l’exil et du compromis. Un témoignage offert dans la souffrance, qui rappelle que la liberté religieuse n’est pas un luxe mais une question de vie ou de mort.
