Pour les fidèles, c’est une véritable trahison spirituelle et patrimoniale.A Pont-de-Vivaux, quartier du 10ᵉ arrondissement de Marseille, la paroisse Saint-Maurice reposait sur deux églises, Chirié construite en 1942 et Vivès édifiée en 1964. Fermées depuis 2019, elles ont été vidées de leurs objets sacrés, laissées à l’abandon et livrées aux dégradations. En janvier 2024, le terrain de 1 700 m² qui les comprend a été placé sous compromis de vente. En septembre 2025, une autorisation tacite de travaux a été affichée pour transformer Chirié en logements et Vivès en possible dark store. Tout cela s’est fait sans cérémonie d’adieu, sans transparence, dans un silence assourdissant du cardinal Jean-Marc Aveline, qui pouvait agir et qui le peut encore.
Ces deux églises n’ont pas suivi le même sort administratif. Vivès est expressément mentionnée dans les documents comme « entrepôt », actant son changement de destination finale. Chirié, en revanche, n’est même pas désignée comme église, alors qu’elle est un bâtiment historique de 350 m² avec un presbytère de 90 m², classé comme architecture remarquable et conservé aux archives départementales. Ce flou volontaire cache sa transformation en logements et traduit la volonté d’effacer son caractère sacré. Dans les deux cas, les paroissiens ont le sentiment d’une désacralisation menée en secret. À Vivès, le tabernacle, les statues et le chemin de croix ont été retirés discrètement, la cloche a été descendue juste avant le 15 août, sans messe ni bénédiction. À Chirié, rien non plus n’a marqué officiellement la fin de la vie paroissiale. Les fidèles ont découvert après coup que leurs églises allaient disparaître de la carte du diocèse de Marseille.
Cette opération se déroule sur fond de procédure contestable car le changement de destination d’un lieu de culte en logements ou en entrepôt exige un permis de construire et une consultation des services publics. Or, le diocèse et la mairie se sont contentés d’une autorisation tacite, ce qui est insuffisant et peut être considéré comme illégal.
Le collectif demandent le retrait immédiat de cette autorisation tacite expliquant que le maire peut l’annuler et le préfet intervenir au titre du contrôle de légalité.
Par ailleurs l’acquéreur est connu : le groupe Sifer Promotion, associé à Laser Propreté, de la famille Lasery est un acteur puissant et controversé de la promotion immobilière marseillaise. Depuis vingt ans, il s’illustre par des projets contestés. En 2004, il a tenté de construire un immeuble de 27 mètres dans un secteur limité à 16 mètres au quartier Sainte-Anne. En 2013, la Chambre régionale des comptes a dénoncé une indemnité exorbitante de 2 millions d’euros versée à Laser pour quitter un terrain occupé irrégulièrement à la Capelette. Plus récemment, au Roy d’Espagne, Sifer a provoqué l’opposition des habitants avec un projet de 130 logements sur un site labellisé Patrimoine du XXᵉ siècle. À la faveur de relations politiques solides, le groupe a même obtenu des modifications discrètes du PLUI qui lui ont permis de débloquer des projets. Le diocèse ne pouvait pas ignorer le profil de cet acquéreur ni les conséquences de la vente.
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Depuis 2019, des paroissiens tentent de sauver ce qui peut l’être. Bernard Franchi, membre du Collectif Saint-Maurice, en est devenu la voix. Avec son épouse Corinne, il veille sur les bâtiments, alerte les élus, interpelle le diocèse. « L’église n’est pas délabrée, elle est à l’abandon. On est en train de l’assassiner », répète-t-il. Corinne se souvient des repas avec les prêtres, des baptêmes, des mariages, des moments de joie partagés dans la paroisse. « Quinze jours après la naissance de mes filles, je les ai amenées à l’église dans leur berceau. » Deux pétitions ont été lancées. Les fidèles demandent simplement que leur église soit respectée, qu’un adieu digne leur soit donné, qu’ils ne soient pas traités comme des spectateurs impuissants.
La responsabilité de Monseigneur Aveline semble entière. L’archevêque de Marseille savait qui était l’acheteur et ce qu’il projetait de faire. Il savait que les fidèles se mobilisaient. Il savait que les deux églises allaient disparaître comme lieux de culte. Pourtant, il a choisi le silence, préférant une désacralisation en catimini et une autorisation tacite plutôt que la vérité et le dialogue. La vente à ce promoteur ne répond à aucune vision pastorale ni à aucune volonté de préserver la mémoire catholique d’un quartier populaire, elle obéit à une logique purement financière assumée et décidée par Monseigneur Aveline lui-même. Et pourtant, il pourrait encore intervenir. En droit canon, c’est à l’évêque de décider si le nouvel usage est un usage profane convenable. Or, transformer une église en entrepôt logistique ou en dark store ne saurait l’être. Il pourrait demander le retrait de la tacite autorisation et rouvrir la concertation. Il pourrait célébrer une liturgie de clôture, honorer la mémoire des lieux.
À Pont-de-Vivaux, quartier du 10ᵉ arrondissement, deux églises et plus de 1 200 m² de patrimoine religieux du XXᵉ siècle sont sacrifiés. Dans les 9ᵉ, 10ᵉ et 11ᵉ arrondissements, tout le patrimoine diocésain est en vente, vendu ou cédé, Sainte-Émilie de Vialar étant déjà confiée aux évangéliques. Pour les habitants, ce n’est pas seulement une page qui se tourne mais une part de leur âme qui est arrachée. En refusant de parler et d’assumer, le cardinal Aveline laisse s’écrire une page sombre de l’histoire de l’Église à Marseille. Il reste encore un choix possible. Mais s’il ne fait rien, son nom restera attaché à la liquidation silencieuse des églises de Pont-de-Vivaux, livrées à la spéculation immobilière dans le dos de son peuple.Monseigneur Aveline, qui occupe différentes responsabilités à Rome et en France et qui aime à se présenter comme la voix des périphéries et des plus fragiles, se retrouve ici en porte-à-faux. Alors qu’il se fait le chantre d’une Église proche des pauvres et soucieuse des quartiers délaissés, il laisse disparaître deux églises populaires de Marseille au profit d’une opération immobilière contestée, donnant le sentiment que ses paroles ne sont pas suivies d’actes