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Monseigneur de Kerimel a-t-il raison ? Quand la miséricorde choque mais demeure évangélique

Monseigneur Guy de Kerimel évêque du diocèse de Toulouse - DR
Monseigneur Guy de Kerimel évêque du diocèse de Toulouse - DR
Croyons-nous encore que le Christ peut transformer un criminel en apôtre, ou avons-nous réduit la foi à une morale sociale et sécuritaire ?

L’affaire du père Dominique Spina a créé un profond malaise dans l’Église de France. Pourtant, à travers ses prises de parole, l’archevêque de Toulouse, Mgr Guy de Kerimel, rappelle une vérité fondamentale : l’Église ne peut se laisser guider par l’émotion seule. Elle doit proclamer l’Évangile tout entier, dans lequel justice et miséricorde ne s’opposent pas, mais s’éclairent mutuellement.La colère des victimes et des fidèles est légitime, et nul ne peut l’ignorer. Mais l’Église ne peut fonder son discernement uniquement sur l’émotion collective. La compassion pour la souffrance ne doit pas conduire à effacer une autre vérité évangélique : le pardon est offert à tous, même aux coupables des crimes les plus graves. Comme le souligne Mgr de Kerimel : « La justice ne rend pas à l’auteur le mal qu’il a fait à la victime : “œil pour œil, dent pour dent”. Elle met une limite à l’exclusion du coupable, sauf dans les cas extrêmes de personnes dangereuses. »

Autrement dit, l’exclusion permanente, motivée par le scandale ou la peur, ne saurait être la règle dans l’Église. Sinon, l’Évangile lui-même perdrait sa force.

L’émotion n’est pas un critère de vérité

En rappelant que Jésus a confié des missions à des pécheurs notoires ,Matthieu le collecteur d’impôts, Pierre le renégat, Paul persécuteur de chrétiens, Marie-Madeleine la prostituée ,l’archevêque se situe au cœur de la tradition chrétienne. Il ne s’agit pas de nier la gravité des fautes ni la souffrance des victimes, mais de proclamer qu’aucun passé n’est plus fort que la grâce de Dieu. « Cette logique évangélique va encore au-delà de la réinsertion… elle porte le nom de conversion, car elle change le cœur de l’homme. »

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C’est là la vraie question : croyons-nous encore que le Christ peut transformer un criminel en apôtre, ou avons-nous réduit la foi à une morale sociale et sécuritaire ?

Il est compréhensible que l’opinion publique soit choquée par la nomination d’un prêtre condamné à une fonction aussi symbolique que celle de chancelier. Mais ce qui choque n’est pas nécessairement ce qui est contraire à l’Évangile. La mission de l’Église n’est pas de refléter les attentes de la société ni de se plier aux réflexes de rejet, mais d’annoncer que tout homme, même le plus pécheur, peut renaître en Christ.Comme l’écrit Mgr de Kerimel : « Nous croyons que la justice ne s’oppose pas à la miséricorde, la miséricorde ne s’oppose pas à la justice. Nous croyons au pardon, à la rédemption, sans jamais cautionner l’injustice. » Cette distinction est essentielle : pardonner n’est pas excuser, accueillir n’est pas banaliser. Mais refuser toute possibilité de retour serait trahir l’Évangile.

La société contemporaine tend à ériger l’émotion en critère ultime : ce qui choque doit être interdit, ce qui indigne doit être supprimé. Or l’Église ne peut céder à cette logique. Le Christ n’a pas craint le scandale lorsqu’il pardonnait aux adultères ou mangeait avec les publicains. Il a montré que la sainteté de Dieu se révèle précisément dans une miséricorde sans mesure.Ainsi, l’affaire Spina oblige l’Église à se demander : veut-elle être une institution morale de plus, soumise aux humeurs du moment, ou bien l’Église du Christ, qui proclame la grâce et la vérité, même quand elles dérangent ?

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