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Un prêtre mexicain assassiné : l’Église est aussi visée par la violence des cartels

Le père Bertoldo Pantaleón Estrada -DR
Le père Bertoldo Pantaleón Estrada -DR
Le corps du père Bertoldo Pantaleón Estrada, retrouvé sans vie dans l’État de Guerrero, incarne le drame d’un pays où les prêtres demeurent les témoins courageux de la foi au milieu de la terreur des cartels

L’Église mexicaine, engagée dans des initiatives de paix et de désarmement, reste la seule voix capable de parler pour un peuple pris en otage par la violence et c’est dans ce contexte que le corps sans vie du père Bertoldo Pantaleón Estrada, curé de la paroisse de San Cristóbal à Mezcala, a été retrouvé lundi 6 octobre sur la route Mexico-Acapulco, dans la municipalité d’Eduardo Neri, au cœur de l’État de Guerrero, l’une des régions les plus dangereuses du Mexique. Âgé de 59 ans, le prêtre avait disparu deux jours plus tôt. La police locale a ouvert une enquête pour homicide, tandis que la Conférence de l’Épiscopat mexicain a condamné « un acte de violence qui endeuille profondément la communauté catholique » et exigé une enquête « rapide, exhaustive et transparente ».

Le père Bertoldo exerçait depuis huit ans son ministère dans une zone rongée par la pauvreté et les cartels. Connu pour sa proximité avec les familles, il incarnait ces prêtres mexicains qui maintiennent la flamme de la foi là où l’État est absent. Dans son diocèse de Chilpancingo-Chilapa, l’émotion est immense. Son évêque, Monseigneur José de Jesús González, a demandé aux fidèles « d’éviter les spéculations » tout en appelant à la prière et à la paix. Cet évêque, lui-même menacé à plusieurs reprises, sait ce que signifie servir Dieu « sur la ligne de feu ».Le meurtre du père Bertoldo s’inscrit dans un contexte de violence structurelle qui dévaste le Mexique. Depuis 2019, dix prêtres ont été assassinés et plus de neuf cents religieux menacés. Dans certains États comme le Guerrero, le Michoacán ou le Chiapas, la criminalité organisée impose sa loi, contrôlant les routes, les villages et les communautés. Pourtant, dans ces territoires, l’Église demeure la seule voix capable de parler pour le peuple.

Monseigneur González illustre cette mission courageuse. Déjà attaqué lors de son premier ministère épiscopal, il raconte qu’un jour, après que sa voiture eut été criblée de balles, ses assaillants, découvrant qu’ils tiraient sur un prêtre, lui demandèrent une bénédiction. « Eux aussi sont mes enfants », confie-t-il, refusant de céder à la haine. Dans son diocèse, il a mis en place des centres d’écoute pour les mères cherchant leurs enfants disparus, symbole d’une Église qui ne se détourne pas des souffrances du peuple.

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Mais si la violence semble l’emporter, des signes d’espérance persistent. En décembre 2024, l’Église catholique du Mexique s’est engagée dans un programme historique de désarmement volontaire, intitulé « Oui au désarmement, oui à la paix », en collaboration avec le gouvernement fédéral. Les paroisses ont ouvert leurs portes pour permettre aux citoyens de déposer leurs armes en toute sécurité. « Nous réaffirmons notre engagement envers le pardon, la réconciliation et la construction d’un Mexique prospère et en paix », déclarait alors la Conférence de l’Épiscopat Mexicain.

Ce programme, déjà en place depuis 2021 dans plusieurs États, vise à transformer la douleur en espoir et les armes en opportunités de paix. En trois ans, plus de mille six cents armes à feu, deux cent trente-six grenades et soixante-treize mille munitions ont été remises. Des initiatives parallèles ont vu le jour : échange de jouets guerriers contre des jouets éducatifs, modules de soutien psychologique, et campagnes de sensibilisation auprès des jeunes pour prévenir le recrutement par les cartels. En mettant ses églises au service de cette cause, l’Église mexicaine a montré qu’elle restait un acteur essentiel de la réconciliation nationale.Dans un pays où plus de trente et un mille homicides ont été recensés en 2023, l’Église apparaît à la fois fragilisée et prophétique. Elle demeure le dernier bastion d’espérance d’un peuple pris en otage par la peur. Dans les montagnes du Guerrero comme dans les périphéries de Mexico, des prêtres comme le père Bertoldo ou Mgr González continuent de défendre la dignité humaine, parfois au prix du sang.

L’Église mexicaine a confié le père Bertoldo « à la miséricorde du Seigneur, témoin de la paix au milieu de la violence » et rappelé que « la foi véritable ne se résigne jamais à la fatalité du mal, mais ose construire la paix, même au cœur des ténèbres ».Face à la peur et à la mort, l’Église du Mexique tient encore bon. Elle prie, elle soigne, elle pardonne. Et dans la voix fatiguée mais ferme de Mgr González résonne une certitude :« Dieu ne nous abandonne pas. Mais nous avons besoin de sentir que vous êtes proches pour continuer à avancer. »

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